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Critiques de Jason Shawn Alexander (21)
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Le Secret

Entre faux semblants et vérités inacceptables, Le secret se lit avec une vraie attention. Même si certains rebondissements semblent un peu exagérés, cela est aussi propre au registre de l'histoire, dans laquelle on suit ce groupe d'étudiants avancer inexorablement vers la mort.



Si le début de l'histoire est amusant, le récit penche progressivement dans la paranoïa propre au titre horrifique. En effet, tout au long des 4 épisodes contenus dans cet album, on suit un étudiant, Tommy, qui cherche sa petite amie disparue suite à ce canular.



Qui survivra ? Que se cache t-il dans cette maison abandonnée ? Qui y a-t-il au fond du sous-sol situé sous la cuisine ? Les fans du genre apprécieront sûrement, même si Le secret joue plutôt sur l'efficacité que l'innovation.



Si vous aimez frissonner, Le secret reste une lecture d'intérêt. Si vous êtes plutôt du genre à flipper au moindre grincement de parquet ou au moindre coup de fil étrange...
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Abe Sapien, Tome 1 : La noyade

A la fin du XIX siècle, Edward Grey croit se débarrasser définitivement d'Epke Vrooman, un puissant sorcier, en lui plantant dans le torse une dague magique, forgée pour vaincre les démons. L'action se déroule sur un voilier qui sombre peu après au large de Saint-Sébastien, une petite île française. En 1981, Trevor Bruttenholm (le mentor de Hellboy et membre du BPRD) découvre le journal de Grey et ne conçoit pas de laisser une puissante arme magique dans la nature. Il demande donc, en l'absence de Hellboy, parti en voyage avec l'archéologue Anastasia Bransfield, à Abe Sapien, un agent novice (et de surcroît homme poisson) de s'en charger...



"Abe Sapien" peut se lire indépendamment de "Hellboy" et "BPRD mais ne constitue pas, je pense, la meilleur porte d'entrée pour découvrir l’œuvre de Mignola. D'une part le personnage (qui apparaît pour la première fois dans Hellboy en 1994) manque singulièrement de charisme et, à part exprimer ses doutes quant à ses compétences, il ne fait pas grand chose tout au long de cette histoire. D'autre part, cette dernière est plutôt plate, et, à l'image du principal protagoniste, manque définitivement de consistance. Les acolytes d'Abe n'ont, malheureusement, guère le temps de relever le niveau avant de passer l'arme à gauche. La narration est des plus linéaire et je suppose que l'idée était de faire un récit d'ambiance (genre des évènements étranges se déroulent sur une île isolée) mais la mayonnaise ne prend pas.



Ce qui est dommage car j'ai plutôt apprécier les dessins de Jason Shawn Alexander qui présente un trait assez fin et surtout un encrage très marqué qui met en avant de grandes zones d'ombre, ce qui est bien en adéquation avec les ambiances fantastiques, tendance démoniaque. Dommage que l'ensemble manque de dynamisme, notamment dans les scènes d'actions. Les décors sont globalement sympas.



Au final, "Abe Sapien" est tout à fait dispensable et certainement pas l’œuvre la plus appropriée pour découvrir l'univers de Mignola. On lui préfèrera largement "Hellboy" ou "BPRD". A voir (éventuellement) comment tout cela évolue dans le tome 2.
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Le Secret

Le secret rappelle ces films d’horreur dans les années 90 où il ne fallait pas faire quelque chose sous peine de réveiller le monstre sanguinaire qui tue les héros un par un (Souviens-toi … l’été dernier, Urban legend, Candyman…).



Un groupe d’ado fait une mauvaise blague au gars qu’il ne fallait pas. Ce canular téléphonique se retourne contre eux et c’est celle qui semblait la moins disposée à blaguer qui se retrouve être la victime d’un affreux bourreau.



J’ai bien aimé la chute de ce premier tome dans ce qui sera un diptyque. On plonge dans la paranoïa. C’est plutôt réussi à l’exception du graphisme qui ne m’a pas convaincu. Pour le reste, c’est très efficace.



Les ados tout comme les amateurs de films d’horreur y trouveront leur compte. On adore frissonner.
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The escapists

C'est un titre très ambitieux qui se propose de réhabiliter un vieux super-héros tombé dans l'oubli depuis quelques décennies. Il est question de revisiter le monde du comics en s'inspirant des plus grands comme Eisner, Jack Kirby ou Stan Lee. On entre dans les coulisses du monde des comics de la création d'une oeuvre à son exploitation.



J'ai bien aimé le déroulement de ce récit mais un peu moins la conclusion ainsi que l'inégalité dans la partie graphique. On retiendra néanmoins que c'est une brillante mise en scène. On regrettera juste que le super-héros n'est qu'un prétexte à une autre histoire plus intime et plus personnelle avec pour cadre l'impitoyable monde de l'édition. On ne retiendra pas grand chose de ces maîtres de l'évasion car ce n'était pas le thème malgré le titre.



Une oeuvre qui se concentre sur une mise en abîme assez magistrale. C'est également un bel hommage aux vieux comics et surtout à la création et à l'imagination.
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Empty Zone, tome 2 : Industrial Smile

Ce tome fait suite à Conversations with the dead (épisodes 1 à 5) qu'il est préférable d'avoir lu avant pour comprendre qui est la principale protagoniste et quel est son objectif. Il comprend les épisodes 6 à 10, initialement parus en 2016, coécris par Darragh Savage & Jason Shawn Alexander, dessinés et encrés par Shawn Alexander, avec une mise en couleurs de Luis NCT (avec l'aide de Mar Silvestre).



