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EAN : 9782070431083
250 pages
Gallimard (15/02/1973)
3.55/5   20 notes
Résumé :
S'il n'y avait pas les fins de mois difficiles, on ne se plaindrait pas. On a un bon boulot, une bonne petite femme, de bonnes petites idées d'honnêteté. L'avenir n'est pas folichon, mais c'est mieux que rien. Et puis un jour on embarque une belle fille dont la bagnole est en panne. Et elle vous fait rêver. A son corps. Et à son fric. Car manifestement, du fric, elle en a. Et des projets, et des promesses. Alors, sans presque s'en rendre compte, on vire au salaud in... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Premières lignes :

« Les phares de mon camion l'isolèrent au milieu de l'ombre. Inondée de lumière, elle faisait un peu penser à l'artiste qui, seule sur la scène, va commencer son tour de chant.
Vêtue d'une jupe de flanelle grise et d'un blouson lie-de-vin à fermeture éclair, elle se tenait debout près d'une Buick Roadmaster 1939 qu'on n'avait certainement pas lavée depuis des mois ni repeinte depuis des années. Elle me fit signe de la main.
J'ai pour principe, quand je suis au volant, de ne pas m'arrêter pour une fille qui fait de l'auto-stop, mais cette fois-ci, c'était différent. Selon toutes les apparences, elle devait avoir des ennuis mécaniques et il se trouve que les ennuis mécaniques, c'est mon affaire.
Je m'arrêtai près d'elle et me penchai à la portière du camion.
— Je suis en panne, m'annonça-t-elle, vous pouvez m'aider ?
La montre du tableau de bord marquait onze heures vingt. J'avais faim, j'étais fatigué et je venais de me bagarrer pendant deux heures avec une bagnole tombée en carafe à environ quinze cents mètres de l'autre côté de l'aérodrome de Northolt. Je descendis quand même du camion :
— Qu'est-ce qui ne va pas ?
— Ce n'est pas l'essence. le réservoir est presque plein. C'est le moteur qui s'est arrêté.
J'allai jusqu'à la Buick, soulevai le capot et une odeur de brûlé m'en dit assez pour ce que je voulais savoir. Je pris mon temps pour diriger le jet de ma lampe électrique dans la mécanique puis rabaissai le capot.
— le contact est grillé. Il faudra quelques jours pour arranger ça.
— Ah zut ! Mais vous êtes sûr ? Vous avez à peine regardé.
— Je n'ai pas besoin de regarder. Il suffit de sentir. Je suis du métier, vous savez.
Par-dessus son épaule, elle jeta un coup d'oeil sur le camion et à la lumière réfléchie de ma lampe, put voir l'inscription en lettres rouges sur fond blanc :
HARRY COLLINS Ltd
Garage-Réparations
14, Eagle Street »

Cette histoire terrifiante pour tous les hommes mariés comme moi, relate la dégringolade de Harry Collins qui sera attiré irrésistiblement vers une femme qui arrivera de nulle part. Tout commence lorsqu'il rencontrera sur sa route une femme a coté de son véhicule immobilisé. Il se proposera de la ramener chez elle, ils sympathiseront et elle lui assurera qu'elle viendra lui rendre visite à son garage car elle cherche une place de parking pour son véhicule. le basculement s'opèrera quand elle viendra lui rendre visite :

EXTRAIT :
« Une fille se promenait autour des établis : vêtue d'une robe de toile bleu marine, sans chapeau, elle portait un sac à main en lézard accroché à l'épaule.
— Bonjour, fis-je en me demandant ce qu'elle voulait. Qu'est-ce qu'il y a pour votre service ?
Elle se retourna.
Vous est-il arrivé de bricoler dans un commutateur électrique défectueux et de recevoir une bonne secousse dans le bras ? C'est à peu près ce que je ressentis quand elle se retourna : une secousse qui me traversa tout le corps ; j'avais la bouche sèche et mon coeur battait à se rompre.
