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Citation de enkidu_


« Iblîs est le martyr de Dieu et l’homme de cœur ne doit pas maudire celui qui est le martyr de son Dieu » (Abû al-‘Abbâs al-Qassâb)

Lorsque Schelling évoque le désir d’affranchissement de Satan soumis à la conscience humaine, il ne manque pas de faire allusion au Coran où Iblîs refuse d’adorer l’homme car, commente-t-il, soumission et adoration reviennent au même dans la conceptualisation de l’Orient. Indication précieuse qui attribue au geste du futur paria un autre motif que l’envie.
(…)
Dans le Tâsîn al-azal (prééternité) wa-l-iltibâs (amphibologie) qui contient avec ses poèmes la pure moelle de son esprit, Hallâj propose une géniale variation sur le refus d’Iblîs qui devient sous sa plume l’un des deux plus grands monothéistes qui soient, le deuxième étant Mahomet ! Je propose ici une traduction de la partie essentielle de ce texte.

« Il n’y eut pas, parmi les habitants du ciel, un unitaire [au sens premier de monothéiste] tel qu’Iblîs, car son œil ayant été recouvert par la confusion (ulbisa), il abandonna (hajara) tout regard, à la dérobée et dans le clin d’œil, dans le secret [ou l’intime, sirr] si bien qu’il adora l’Adoré selon le détachement (tajrîd).
(…)
Moïse rencontre Iblîs sur la pente du Sinaï et lui dit : ‘’O Iblîs ! Qu’est-ce qui t’a empêché de te prosterner ?’’. Il répondit : ‘’Ce qui m’en a empêché, c’est ma proclamation d’un Adoré unique. Si je m’étais prosterné devant Adam, je serais devenu comme toi. Il a suffi qu’on t’ordonne une fois : ‘Regarde la montagne’ (Coran 7:143) pour que tu la regardes. Mille fois on me cria : ‘’Prosterne-toi ! prosterne-toi !’ et je n’en fis rien en raison de ma proclamation selon ma conception (bima’nâya).’’
(…)
‘’Mon service est maintenant plus pur, mon instant plus vide [ou plus dédié, akhlâ], ma remémoration plus douce [ou meilleure : ahlâ], car je le servais naguère à mon privilège et je le sers maintenant à son privilège.’’ »
(…)
La révolte du personnage hallâjien n’est plus celle de l’ange jaloux de son rang (ou, pire, bouffi d’une superbe qui le conduit à vouloir égaler Dieu, voir Le dépasser. De Lucifer, Boehme disait magnifiquement que ne trouvant aucun lieu au-delà de Dieu, il n’a pu aller qu’en lui-même). Aux antipodes, la révolte d’Iblîs est plutôt d’un fidèle, disons même d’un amoureux arrêté à mi-chemin, si l’on voulait lui appliquer la sentence de Wilhelm Meister : « Ce n’est pas assez de risquer sa vie pour un ami, il faut aussi pouvoir, au besoin, lui sacrifier ses convictions. » (pp. 55-61)
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