Bodie Waterman et Sam Waterman sont mari femme et ils ont décidé de passer des vacances à Berlin, même si Bodie ne parle pas l'allemand. Sa femme souhaite faire la rencontre d'un écrivain dénommé Johan Macht. À Berlin, ils prennent un permis pour circuler dans les zones de classe B, le robot délivrant ces autorisations leur recommande de ne pas circuler dans les zones non patrouillées. Ils vont prendre leur chambre à l'hôtel, et le soir se détendent autour de quelques verres d'alcool. En émergeant péniblement le lendemain matin, Bodie constate que sa femme n'est plus dans le lit, ni dans la chambre.



Quelques jours plus tard, Corinna White et Hank arrivent également pour séjourner à Berlin, sous les noms d'emprunt d'Amanda Brown et Maximilian von Gout. Sur place, ils se rendent dans un bar pour retrouver un contact Woz donné par Johnny 8. Il doit leur fournir un plan. Ils infiltrent ce qu'ils supposent être une base d'Akanimoh Oni, même si ce dernier se trouve actuellement à Iagos au Nigéria. L'infiltration ne se passe pas comme prévue. Ils se retrouvent face à des créatures inattendues. Corinne White continue d'avoir des visions d'ectoplasmes. En essayant de s'échapper, ils croisent le chemin d'un individu encore plus déconcertant : Vik.



Le premier tome de la série avait permis de faire connaissance avec une héroïne (Corinne White) dotée d'un bras cybernétique, d'une vision cynique et désabusée de la vie, et de talents de combattante et de détective. Il avait impressionné le lecteur par une narration visuelle avec une forte personnalité, en particulier du fait de l'utilisation des aplats de noir dans une approche expressionniste. Le lecteur commence donc par feuilleter rapidement ce recueil pour vérifier que la composante graphique a conservé toute son audace. Les aplats de noir restent bien présents, mais moins prédominants, moins abrasifs. Il n'y a plus de composition aussi spectaculaire que dans le premier tome. Malgré tout l'œil du lecteur saisit plusieurs cases hallucinantes : un homme à tête de chèvre (peut-être une œuvre artistique de chirurgie plastique rendue possible les progrès de la science), une case consacrée à la chute de flocons de neige trop lourds (comme imbibés de pollution atmosphérique) et à demi fondus, un homme nu au corps recouvert d'inscription bénéficiant des caresses attentionnées de 3 femmes nues, une progression dans des canalisations visitables sur un mode comique, un personnage voyant un avion en papier passer sous son nez, un distributeur de boisson avec une tête de cheval, et des boissons sortant de seins, etc.



Par ailleurs la proportion de noir sur chaque page reste élevée, et l'artiste parsème régulièrement ses pages de mouchetures noires renforçant l'ambiance inquiétante et glauque. Tout au long de ce chapitre, Jason Shawn Alexander est amené à représenter des créatures monstrueuses, des êtres humains déformés par des implants technologiques ou par une chirurgie esthétique hors de contrôle. Le dessinateur utilise aussi bien une approche de type réaliste (par exemple pour la tête de chèvre) qu'une approche plus conceptuelle (les dentitions impossibles des monstres dans le dernier épisode), ou une invention pure et simple (pour les ectoplasmes des défunts). Dans tous les cas, le lecteur est frappé par le pouvoir de conviction du dessin, par son réalisme, ou au contraire son étrangeté monstrueuse et impossible. L'artiste représente des individus adultes et normaux, côtoyant un bestiaire monstrueux, soit parce que totalement étranger à l'humanité, soit parce que déformé de manière impossible par rapport à la morphologie humaine.



Dans les 4 premiers épisodes, Sam & Bodie Waterman, puis Corinne White & Hank évoluent dans une version de Berlin relevant de l'anticipation. Le dessinateur peut donc user de la licence artistique pour établir des éléments graphiques créant une ambiance particulière à cet endroit. Cette ville semble être perpétuellement dans la pénombre, sous un ciel de neige. Le lecteur peut y voir un phénomène climatique. Sa sensibilité peut aussi lui faire imaginer les conséquences d'un dérèglement climatique accompagnant des progrès technologiques utilisés à des fins diverses. Les images montrent les prothèses technologiques (un véritable progrès pour les individus qui en bénéficient), mais aussi les velléités d'un transhumanisme à la fois aventureux et puéril. C'est idiot de se faire rajouter une paire de petits bras, mais ça fait sens de vouloir se transformer pour devenir autre chose, un individu nouveau. Visuellement, l'auteur mène aussi le lecteur par le bout du nez, parce qu'il lui fait passer des vessies pour des lanternes. Le lecteur ne sait pas trop à quoi il a affaire : est-ce un être humain transformé par le bistouri, ou est-ce un véritable monstre ? La narration visuelle s'écarte un peu de l'esbroufe du premier tome, mais elle n'en devient pas conventionnelle pour autant, et elle fait passer des informations sous une forme habile et discrète.



Dès la couverture, le lecteur constate que le metteur en couleurs est le même que celui du premier tome : Luis NCT. Il utilise une palette restreinte pour chaque séquence, avec une teinte cafardeuse majoritaire, déclinée en un nombre de nuances limité. Le lecteur a l'impression que c'est l'artiste lui-même qui a réalisé la mise en couleurs tellement elle est en phase avec les images, pour exhausser l'ambiance inquiétante de chaque scène. Donc toute la narration graphique est au service de l'histoire. Sur la couverture, le lecteur constate également que Jason Shawn Alexander s'est adjoint les services d'un coscénariste pour étoffer son récit. Il constate également qu'il est totalement perdu dans le premier épisode. En effet les auteurs parlent de 2 nouveaux personnages, dans une situation sans aucun rapport avec le tome précédent. Il faut attendre le deuxième épisode pour voir réapparaître Corinne Winter et Hank et être rassuré sur le fait qu'il s'agit bien de la suite.