Il ne faut pas en déduire que c'était une beauté. Non ; son visage et sa silhouette attiraient l'attention, évidemment, et les hommes devaient la regarder à deux fois, même à trois, mais c'était encore autre chose. Elle avait ce que les hommes recherchent : appelez ça du sex-appeal, si vous voulez, mais c'était plus que du sex-appeal. Une sensualité animale, quelque chose qui avait l'air de sortir en ligne droite de la jungle…
Son visage était un peu trop long et étroit pour prétendre à la beauté, mais elle avait des pommettes hautes qui lui donnaient un peu l'air d'une Chinoise et, dans ses yeux sombres au regard brûlant, on pouvait lire la promesse à demi voilée de délices indicibles.
Et puis elle avait des formes aussi provocantes qu'ostensibles. La robe qu'elle portait n'était pas conçue pour masquer les lignes de sa silhouette, mais au contraire pour les accuser. Ses petits seins tendaient la toile sombre comme pour la percer. La taille fine s'élargissait vers des hanches pleines qui, à leur tour, descendaient en s'affinant vers de longues jambes fines gainées de nylon.
— Hello ! Harry, fit-elle en souriant et en montrant ses dents blanches.
Et quand elle souriait, il y avait dans ses yeux un éclat qui valait la peine d'être vu.
Plusieurs fois pendant ces deux derniers jours, son souvenir m'était revenu insidieusement à l'esprit et je m'étais demandé si je la reverrais jamais. J'étais parvenu à me convaincre à moitié qu'elle ne viendrait pas et voilà… elle était là, sortie de l'ombre maintenant, plus excitante encore et beaucoup plus dangereuse que mon imagination ne l'avait faite lorsque je m'étais laissé aller à penser à elle.
— Eh bien ! pour une surprise… Je ne m'attendais pas du tout à vous revoir.
J'avais du mal à reconnaître ma voix qui avait tout d'un croassement rauque. Elle m'examinait des pieds à la tête du même air absorbé que je devais avoir, moi, pour la dévisager.
— J'avais dit que je viendrais.
Tout à coup, je me rendis compte que Tim nous regardait et je fis effort pour me reprendre.
Son regard glissa de moi à Tim, puis s'arrêta assez longtemps sur lui pour que le garçon se mette à rougir et s'en aille à l'autre bout du hangar.
— Il a l'air amusant, ce garçon. Il travaille avec vous ?
— Il est plus malin qu'il n'en a l'air.
— Je préfère ça, fit-elle en riant ; je voudrais garer ma voiture ici.
Je me rendis compte alors, comme par une réaction instinctive que je devais lui dire que j'avais changé d'avis. Ce que je ressentais, maintenant que j'étais devant elle, était trop inquiétant. Il ne fallait plus la revoir. Il fallait arrêter ça avant que ça n'aille trop loin. Je le savais. Je savais que si je la revoyais, ça ferait du dégât.
Ma raison me disait que ça ne marchait pas, mais ma voix dit autre chose :
— D'accord. Si vous garez là-bas contre le mur, vous ne serez pas sur mon passage et ça vous sera plus facile pour entrer et sortir.
Le froncement de sourcils disparut et ses yeux se remirent à briller.
— Parfait, fit-elle en ouvrant son sac. Je vais vous payer un mois d'avance. Donnez-moi un reçu.
— Venez dans mon bureau.
Elle s'assit sur la chaise boiteuse à dossier droit et croisa les jambes sans beaucoup se gêner. D'où j'étais, je voyais un genou et un petit triangle de cuisse blanche à l'endroit où la jupe s'était relevée. J'avais la bouche aussi sèche que si elle avait été pleine de poussière.
Je sortis mon carnet de reçus et en remplis un. J'avais du mal à écrire lisiblement : on aurait dit l'écriture d'un vieillard de quatre-vingt-dix ans.
Lorsque je relevai les yeux pour lui tendre son reçu, je vis qu'elle m'observait. J'avais comme une idée qu'elle se rendait bien compte de l'état dans lequel elle me mettait, mais lorsqu'elle sourit, ses yeux ne trahissaient rien de ses pensées. Elle me lança un long regard de ses yeux en amande, ferma son sac et se leva.
