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Citation de Le_Marre_Patrick


Une fille se promenait autour des établis : vêtue d’une robe de toile bleu marine, sans chapeau, elle portait un sac à main en lézard accroché à l’épaule.
— Bonjour, fis-je en me demandant ce qu’elle voulait. Qu’est-ce qu’il y a pour votre service ?
Elle se retourna.
Vous est-il arrivé de bricoler dans un commutateur électrique défectueux et de recevoir une bonne secousse dans le bras ? C’est à peu près ce que je ressentis quand elle se retourna : une secousse qui me traversa tout le corps ; j’avais la bouche sèche et mon cœur battait à se rompre.
Il ne faut pas en déduire que c’était une beauté. Non ; son visage et sa silhouette attiraient l’attention, évidemment, et les hommes devaient la regarder à deux fois, même à trois, mais c’était encore autre chose. Elle avait ce que les hommes recherchent : appelez ça du sex-appeal, si vous voulez, mais c’était plus que du sex-appeal. Une sensualité animale, quelque chose qui avait l’air de sortir en ligne droite de la jungle…
Son visage était un peu trop long et étroit pour prétendre à la beauté, mais elle avait des pommettes hautes qui lui donnaient un peu l’air d’une Chinoise et, dans ses yeux sombres au regard brûlant, on pouvait lire la promesse à demi voilée de délices indicibles.
Et puis elle avait des formes aussi provocantes qu’ostensibles. La robe qu’elle portait n’était pas conçue pour masquer les lignes de sa silhouette, mais au contraire pour les accuser. Ses petits seins tendaient la toile sombre comme pour la percer. La taille fine s’élargissait vers des hanches pleines qui, à leur tour, descendaient en s’affinant vers de longues jambes fines gainées de nylon.
— Hello ! Harry, fit-elle en souriant et en montrant ses dents blanches.
Et quand elle souriait, il y avait dans ses yeux un éclat qui valait la peine d’être vu.
Plusieurs fois pendant ces deux derniers jours, son souvenir m’était revenu insidieusement à l’esprit et je m’étais demandé si je la reverrais jamais. J’étais parvenu à me convaincre à moitié qu’elle ne viendrait pas et voilà… elle était là, sortie de l’ombre maintenant, plus excitante encore et beaucoup plus dangereuse que mon imagination ne l’avait faite lorsque je m’étais laissé aller à penser à elle.
— Eh bien ! pour une surprise… Je ne m’attendais pas du tout à vous revoir.
J’avais du mal à reconnaître ma voix qui avait tout d’un croassement rauque. Elle m’examinait des pieds à la tête du même air absorbé que je devais avoir, moi, pour la dévisager.
— J’avais dit que je viendrais.
Tout à coup, je me rendis compte que Tim nous regardait et je fis effort pour me reprendre.
Son regard glissa de moi à Tim, puis s’arrêta assez longtemps sur lui pour que le garçon se mette à rougir et s’en aille à l’autre bout du hangar.
— Il a l’air amusant, ce garçon. Il travaille avec vous ?
— Il est plus malin qu’il n’en a l’air.
— Je préfère ça, fit-elle en riant ; je voudrais garer ma voiture ici.
Je me rendis compte alors, comme par une réaction instinctive que je devais lui dire que j’avais changé d’avis. Ce que je ressentais, maintenant que j’étais devant elle, était trop inquiétant. Il ne fallait plus la revoir. Il fallait arrêter ça avant que ça n’aille trop loin. Je le savais. Je savais que si je la revoyais, ça ferait du dégât.
Ma raison me disait que ça ne marchait pas, mais ma voix dit autre chose :
— D’accord. Si vous garez là-bas contre le mur, vous ne serez pas sur mon passage et ça vous sera plus facile pour entrer et sortir.
Le froncement de sourcils disparut et ses yeux se remirent à briller.
— Parfait, fit-elle en ouvrant son sac. Je vais vous payer un mois d’avance. Donnez-moi un reçu.
— Venez dans mon bureau.
Elle s’assit sur la chaise boiteuse à dossier droit et croisa les jambes sans beaucoup se gêner. D’où j’étais, je voyais un genou et un petit triangle de cuisse blanche à l’endroit où la jupe s’était relevée. J’avais la bouche aussi sèche que si elle avait été pleine de poussière.
Je sortis mon carnet de reçus et en remplis un. J’avais du mal à écrire lisiblement : on aurait dit l’écriture d’un vieillard de quatre-vingt-dix ans.
Lorsque je relevai les yeux pour lui tendre son reçu, je vis qu’elle m’observait. J’avais comme une idée qu’elle se rendait bien compte de l’état dans lequel elle me mettait, mais lorsqu’elle sourit, ses yeux ne trahissaient rien de ses pensées. Elle me lança un long regard de ses yeux en amande, ferma son sac et se leva.
Elle vint vers moi. Je m’étais levé et j’avais quitté le bureau. Son parfum était aussi capiteux que sa silhouette.
— Vous voulez des idées ?
— J’y réfléchirais volontiers. Je ne suis pas fier.
Elle leva la main et chassa un imaginaire brin de duvet sur mon revers. Il y avait dans le regard étincelant de ses yeux noirs une invitation qui ne laissait place à aucun doute. Je me rendis compte que je serrais les poings derrière mon dos pour éviter de la prendre dans mes bras.
— Alors, j’y penserai. Il se pourrait que j’aie une idée pour vous.
— Harry !
La voix d’Ann mon épouse emplissait l’escalier.
Nous reculâmes chacun d’un pas comme si quelque force invisible se fût glissée entre nous pour nous séparer brutalement.
— Tu es là, Harry ?
D’un pas un peu hésitant, j’allai ouvrir la porte.
— Oui, qu’est-ce qu’il y a ?
— Pourrais-tu monter un moment ?
— J’arrive.
— C’est votre femme ? fit-elle tout bas.
Et elle se rapprocha de moi de nouveau.
— Oui. Il faut que j’y aille.
Nous parlions comme des conspirateurs.
— J’amènerai la voiture demain. Au revoir, Harry.
— Au revoir.
Elle glissa devant moi et traversa le garage d’un pas rapide. Je remarquai qu’elle roulait légèrement les hanches en marchant. Si j’avais été un peu moins troublé je me serais rendu compte qu’elle le faisait exprès.
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