Il s'agit donc toujours bien d'un récit d'anticipation dans un futur un peu éloigné, et même de science-fiction au vu des progrès significatifs de la chirurgie. Il s'agit toujours d'un futur dystopique sur les bords. Il n'y a pas eu de catastrophe écologique à proprement parler, mais visiblement le climat n'est pas au beau fixe. Il n'y a pas eu de catastrophe sociale, mais les conditions de vie ne se sont pas améliorées avec les progrès de la science. Le récit a donc un goût de cyberpunk, avec une touche horrifique. Corinne Winter est un peu moins dure et cynique que dans le premier tome. Elle s'est rapprochée du profil du héros type, courageuse, avec une force physique significative. Elle n'est pas vraiment plus maligne que les autres, juste plus entêtée. Hank tient bien son rôle de donneur de réplique au personnage principal, là encore sans grande personnalité. Vik s'avère plus mutique, mais tout aussi dans l'action et la témérité. Finalement c'est le couple des Waterman qui a encore le plus de personnalité.



L'intérêt du récit s'est donc encore plus déplacé sur l'intrigue. Le premier épisode établit le mauvais tour joué par Sam Waterman à son mari, ainsi que la nature des créatures qui rôdent dans Berlin. Corinne Winter continue de percevoir des ectoplasmes, ce qui fournit un ressort dans l'intrigue, mais sans grande conséquence sur la psyché de l'héroïne, et sans réelle dimension spirituelle. Finalement le récit repose sur une enquête, une infiltration et une fuite. Sous l'habillage SF, il s'agit d'un polar avec une dose de surnaturel et des personnages crédibles, à la conduite adulte et décillée.



Ce deuxième tome poursuit dans la veine du premier avec des dessins moins exubérants et moins tape-à-l'œil, mais qui n'ont rien perdu de leur puissance d'évocation et de leur étrangeté. Ils établissent avec conviction un univers de science-fiction urbain, mâtiné de surnaturel, que les protagonistes doivent explorer à leurs risques et périls. Le lecteur plonge dans ces environnements poisseux et dangereux, s'immergeant au fur et à mesure de l'avancée de l'intrigue. Cette dernière est à la fois une étape de la lutte de Corinne Winter & Hank contre les entreprises d'Akanimoh Oni, et à la fois une histoire complète mêlant thriller et enquête. Le lecteur est séduit par la dimension graphique de la narration et happé par l'intrigue bien ficelée. Il aurait souhaité que les personnages soient moins stéréotypés et que l'intrigue générale (les ectoplasmes et leur exploitation par Oni) ne soit pas limitée à un simple lien en filigrane, avec le premier tome.
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Le Secret

Jouer à composer au hasard des numéros téléphoniques pour dire aux interlocuteurs "je connais ton secret", tout en leur donnant rendez-vous devant une statue à minuit, ça peut paraître drôle. Oui mais voilà qu'un mec répond à cette invitation. Cachés, les jeunes le voit arriver au lieu de rendez-vous dans une vieille camionnette. Son visage est masqué par une capuche. Le lendemain, l'homme appelle Pam sur son portable, celui-là même qui a servi aux appels... Puis Pam disparaît. Un an plus tard, Pam n'a pas réapparu. Son petit ami Tommy espère toujours la retrouver. Un jour, il aperçoit de nouveau la camionnette. Et c'est le début de l'horreur...

Une BD qui fait froid dans le dos, comme les meilleurs films ou livres du genre. Mike Richardson a su créer une atmosphère étouffante, glauque à souhait, un récit montant en intensité pour finir dans l'horreur.

Les illustrations à la peinture de Jason Shawn Alexander accroissent encore davantage l'aspect lugubre et angoissant.

Un excellent album coup de poing !
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Frostbite

Il s'agit d'un récit complet indépendant de tout autre. Ce tome comprend les 6 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2016/2017, écrits par Joshua Williamson, dessinés et encrés par Jason Shawn Alexander, et mis en couleurs par Luis NCT. Le scénariste est également l'auteur de séries comme Nailbiter et Birthright. Le dessinateur est également l'auteur de la série atypique Empty zone.



Dans le futur, 57 ans après le début d'un nouvel âge de glace, Fuego et ses hommes de main interrogent un individu pour savoir où se trouvent le professeur Henry Bonham et sa fille Victoria. La scène se passe à Los Angeles. Le pauvre individu finit par lâcher le morceau : ils se trouvent à Mexico. Fuego décide de l'immoler par le feu malgré tout. À Mexico, Keaton et ses 2 assistants Chuck et Barlow sont à la recherche d'une nouvelle mission qui rapporte de préférence. Ils sont contactés par Victoria et Henry Barlow qui leur demandent de les escorter jusqu'à l'île d'Alcatraz, moyennant rémunération. Alors qu'ils discutent, un individu est exposé comme ayant contracté la gelure. Il meurt sur place transformé en glace. Un citoyen apparaît armé d'une batte et fracasse son corps sous les yeux de la veuve, par crainte de la contagion.