Elle vint vers moi. Je m'étais levé et j'avais quitté le bureau. Son parfum était aussi capiteux que sa silhouette.
— Vous voulez des idées ?
— J'y réfléchirais volontiers. Je ne suis pas fier.
Elle leva la main et chassa un imaginaire brin de duvet sur mon revers. Il y avait dans le regard étincelant de ses yeux noirs une invitation qui ne laissait place à aucun doute. Je me rendis compte que je serrais les poings derrière mon dos pour éviter de la prendre dans mes bras.
— Alors, j'y penserai. Il se pourrait que j'aie une idée pour vous.
— Harry !
La voix d'Ann mon épouse emplissait l'escalier.
Nous reculâmes chacun d'un pas comme si quelque force invisible se fût glissée entre nous pour nous séparer brutalement.
— Tu es là, Harry ?
D'un pas un peu hésitant, j'allai ouvrir la porte.
— Oui, qu'est-ce qu'il y a ?
— Pourrais-tu monter un moment ?
— J'arrive.
— C'est votre femme ? fit-elle tout bas.
Et elle se rapprocha de moi de nouveau.
— Oui. Il faut que j'y aille.
Nous parlions comme des conspirateurs.
— J'amènerai la voiture demain. Au revoir, Harry.
— Au revoir.
Elle glissa devant moi et traversa le garage d'un pas rapide. Je remarquai qu'elle roulait légèrement les hanches en marchant. Si j'avais été un peu moins troublé je me serais rendu compte qu'elle le faisait exprès. »

C'est le schéma classique que l'on retrouve dans beaucoup de romans de Chase. Mais cette fois-ci notre homme est marié. Les scènes où notre vamp se remettra en contact en cachette avec notre pauvre garagiste vous feront avoir des sueurs froides. Après cet extrait superbement narré, il faut lire la suite où Harry vient à l'appel de son épouse :

EXTRAIT :
« Je lui jetai un regard sans tendresse.
Elle portait un vieux sweater et un pantalon bleu tellement rétréci par les lavages qu'il ne lui arrivait même plus aux chevilles et lui bridait les fesses. Une mèche de ses cheveux bruns lui tombait sur un oeil et elle avait une tache de poussière sur le menton. Une demi-heure plus tôt, je me serais dit qu'elle était plutôt bien roulée, mais maintenant j'étais encore ébloui par la robe de toile bleue et les formes agressives qu'elle contenait.
— Pour l'amour de Dieu, Ann, tu ne pourrais pas t'attifer autrement ? Ce pantalon te fait un derrière deux fois plus gros que nature, et ce sweater est tout juste bon à mettre aux vieux chiffons.
Je vis l'air stupéfait qui envahit brusquement son visage, puis elle se mit à rire.
— Je suis désolée, chéri. Je sais que je suis horriblement fagotée, mais je viens de faire un tas de choses. Je vais me changer. (Elle me mit les bras autour du cou.) Je suis désolée d'avoir l'air d'une souillon, mais j'ai été tellement occupée !
J'eus tout à coup honte de lui avoir parlé sur ce ton et le sang me monta au visage.
