Jamie Green

Une foi qui ne conçoit pas le doute est bien lamentable. Je me méfie de ceux qui n'ont jamais éprouvé de difficultés à croire; il faut qu'ils n'aient pas bien compris de quoi il s'agit.

1 Les catholiques de ce pays sont tombés dans l'habitude de leur religion, au point qu'ils ne s'inquiètent plus de savoir si elle est vraie ou fausse, s'ils y croient ou non ; et cette espèce de foi machinale les accompagne jusqu'à la mort.

2 On ne croit pas sans se livrer bataille, mais ils ne luttent pas avec eux-mêmes, et ils acceptent le catholicisme comme quelque chose de simple et de naturel ; ils finiraient par le tuer, si c'était possible.

3 Cependant ils sont catholiques, puisqu'ils ont reçu la marque de l'Église, et ils le sont pour toujours, car l'Église ne fait rien que d'éternel, mais ces enfants soumis portent les germes d'une corruption puissante. Ne cherchez pas autre part les vrais ennemis de cette Église chrétienne dont ils se croient les défenseurs.

4 On les a élevés dans le catholicisme ; ils y vivent et ils y meurent, mais ils ne comprennent ni ce qu'ils représentent ni ce qui se passe autour d'eux, et ils ne pressentent rien du mystère qui les enveloppe et qui les sépare du monde.

5 Ils vivent dans le monde comme s'ils étaient du monde ; cependant ils ont été mis à part en vertu de certains signes et de certaines paroles, et s'ils comprennent qu'ils sont marqués, et qu'ils se révoltent, ils n'en sont pas moins catholiques, et s'ils s'avilissent, ils demeurent catholiques dans leur chute et leur damnation.

6 Ils font eux-mêmes un signe dont le sens est effrayant et qui leur permet de se reconnaître, mais l'habitude qu'ils en ont prise leur a fait perdre le sentiment de ce qu'il veut dire. Ils sont comme les membres d'une conjuration qui feraient un signe convenu, mais sans savoir à quoi il les engage.

Tout catholicisme est vrai s'il est dément, s'il crucifie la nature, s'il heurte l'homme dans ses affections, s'il est dur, s'il est véhément, s'il damne et s'il sauve dans la même minute.
Tout catholicisme est suspect s'il ne dérange pas la vie de celui qui le pratique, s'il ne le marque pas aux yeux du monde, s'il ne l'accable pas, s'il ne fait de sa vie une passion renouvelée chaque jour, s'il n'est pas difficile et odieux à la chair, s'il n'est pas insupportable.

103 Une autre marque de l'amour divin est l'enfer. L'idée de l'enfer est peut-être plus enivrante que celle du paradis ; elle nous montre notre âme à sa juste valeur, elle nous fait comprendre que ses fautes atteignent à des proportions surhumaines et que certaines d'entre elles sont absolument inexpiables. Or, pour qu'on les juge inexpiables, il faut certainement qu'on attache un prix infini à l'âme qui les a commises.

104 Si l'homme était moins cher au ciel, le purgatoire suffirait à laver toutes les âmes de tous les péchés, mais l'homme est si grand et si précieux que le purgatoire ne suffit pas toujours, et que le ciel, impuissant à racheter ses fautes, l'abandonne à la torture éternelle.

105 La charité divine a permis l'enfer ; cela est inconcevable à la raison humaine, mais cela est, car si le Créateur est charité, comme on nous l'enseigne, il faut bien que cette charité se retrouve dans son œuvre.

106 Les choses divines ne se raisonneront jamais ; le mieux qu'on puisse faire est de les accepter sans essayer de les comprendre, puisque essayer de les comprendre ce serait perdre le temps qui nous est donné pour notre salut.

Notre raison est la plus sûre occasion de péché, la plus redoutable ennemie du genre humain. Le ciel la contredit sur presque tous les points.

Elles reviennent du Golgotha et elles parlent de la température.