Keaton, Chuck et Barlow ont décidé de se faire discrets et de regagner leur véhicule tout terrain, en emmenant avec eux les Bonham parce qu'ils ont vraiment besoin d'argent. Alors qu'ils s'apprêtent à monter à bord de leur véhicule, des individus armés surgissent et commence à les canarder. Keaton emmène Henry Bonham d'un côté, et Barlow emmène Victoria Bonham de l'autre. Keaton exige qu'Henry Bonham lui explique sur le champ pourquoi il est poursuivi par des hommes armés. Il lâche le morceau : il a fait partie du groupe de 6 individus par la faute de qui la Gelure est survenue. Keaton l'abat froidement par vengeance pour ce qu'a subi sa famille morte de froid, et pour venger l'humanité peinant à survivre dans ce froid global. Keaton, Victoria Bonham et Barlow arrivent à s'enfuir et à gagner Los Angeles, mais la route est encore longue.



A priori, le lecteur se dit que le point de départ du récit promet une bonne lecture : une catastrophe (pas si naturelle que ça) a provoqué un bouleversement climatique faisant descendre la civilisation humaine de plusieurs degrés. Victoria Bonham incarne la possibilité d'un remède, mais il faut la convoyer dans un territoire hostile jusqu'à bon port. De nombreux individus souhaitent l'intercepter pour une raison très simple : la faire travailler à leur compte et empocher le pactole que constitue le remède contre l'épidémie de Gelure. Le point de départ est original et la dynamique du récit est simple et efficace. Ce récit bénéficie également des dessins très personnels de Jason Shawn Alexander.



Le dessinateur réalise des cases donnant une impression de grand réalisme. Les visages des personnages semblent avoir été dessinés d'après modèle, avec des traits donnant l'impression qu'il pourrait s'agir d'une personne que l'on peut croiser dans la rue. Même si la Gelure impose que chaque protagoniste soit chaudement vêtu, à de rares exceptions près, ils ont tous une morphologie particulière, une silhouette qui leur est propre. Alexander soigne également les chevelures et les implantations capillaires, même s'il conserve des chevelures abondantes et longues pour les femmes, et qu'il ne dote que les personnages masculins de calvitie plus ou moins prononcée. Même si les femmes ont des visages d'une grande beauté, ils sont quand même marqués par des ombres appliquées à l'encrage, ou des teintes attestant du froid, portées par la couleur. Aussi l'esthétisme de la forme du visage n'est pas synonyme de perfection physique.



Jason Shawn Alexander utilise régulièrement des petites taches de peinture noire (comme soufflée) pour figurer la force d'un impact ou la douleur, et des petites taches de couleur blanc pour figurer la neige qui s'insinue partout. Ces éléments visuels se combinent avec les aplats de noir, les contours de forme parfois tranchants et les éléments de décors représentés de manière réaliste (par exemple les poutrelles métalliques du hangar où est remisé le véhicule de Keaton) pour constituer la représentation d'un monde agressif et abrasif, peu confortable pour les êtres humains. Ces particularités visuelles participent fortement à rendre compte de conditions de vie s'étant fortement dégradées, d'un monde devenu inhospitalier et dépourvu de confort. Le dessinateur prend soin de rester cohérent dans les tenues vestimentaires que portent les personnages, toutes adaptées au froid. Il y a peu d'exceptions, une justifiée par le scénario en ce qui concerne Keaton, et une autre que l'on peut attribuer à une forme de tenue de combat pour la reine des neiges.



Le lecteur apprécie l'effort d'investissement de l'artiste dans les éléments de décors et les modes de transport. Jason Shawn Alexander a pris la peine de concevoir des vêtements pour le froid qui innovent un peu, et d'intégrer une distinction entre les individus pouvant s'offrir des vêtements de qualité, et ceux devant s'habiller avec des vêtements bon marché. Il installe le lecteur dans une rue de Mexico City, avec une architecture vaguement futuriste et ces dispositifs de distribution de chaleur payant. Il montre un hangar très impressionnant pour l'énorme véhicule tout terrain de Keaton. Le lecteur se sent coincé dans la rame de métro empruntée par Keaton et les autres, du fait de l'affluence. Il a pris le temps nécessaire pour créer des engins spécifiques à chaque groupe de poursuivants, entre technologie d'anticipation, et carapaçonnage influencé par Mad Max, avec une mention spécial pour le véhicule baptisé Titanic. Lors des séquences en extérieur, le lecteur peut ressentir le froid mordant de la Gelure, le vent qui transporte des flocons de neige fouettant les visages, et parfois la beauté majestueuse des paysages figés sous la neige.



Ce récit bénéficie donc d'une mise en images d'une grande qualité, réalisée par un artiste avec une approche personnelle qu'il met au service de la narration. La mise en couleurs de Luis NCT vient compléter les traits encrés en habillant les surfaces, sans écraser les traits de contour, en privilégiant l'ambiance chromatique de la scène, en utilisant les effets spéciaux à bon escient. Le lecteur est donc complètement transporté dans cet environnement, aux côtés de personnages vraisemblables et tous différents. Il peut voir leur état d'esprit et il est impressionné par la qualité des séquences d'action. Il se lance donc à la découverte de l'intrigue, en espérant qu'elle sera du même tonneau. Il s'installe rapidement une course-poursuite entre le groupe de Keaton et ceux qui veulent l'intercepter pour capturer Victoria Bonham. Le scénariste gère les rebondissements attendus avec professionnalisme, tels que la perte du moyen de transport, les combats physiques, et bien sûr les blessures inévitables. Si Keaton s'avère bien sûr pleine de ressources, elle n'est pas infaillible, et Victoria Bonham n'est pas cantonnée au rôle de demoiselle en détresse. Le lecteur peut d'ailleurs apprécier au passage que l'auteur met en scène des personnages féminins comme personnages principaux.