Je restai quelques minutes assis à mon bureau, irrité, excité et un peu mal à l'aise. Je ne m'étais jamais disputé avec Ann. Je ne l'avais jamais critiquée. Je voyais encore le regard stupéfait, blessé qu'elle m'avait lancé quand je l'avais quittée. Je pensais à Gloria et à moi, à nos airs de conspirateurs en entendant la voix d'Ann. Il n'y avait pas de doute, il fallait que tout ça cesse. Quand Gloria viendrait pour amener sa voiture, je lui dirais que j'avais changé d'avis. Si elle garait chez moi, je la verrais souvent. Je me rappelais ce regard quand elle avait fait semblant de m'enlever un brin de duvet. Les femmes n'ont cet air-là que quand elles cherchent des histoires. Je sentis quelque chose de froid et d'humide qui me coulait sur le visage. Rien qu'à penser à elle comme ça, je transpirais. »

Là, Chase a placé la barre très haut en matière de thriller psychologique… L'auteur sait comment s'y prendre pour insinuer le sentiment progressif d'oppression qui minera notre garagiste, les signes qu'il se passe quelque chose, son trouble, ses sautes d'humeur et le malaise de plus en plus apparent lorsqu'elle sera présente à coté de lui commencera à mettre la puce à l'oreille de son entourage… La suite, on s'en doute : Il succombera et cette vamp lascive, preuve en main, le fera chanter pour qu'il commette le vol d'un fourgon blindé… J'ai rarement lu un roman de Chase autant empreint de noirceur. C'est assez étrange de l'exprimer ainsi mais on a l'impression que tout le roman se déroule en pleine nuit alors que non… Tout le roman dégage une ambiance alarmante, une directive lugubre, une logique perverse… Je me souviens d'un passage du livre où elle appelle au téléphone un soir alors qu'il est avec son épouse… il répondra à voix basse le coeur battant à tout rompre autant apeuré qu'excité alors que sa femme est dans l'autre pièce… ! Avec ce roman, le Grand Maitre Chase met une pression énorme sur le lecteur.

Et le titre du livre ? ça n'arrive qu'aux vivants… Je trouve que la traduction est une honte.
De plus ça ne veut rien dire… Titre original : the things men do
« La faiblesse des hommes » aurait été pas mal comme traduction.
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Un bon Chase, un des rares qui se passent en Angleterre. Une belle histoire de chantage , de braquage et de vengeance . La tension monte crescendo, on voit le drame venir…. Puis la revanche …. Une histoire très cinématographique et intemporelle .
On ne peux pas lâcher les 100 dernières pages …

Commenter  J’apprécie          100
L'histoire se déroule à Londres, et non aux USA comme habituellement dans l'oeuvre de James Hadley Chase. Les 2/3 du roman sont cousus de fil blanc et on suit sans surprise les péripéties du looser lâche et la bande de malfrats qui préparent le hold up avec l'aide de la femme bandit 'pour ne pas écrire salope). La fin du roman a plus de valeur avec suspense et réglements de compte?
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Harry garagiste, rencontre un soir, la belle Gloria.
A partir de cet instant, sa vie bien rangée, va basculer....
Un bon polar qui vous tient, et que vous ne lâcher qu'à la dernière page.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Une fille se promenait autour des établis : vêtue d’une robe de toile bleu marine, sans chapeau, elle portait un sac à main en lézard accroché à l’épaule.
— Bonjour, fis-je en me demandant ce qu’elle voulait. Qu’est-ce qu’il y a pour votre service ?
Elle se retourna.
Vous est-il arrivé de bricoler dans un commutateur électrique défectueux et de recevoir une bonne secousse dans le bras ? C’est à peu près ce que je ressentis quand elle se retourna : une secousse qui me traversa tout le corps ; j’avais la bouche sèche et mon cœur battait à se rompre.
Il ne faut pas en déduire que c’était une beauté. Non ; son visage et sa silhouette attiraient l’attention, évidemment, et les hommes devaient la regarder à deux fois, même à trois, mais c’était encore autre chose. Elle avait ce que les hommes recherchent : appelez ça du sex-appeal, si vous voulez, mais c’était plus que du sex-appeal. Une sensualité animale, quelque chose qui avait l’air de sortir en ligne droite de la jungle…
Son visage était un peu trop long et étroit pour prétendre à la beauté, mais elle avait des pommettes hautes qui lui donnaient un peu l’air d’une Chinoise et, dans ses yeux sombres au regard brûlant, on pouvait lire la promesse à demi voilée de délices indicibles.
Et puis elle avait des formes aussi provocantes qu’ostensibles. La robe qu’elle portait n’était pas conçue pour masquer les lignes de sa silhouette, mais au contraire pour les accuser. Ses petits seins tendaient la toile sombre comme pour la percer. La taille fine s’élargissait vers des hanches pleines qui, à leur tour, descendaient en s’affinant vers de longues jambes fines gainées de nylon.
— Hello ! Harry, fit-elle en souriant et en montrant ses dents blanches.
