C’était Noël après Noël quand j’ai reçu ce livre. Car René Magritte, fut pour moi, à l’adolescence, (avec Max Ernst, Paul Delvaux, Picabia, de Chirico, Tanguy) … une de mes premières giboulées reçues en peinture….
Grand merci donc à Babelio et «Les Impressions nouvelles» l’éditeur de me l’avoir fait redécouvrir.…. Compliments également à ce dernier que je ne connaissais pas, pour la qualité de cette édition.
Est-ce très courant qu’un auteur prenne la peine d’expliquer les raisons et motifs qui le conduisent à écrire un livre, et celui-là en particulier plutôt qu’un autre ? C’est en tout cas ainsi que Jacques Voisin commence cette biographie de René Magritte par un premier chapitre «Genèse d’un livre».
En fait, lors d’un passage fortuit dans la ville de Châtelet près de Charleroi dans la province belge du Hainaut où Magritte a passé son enfance, il y découvre des détails bien étranges sur l’enfance de l’artiste. Selon les dires d’une vieille dame, mère d’un de ses amis d’enfance, les frères Magritte avaient une sacrée réputation, et le René en particulier, qui aurait même peut-être poussé sa mère au suicide. Rien que ça ! Avouons qu’il y a de quoi attiser la curiosité.
C’est ainsi que Jacques Voisin va entreprendre une véritable enquête de terrain, enquête limitée aux 28 premières années du peintre, son enfance, son adolescence, ses premières années en peinture, c’est-à-dire avant sa reconnaissance par le public. Pour la mener à bien, il a rencontré de nombreuses personnes survivantes de sa famille, de ses amis ou de leurs descendants, consulté tous ses écrits disponibles, les archives familiales, les correspondances avec ses amis, pour y glaner toute évocation éventuelle de sa jeunesse, écouté toutes les interviews, étudié tout le contexte de l’époque, traqué même ses ancêtres, enfin bref, tout ce qui lui a été possible de faire pour comprendre qui était René Magritte enfant, adolescent et jeune adulte jusqu’au jour de 1926 où il conçu sa première œuvre surréaliste : « Le Jockey perdu » (la première qu’il jugea réussie).
Ainsi, tout au long du livre, l’auteur vous invite à l’accompagner dans son travail de biographe, dans les musées, les bibliothèques, dans tous les lieux et villes qu’a connus l’artiste, jusqu’aux cimetières… auprès de ceux qui l’ont connu ou que leurs proches ont bien connu, que nous écoutons, avec lui, nous raconter la vie incroyable (le mot est faible) qui fut la sienne en deux époques : avant le suicide de sa mère quand il avait 13 ans, puis après ce drame, de 1912 à 1926.
Au-delà de la biographie elle-même, ce sont aussi les exigences et les préoccupations du biographe qui nous interpellent, ses doutes, son souci de vérité, le deuil même de ses rêves.. Ainsi, je fus forcé de renoncer à ma représentation idéalisée du peintre et ce deuil était accompli quand vint le temps de l’écriture ». (ce que vous serez sans nul doute contraint de faire vous aussi cher lecteur quand viendra le temps de cette lecture…)
Si vous avez une idée précise de René Magritte, même une vague idée d’ailleurs, laissez tomber…. Il y avait le « mystère Picasso » et maintenant il y a « le mystère Magritte » et malgré la minutie pour ne pas dire la méticulosité de l’enquête quasi policière que mène Jacques Roisin, le voile ne se laissera pas lever facilement, et ce d’autant qu’il ne nous donnera aucune piste…
Certes l’œuvre de Magritte laisse présager une personnalité hors du commun, mais à ce point !
Par contre, si vous avez une idée de ce que peut signifier un personnage « sans limite » là vous brûlez…
Au début on se dit : quoi ! une enfance chahutée, un enfant chahuteur, fantasque, des blagues de potache…mais petit à petit on va de surprise en surprise, puis l’incrédulité vous gagne, jusqu’à l’effarement !
Mais toujours, la chenille se transforme en papillon, et c’est la métamorphose … ici une découverte qui sera une révélation décisive.
Lisez cette première vie de l’homme au chapeau melon, et vous ne regarderez plus un Magritte de la même façon.
Un moment, je me suis posée la question de ce qu’aurait pensé Magritte de toute cette archéologie à son égard…. qui plus est de la part d’un psychanalyste, lui, qui semble-t-il se méfiait de ces approches psychologiques et avait rejeté son enfance dans l’oubli le plus profond….
La réponse en est finalement donnée par son chantre et ami, Louis Scutenaire : «Un détective à ses trousses, nom de Dieu de nom de Dieu, ça lui aurait plu alors ! »
Naturellement, ceci n’est pas une critique.
(facile ! mais à ce propos, ce livre vous dévoilera en quelle circonstance le « ceci n’est pas une pipe » est né)
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Le travail de recherche est impressionnant et passionné. En effet, pendant 13 ans, Jacques Roisin a fouillé les archives familiales, a lu des lettres, des journaux, a rencontré les derniers témoins qui avaient connu Magritte et sa famille.
Est intéressant également le travail du biographe qui nous est livré ici. L’auteur ne nous cache rien de ses difficultés ni de son indécence dans la façon d’obtenir parfois certains témoignages tant est grand son désir d’en savoir toujours plus.
Il ressort de cette enquête un portrait très trouble de Magritte, celui d’un homme cruel avec les gens et avec les animaux très loin de l’image de l’homme au chapeau melon comme le relève l’auteur : « Ainsi, je fus forcé de renoncer à ma représentation idéalisée du peintre et ce deuil était accompli quand vint le temps de l’écriture. »
Dommage cependant que le style soit assez plat, factuel. Il manque quelque chose pour vraiment entraîner le lecteur dans cette quête.
Merci à BABELIO et aux éditions LES IMPRESSIONS NOUVELLES.
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C’est une véritable enquête, digne d’un détective privé, que l’auteur a menée pour tenter de mettre ses pas dans ceux du jeune René Magritte.
Qui se cache derrière ces faits et gestes étranges voire malveillants ?
Quel est le lien entre un peintre de renom et un être apparemment dépourvu de conscience morale, uniquement mu par un instinct ravageur ?
Les témoignages se recoupent et tout est consciencieusement consigné comme autant de preuves irréfutables. La lecture de ces méfaits commis à répétition est stupéfiante et peut mettre mal à l’aise car aucune perche ne nous est tendue pour donner sens à un tel comportement…sauf, peut-être, à la toute fin de l’ouvrage…
Un livre impressionnant sur un esprit sans repos, hors du commun, hors des limites…jusqu’au face-à-face salvateur avec une toile de Giorgio De Chirico.
Un grand merci à Babelio et à l'éditeur pour cet extraordinaire document reçu dans le cadre de "Masse Critique".
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