Joshua Williamson ne se contente pas d'une simple course-poursuite parsemée d'embûches propices à des rebondissements et des séquences d'action spectaculaires. Il en dévoile un peu sur le passé de Keaton, en particulier la mort de ses parents conséquence directe de la Gelure. Comme le lecteur pouvait s'y attendre, Victoria et Henry Bonham n'ont pas vraiment joué franc jeu, et n'ont pas tout dit à Keaton. Boss Burns a une motivation très concrète pour vouloir mettre la main sur les Bonham, qui ne se limite pas au seul appât du gain potentiel en commercialisant un remède contre l'épidémie de Gelure. Mais au-delà de ça, le lecteur reste un peu sur sa faim. Au final, le scénariste fait primer l'action sur l'intrigue, préférant les rebondissements, à un déroulement plus organique. Keaton triomphe d'une situation après l'autre, malgré ses blessures. Victoria Bonham se montre pleine de ressources, mais évite soigneusement de jamais prendre du recul. Le principe même de la maladie appelée Gelure devient vite incohérent, avec un virus qui se développe en aspirant la chaleur des corps, et des individus qui ne semblent pas s'épuiser pour autant, qui au contraire résiste mieux au froid, sans dépenser plus de calories. Il vaut mieux que le lecteur n'y réfléchisse pas trop.



Cette histoire complète constitue une aventure de bonne qualité, avec un rythme rapide et des visuels impressionnants. Jason Shawn Alexander utilise ses caractéristiques de dessins (aplats de noir, petites tâches, niveau descriptif) pour donner corps à un monde assez proche du nôtre, bien complété par la mise en couleurs de Luis NCT. Joshua Williamson raconte une intrigue dynamique sur la base d'une course-poursuite, à laquelle il n'aurait pas fallu grand-chose de plus pour se hisser dans la catégorie des histoires excellentes.
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The escapists

Ce tome contient une histoire complète qui peut se lire indépendamment de toute autre. Elle met en scène des personnages apparaissant dans le roman Les extraordinaires aventures de Kavalier et Clay (2000) de Michael Chabon. Il comprend les 6 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2006, écrits par Brian K. Vaughan, dessinés par Steve Rolston, avec des pages réalisées par Jason Shawn Alexander (pour la bande dessinée dans la bande dessinée consacrée au nouveau Escapist), ainsi que des passages dessinés par Philip Bond, et Eduardo Barreto. La mise en couleurs a été réalisée par Dave Stewart, Matt Hollingsworth, Paul Hornschemeier et Dan Jackson. L'illustration de couverture est l'œuvre d'Alex Ross.



L'ouvrage commence par une courte nouvelle en texte (sans illustration), écrite par Michael Chabon, l'auteur du roman originel. Sam Klay (un auteur de comics vieillissant avec la vue basse) participe à une convention de comics à Cleveland, dans l'Ohio en 1986, accompagné par sa femme Rosa Kavalier. Il quitte sa table à la recherche des toilettes et se trompe, ne devant son salut qu'à un jeune enfant appelé Vaughan. L'histoire en bande dessinée commence avec l'enterrement du père de Maxwell Roth, et sa mère qui lui remet la clef de la cave. Dans cette dernière, il découvre une collection d'une vieille série de comics : The Escapist (Tom Mayflower), par Sam Clay (scénariste) et Joe Kavalier (dessinateur).



Au lycée, Max Roth se lie d'amitié avec Denny Jones, un grand gaillard qui le protège quand d'autres essayent de s'en prendre à lui pour sa judaïté, ou simplement parce que c'est une cible facile. Roth s'intéresse à la magie au point d'apprendre quelques tours pour se délivrer, et aux comics au point d'envoyer des essais à DC et Marvel, restés sans réponse. Devenu adulte, il devient réparateur d'ascenseur. À la mort de sa mère, il conçoit le projet d'écrire et de publier un comics mettant en scène une nouvelle version de The Escapist. Il utilise son héritage pour racheter les droits à une petite maison d'édition qui ne publiait plus le personnage. Il appelle Case Weaver, une artiste rencontrée lors d'une intervention pour un ascenseur pour dessiner, et Denny Jones pour effectuer le lettrage.



L'introduction en prose effectue le lien entre le comics et le roman originel, et constitue également un adoubement par l'auteur dudit roman. Il s'agit d'une histoire touchante, entre un artiste devant faire avec un corps vieillissant et un jeune garçon en butte aux railleries de ses camarades. C'est à la fois rôle et touchant, avec déjà des éléments parlant aux lecteurs de comics, à la fois pour la convention de comics et pour la référence aux Archie comics. Le lecteur remarque ensuite que Brian K. Vaughan utilise des dispositifs narratifs sophistiqués. Il commence par évoquer la ville de Cleveland : les images montrent des vues de loin des buildings, pendant que les cartouches de texte évoquent les différents auteurs de comics s'étant installés à Cleveland : Jerry Siegel & Joe Shuster (les créateurs de Superman), Harvey Pekar, Robert Crumb, ainsi que ceux nés à Cleveland comme Brian Azzarello et Brian Michael Bendis. Dans la suite, il évoque régulièrement des spécificités de l'industrie des comics, que ce soit son organisation sur la base d'entreprises détenant les droits des personnages et employant les créateurs dans le cadre de contrat de main d'œuvre, ou que ce soit la popularité du personnage Aquaman à l'époque (= proche de zéro). L'histoire évoque la volonté de Max Roth et de ses acolytes d'être leurs propres patrons, et de travailler dans la branche d'activité qu'ils ont choisie. En cela, les thèmes abordés peuvent parler à tous les lecteurs, mais ils parleront plus à des lecteurs de comics.