Et quand elle souriait, il y avait dans ses yeux un éclat qui valait la peine d’être vu.
Plusieurs fois pendant ces deux derniers jours, son souvenir m’était revenu insidieusement à l’esprit et je m’étais demandé si je la reverrais jamais. J’étais parvenu à me convaincre à moitié qu’elle ne viendrait pas et voilà… elle était là, sortie de l’ombre maintenant, plus excitante encore et beaucoup plus dangereuse que mon imagination ne l’avait faite lorsque je m’étais laissé aller à penser à elle.
— Eh bien ! pour une surprise… Je ne m’attendais pas du tout à vous revoir.
J’avais du mal à reconnaître ma voix qui avait tout d’un croassement rauque. Elle m’examinait des pieds à la tête du même air absorbé que je devais avoir, moi, pour la dévisager.
— J’avais dit que je viendrais.
Tout à coup, je me rendis compte que Tim nous regardait et je fis effort pour me reprendre.
Son regard glissa de moi à Tim, puis s’arrêta assez longtemps sur lui pour que le garçon se mette à rougir et s’en aille à l’autre bout du hangar.
— Il a l’air amusant, ce garçon. Il travaille avec vous ?
— Il est plus malin qu’il n’en a l’air.
— Je préfère ça, fit-elle en riant ; je voudrais garer ma voiture ici.
Je me rendis compte alors, comme par une réaction instinctive que je devais lui dire que j’avais changé d’avis. Ce que je ressentais, maintenant que j’étais devant elle, était trop inquiétant. Il ne fallait plus la revoir. Il fallait arrêter ça avant que ça n’aille trop loin. Je le savais. Je savais que si je la revoyais, ça ferait du dégât.
Ma raison me disait que ça ne marchait pas, mais ma voix dit autre chose :
— D’accord. Si vous garez là-bas contre le mur, vous ne serez pas sur mon passage et ça vous sera plus facile pour entrer et sortir.
Le froncement de sourcils disparut et ses yeux se remirent à briller.
— Parfait, fit-elle en ouvrant son sac. Je vais vous payer un mois d’avance. Donnez-moi un reçu.
— Venez dans mon bureau.
Elle s’assit sur la chaise boiteuse à dossier droit et croisa les jambes sans beaucoup se gêner. D’où j’étais, je voyais un genou et un petit triangle de cuisse blanche à l’endroit où la jupe s’était relevée. J’avais la bouche aussi sèche que si elle avait été pleine de poussière.
Je sortis mon carnet de reçus et en remplis un. J’avais du mal à écrire lisiblement : on aurait dit l’écriture d’un vieillard de quatre-vingt-dix ans.
Lorsque je relevai les yeux pour lui tendre son reçu, je vis qu’elle m’observait. J’avais comme une idée qu’elle se rendait bien compte de l’état dans lequel elle me mettait, mais lorsqu’elle sourit, ses yeux ne trahissaient rien de ses pensées. Elle me lança un long regard de ses yeux en amande, ferma son sac et se leva.
Elle vint vers moi. Je m’étais levé et j’avais quitté le bureau. Son parfum était aussi capiteux que sa silhouette.
— Vous voulez des idées ?
— J’y réfléchirais volontiers. Je ne suis pas fier.
Elle leva la main et chassa un imaginaire brin de duvet sur mon revers. Il y avait dans le regard étincelant de ses yeux noirs une invitation qui ne laissait place à aucun doute. Je me rendis compte que je serrais les poings derrière mon dos pour éviter de la prendre dans mes bras.
— Alors, j’y penserai. Il se pourrait que j’aie une idée pour vous.
— Harry !
La voix d’Ann mon épouse emplissait l’escalier.
Nous reculâmes chacun d’un pas comme si quelque force invisible se fût glissée entre nous pour nous séparer brutalement.
— Tu es là, Harry ?
D’un pas un peu hésitant, j’allai ouvrir la porte.
— Oui, qu’est-ce qu’il y a ?
— Pourrais-tu monter un moment ?
— J’arrive.
— C’est votre femme ? fit-elle tout bas.
Et elle se rapprocha de moi de nouveau.