Au cours des autres épisodes, le scénariste continue à utiliser d'autres dispositifs complexes. Lorsque Max Roth se plonge dans un comics original de The Escapist, le lecteur peut lire les pages en question, mais les phylactères de The Escapist contiennent le flux de pensée de Max Roth. Dans les 4 cases de la page 22, Max Roth s'adresse directement au lecteur pour évoquer sa vie au lycée ; la première case est un crayonné en noir & blanc, la seconde est un dessin encré toujours en noir& blanc, la troisième est habillée par des couleurs unies, et la dernière dispose de couleurs rehaussées à l'infographie pour ajouter du volume. À ce stade, le lecteur a bien compris qu'il s'agit d'un comics qui parle de comics, jouant avec les conventions narratives pour produire des mises en abyme débouchant sur des métacommentaires.



Le lecteur peut ainsi repérer les différents niveaux de signification du nom du héros. Il s'appelle Escapist, évoquant la branche de la magie spécialisée dans l'art et la manière de se sortir de pièges physiques, de formes d'emprisonnement, allant de simples menottes à être enchaîné et immergé dans un aquarium. Le pratiquant le plus célèbre de ces techniques s'appelait Harry Houdini et a inspiré plusieurs scénaristes pour ses évasions célèbres. Bien sûr, le nom d'Escapist renvoie également à la notion de Escapism, soit le divertissement, ou la littérature d'évasion. À ce titre, Max Roth est à la fois un Escapist, dans le sens où il cherche à s'évader du monde réel peu attirant pour lui, mais aussi un Escapist dans le sens où il souhaite créer du divertissement, des récits permettant à d'autres de s'évader, de se libérer des chaînes du quotidien. Le lecteur peut ainsi voir les chaînes du criminel s'opposant à The Escapist, comme celles le retenant au monde réel, l'entravant. Tout au long du récit, le lecteur peut se livrer à ce jeu du double sens.



Il est également possible de lire cette histoire comme un commentaire directe sur la profession de scénariste et d'artiste. Les 3 amis souhaitent produire leur propre série, mais ils se heurtent aux mécanismes de la profession. Il faut se faire connaître pour espérer que les libraires commandent des exemplaires au distributeur, sinon le premier numéro sera mort avant même d'avoir été envoyé à l'imprimeur du fait d'un tirage trop faible. Il faut aussi se faire remarquer en se démarquant de la production des 2 grands éditeurs historiques que sont DC et Marvel. Il faut accepter la prise de risque qui consiste à investir de l'argent dans un premier numéro sans aucune idée des ventes, sans être sûr de rentrer dans ses frais, sans certitude d'être dans la capacité financière de pouvoir en sortir un deuxième. Il faut considérer l'alternative de travailler dans le cadre d'un contrat de main d'œuvre pour un éditeur plus important, comme une éventualité en cas d'échec.



Il est aussi possible d'apprécier cette histoire comme étant celle d'un être humain né à Cleveland, avec le rêve de faire ses propres comics. Le lecteur peut alors apprécier un roman qui l'invite à côtoyer un individu sympathique et chaleureux se lançant dans une entreprise créatrice au résultat incertain. Il peut également se livrer aux devinettes de déterminer ce qui relève de l'autobiographie, Brian K. Vaughan étant lui-même un scénariste de comics né à Cleveland, ayant aussi bien travaillé pour DC et Marvel, que créé ses propres séries. D'ailleurs Yorick, le héros de la série Y, le dernier homme , connaissait lui aussi quelques tours de magie. Il est vraisemblable que les quelques éléments biographiques apportent un peu plus de chaleur humaine à Max Roth et de consistance aux différents endroits de Cleveland, comme la statue monumentale de Claes Oldenburg & Cossje van Bruggen.



En découvrant ce tome, le lecteur apprécie qu'il ait bénéficié d'une couverture d'Alex Ross. Ce n'est pas toujours un gage de qualité des pages intérieures, mais c'est toujours une belle illustration. En fin de volume, il découvre les couvertures variantes réalisées par Brian Bolland, Frank Miller, James Jean, John Cassaday, Jason Shawn Alexander, Paul Pope, Steve Rolston. Après l'introduction de Michael Chabon, cette liste d'artistes renommés le conforte dans l'idée qu'il s'agit d'un projet haut de gamme. La majeure partie du récit (>80%) est représentée de manière réaliste et descriptive, avec une légère exagération arrondie dans les visages, et un léger degré de simplification dans les environnements. Les 3 principaux personnages (Max Roth, Case Weaver et Denny Jones) ont des visages avenants, sans être parfaits, et savent sourire régulièrement, s'enthousiasmer, prendre plaisir à leur activité. Ce mode de représentation naturaliste ajoute à nouveau un degré de chaleur humaine dans le récit, et le tient éloigné aussi bien de la sinistrose que de l'exagération dramatique.



Les dessinateurs donnent des tenues vestimentaires normales aux personnages, changeant en fonction du jour, de leur occupation et des conditions climatiques, allant de décontractées lorsqu'ils travaillent ensemble à créer un épisode The Escapist, à formelles lors des 2 enterrements. Les différents endroits sont rendus avec un bon niveau d'exactitude pour ce qui s'agit des lieux touristiques comme le tampon encreur géant dans un parc de Cleveland. Les artistes aménagent les lieux récurrents de manière détaillées et cohérentes d'une fois sur l'autre. le lecteur peut ainsi examiner les outils de dessin sur la table à dessin dans le coin du salon de la maison de Max Roth, les rayonnages d'un supermarché où se produit un cambriolage, le luxe du bureau de Terry Linklater à comparer avec la table bricolée pour la séance de dédicaces, la disposition fonctionnelle du bureau de l'avocate April Micheaux, le bazar incroyable dans l'appartement minuscule de Case Weaver, ou la disposition géométrique des cloisons ouvertes dans le plateau de concepteurs graphiques où elle finit par trouver un emploi.



Les pages consacrées à Max Roth et ses amis donnent donc l'impression d'un monde agréable à vivre, avec une petite exagération le rendant un peu plus simple que le monde réel. Ces pages sont entrecoupées de séquences dédiées à The Escapist. La première séquence consacrée à la série originale fait penser à un hommage aux dessins de Frank Springer, et la seconde à ceux de Gil Kane. C'est assez cohérent avec le roman de Michael Chabon et avec le reste du récit qui amalgame plusieurs artistes réels en 1 seul pour aboutir à Sam Clay. Les séquences montrant la nouvelle version de The Escapist en action (celui créé par Roth, Weaver et Jones) sont dessinées par Jason Shawn Alexander, également auteur complet de la série Empty Zone. Cet artiste utilise des zones noires plus importantes, avec des contours déchiquetés et irréguliers, plongeant le héros The Escapist dans un monde plus noir et plus abrasif. Du coup, il se produit une inversion du rapport des 2 mondes, puisque le monde réel des protagonistes semble plus accueillant que celui du superhéros.



Cette histoire n'est pas qu'un exercice virtuose de mise en abyme de la création de comics dans la perspective de son historique. C'est aussi une histoire personnelle évoquant des sujets parlant à tout le monde, tel que l'envie d'indépendance professionnelle ou la créativité. C'est également un regard historique sur les comics, une métaphore sur le besoin d'évasion, une profession de foi de l'auteur quant à son ambition narrative, racontée avec des dessins agréables à l'œil sans être naïfs. 5 étoiles pour un récit exceptionnel. Il est possible donner un prolongement à cette lecture, en se plongeant dans les aventures précédentes de The Escapist, dans les recueils de l'anthologie sortie antérieurement : Michael Chabon Presents...The Amazing Adventures of the Escapist Volume 1 et Michael Chabon Presents...The Amazing Adventures of the Escapist Volume 2.
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The escapists

Très bon comics en un tome. On y découvre un vieux super héros complètement tombé dans l'oubli : The Escapist. A la suite de la mort de ses parents, un jeune homme a enfin accès à la cave que son père lui avait toujours interdite. Il y découvre la passion qu'entretenait son père pour ce héros. Il décide alors de créer sa propre BD pour donner une seconde jeunesse à the escapist (en BD mais aussi dans la vie de tous les jours). Il va alors se retrouver confronté aux grosse majors de BD aux Etats-Unis...

Très intéressant sur le fonctionnement de l'univers de la BD aux Etats-Unis, très positif.
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Empty Zone, tome 1 : Conversations With the..

Ce tome est le premier d'une nouvelle série indépendante de toute. Il contient les épisodes 1 à 5, initialement parus en 2015/2016, écrits, dessinés et encrés par Jason Shawn Alexander. La mise en couleurs a été réalisée par Luis Nct. Il s'agit d'un redémarrage à zéro d'une série ayant connu une douzaine d'épisodes à partir de 1995.



Quelque part dans un lieu indéterminé, un homme git inconscient sur le sol carrelé, avec des éclats de bois sur lui. Corinne White se réveille en hurlant dans son lit. C'est une jeune femme blanche, avec des cheveux blancs et une prothèse cybernétique en lieu et place de son bras droit. Ce récit se déroule plusieurs dizaines d'années dans le futur. Alors qu'elle attend que son café passe, elle reçoit un appel vidéo de Johnny 8 qui a 2 missions à lui proposer. Elle doit récupérer un dénommé Nixey Troy dans un bar appelé Bitwize. Puis elle doit se rendre à un rendez-vous fixé par Akanimoh Oni, un homme d'affaires important.



À peine l'appel terminé, elle entrevoit une présence à sa porte d'entrée. Elle s'élance à la poursuite de cet individu, jusque sur le toit de son immeuble. Après une lutte étrange, elle a l'impression de faire l'amour avec un ancien amant. Puis elle perd connaissance. Lorsqu'elle regagne conscience, plusieurs heures se sont écoulées. Johnny 8 l'a rappelé et lui indique que sa cible se trouve toujours dans l'établissement Bitwize. Elle s'y rend et commande 3 shots à Tim la barmaid.



En découvrant ce tome, le lecteur ne sait pas trop à quoi s'attendre. Il parcourt rapidement les pages pour découvrir des images qui ne cherchent pas à faire joli avec un encrage un appuyé et irrégulier, des séquences d'action assez sales d'aspect, et une ambiance de science-fiction. Une petite recherche sur internet lui apprend que Jason Shawn a déjà dessiné une poignée de comics (dont une histoire d'Abe Sapien The drawning) et que c'est un artiste qui expose des toiles dans des galeries. Il apprend également qu'il a déjà réalisé une série appelée Empty Zone. En consultant une interview sur internet, il découvre que la femme de cet artiste avait retrouvé ces pages, ce qui a donné l'idée à Alexander de la recommencer à zéro. Les premières séquences permettent de comprendre que le récit s'inscrit dans le genre de la dystopie de type cyberpunk. Le début de l'épisode 2 évoque en 1 page la cause de la régression de la civilisation. Il ne s'étend pas non plus sur les modalités de développement des implants cybernétiques.