— Oui. Il faut que j’y aille.
Nous parlions comme des conspirateurs.
— J’amènerai la voiture demain. Au revoir, Harry.
— Au revoir.
Elle glissa devant moi et traversa le garage d’un pas rapide. Je remarquai qu’elle roulait légèrement les hanches en marchant. Si j’avais été un peu moins troublé je me serais rendu compte qu’elle le faisait exprès.
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Je lui jetai un regard sans tendresse.
Elle portait un vieux sweater et un pantalon bleu tellement rétréci par les lavages qu’il ne lui arrivait même plus aux chevilles et lui bridait les fesses. Une mèche de ses cheveux bruns lui tombait sur un œil et elle avait une tache de poussière sur le menton. Une demi-heure plus tôt, je me serais dit qu’elle était plutôt bien roulée, mais maintenant j’étais encore ébloui par la robe de toile bleue et les formes agressives qu’elle contenait.
— Pour l’amour de Dieu, Ann, tu ne pourrais pas t’attifer autrement ? Ce pantalon te fait un derrière deux fois plus gros que nature, et ce sweater est tout juste bon à mettre aux vieux chiffons.
Je vis l’air stupéfait qui envahit brusquement son visage, puis elle se mit à rire.
— Je suis désolée, chéri. Je sais que je suis horriblement fagotée, mais je viens de faire un tas de choses. Je vais me changer. (Elle me mit les bras autour du cou.) Je suis désolée d’avoir l’air d’une souillon, mais j’ai été tellement occupée !
J’eus tout à coup honte de lui avoir parlé sur ce ton et le sang me monta au visage.
Je restai quelques minutes assis à mon bureau, irrité, excité et un peu mal à l’aise. Je ne m’étais jamais disputé avec Ann. Je ne l’avais jamais critiquée. Je voyais encore le regard stupéfait, blessé qu’elle m’avait lancé quand je l’avais quittée. Je pensais à Gloria et à moi, à nos airs de conspirateurs en entendant la voix d’Ann. Il n’y avait pas de doute, il fallait que tout ça cesse. Quand Gloria viendrait pour amener sa voiture, je lui dirais que j’avais changé d’avis. Si elle garait chez moi, je la verrais souvent. Je me rappelais ce regard quand elle avait fait semblant de m’enlever un brin de duvet. Les femmes n’ont cet air-là que quand elles cherchent des histoires. Je sentis quelque chose de froid et d’humide qui me coulait sur le visage. Rien qu’à penser à elle comme ça, je transpirais.
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Vous est-il arrivé de bricoler dans un commutateur électrique défectueux et de recevoir une bonne secousse dans le bras ? C’est à peu près ce que je ressentis quand elle se retourna : une secousse qui me traversa tout le corps ; j’avais la bouche sèche et mon cœur battait à se rompre.
Il ne faut pas en déduire que c’était une beauté. Non ; son visage et sa silhouette attiraient l’attention, évidemment, et les hommes devaient la regarder à deux fois, même à trois, mais c’était encore autre chose. Elle avait ce que les hommes recherchent : appelez ça du sex-appeal, si vous voulez, mais c’était plus que du sex-appeal. Une sensualité animale, quelque chose qui avait l’air de sortir en ligne droite de la jungle…
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Ann avait vingt-six ans, mais elle ne les paraissait pas. Elle n’était pas ce qu’on appelle jolie, mais elle avait un teint agréable, de grands yeux bruns au regard sérieux et une bouche large et charnue. Petite, agréablement proportionnée, elle avait quelque chose de solide, et je lui avais souvent dit qu’elle était le genre de fille qu’on épouse et avec qui on ne pense pas seulement à s’amuser.
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Je me rappelais ce regard quand elle avait fait semblant de m’enlever un brin de duvet. Les femmes n’ont cet air-là que quand elles cherchent des histoires. Je sentis quelque chose de froid et d’humide qui me coulait sur le visage. Rien qu’à penser à elle comme ça, je transpirais.
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Bande annonce du film Eva (2018), nouvelle adaptation du roman Eva de James Hadley Chase.
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