D'une manière générale, beaucoup d'informations passent par le biais des images. Jason Shawn Alexander est un auteur complet dont le domaine d'expertise est avant tout le dessin et la peinture. D'épisode en épisode, le lecteur remarque des images où il se fait plaisir, et qui constituent des visuels saisissants. Rien que dans le premier épisode, il y a donc ce dessin d'ouverture en double page, avec un individu gisant sur le sol, puis, une espèce d'amalgame d'ectoplasmes plus expressionniste que descriptif, une image occupant les 2 tiers d'une page dans laquelle Corinne White se fait arracher un bras, la même Corinne en train de marcher dans une rue dont le décor urbain évoque celui de Blade Runner délabré, ou encore un robot défonçant une porte en bois d'un grand coup de pied mécanique. Le deuxième épisode continue sur cette lancée, avec le dessin d'une voiture modèle Mercury Comet de 1962, etc. Le lecteur apprécie des images impressionnantes dans leur composition ou dans leur mode de représentation à plusieurs reprises dans chaque épisode.



Dans chaque épisode, l'artiste ménage également des séquences où les informations sont essentiellement portées par les images, voire exclusivement lors de passages dépourvus de dialogues ou de commentaires. Dans le premier épisode, il s'agit de la séquence sur le toit. Dans le deuxième épisode, Corinne White poursuit une silhouette fugitive ce qui l'amène à pénétrer par effraction dans un bâtiment, puis à descendre vers le sous-sol de cette installation industriel, et à s'enfuir en courant en remontant un long escalier. À nouveau la narration est à plus de 90% visuelle, avec une lisibilité sans défaut. Le lecteur ressent ainsi des accélérations dans sa lecture devenue majoritairement visuelle.



Dès le premier épisode, le parti pris chromatique est assez affirmé. Luis Nct utilise une palette majoritairement composée de tons délavés grisâtres et verdâtres pour un effet un peu nauséeux, un peu sale. Pour quelques séquences, il a recours à des teintes rouges plus soutenues, pour souligner, la violence, l'échauffement des esprits, les affrontements physiques. Cette approche des couleurs souligne l'impression de délabrement de l'environnement, de monde sombrant vers des ténèbres maussades.



Jason Shawn Alexander trace des traits de détourage des formes, pas toujours réguliers, parfois un peu mangés par la couleur, discontinus à des endroits restreints comme si le pinceau n'avait pas assez d'encre pour terminer. Les surfaces restent précises et clairement délimités, mais cela participe à l'impression de déliquescence de l'environnement, comme s'il perdait en degré de finition faute de moyens. En fonction des séquences, il peut placer des aplats de noir plus ou moins importants, avec des contours nets, ou au contraire des contours charbonneux. De séquence en séquence, le lecteur observe que l'artiste adapte son mode de représentation, sans en changer radicalement et sans discontinuité car la mise en couleurs assure une forte unité d'ambiance. L'exemple le plus manifeste est la variation de densité des détails, du photoréalisme, à des ombres abstraites.



Ces modifications d'approche graphique peuvent prendre des formes variées. Il peut s'agir d'une page réalisée à l'aquarelle, sans trait encré de détourage, comme lors de la séquence sur le toit, page 11 de l'épisode 1. Dans l'épisode 2, l'artiste représente Corinne White en train de choir sur le trottoir dans une petite bande horizontale de 5 cases occupant le cinquième supérieur de la page. Dans le même épisode, il consacre un dessin pleine page à une vue de dessus de son héroïne grimpant les marches d'un escalier en ligne droite courant le long d'une des diagonales, évoquant par son esprit visuel les simplifications de Frank Miller dans Sin City (une influence énoncée par l'auteur). L'épisode 3 se termine avec 10 pages totalement muettes, dont 4 consacrées à un combat physique très violent. La narration est sèche, factuelle, montrant la brutalité de coups et des blessures, sans aucun commentaire, comme si le cerveau de Corinne White était en pilote automatique.



Le lecteur se laisse donc séduire par cette narration visuelle sophistiquée qui prend en charge la majeure partie de l'histoire. Du coup, il consent, sans trop se faire prier, l'effort nécessaire pour assembler les différents morceaux du récit. L'auteur ne commence pas par une longue scène d'exposition pour tout expliquer. Il n'introduit pas un personnage novice pour que le lecteur puisse découvrir en même temps que lui la situation. Il appartient au lecteur de tirer ses propres conclusions de ce qui est montré, en faisant confiance à l'auteur pour que tous ces petits bouts aboutissent à une image complète à la fin du récit.



Effectivement ces 5 épisodes forment une histoire complète avec une fin satisfaisante. Le lecteur découvre donc petit à petit qui est Corinne White et les motifs de sa désorientation. Il en apprend un peu sur son histoire personnelle, pas beaucoup sur son caractère. Hank reste une énigme du début jusqu'à la fin, juste un outil narratif. Les frères Choi (propriétaires de l'établissement House of Choi, spécialistes des implants cybernétiques) fournissent une courte respiration plus amusée que comique. Johnny 8 reste lui aussi à l'état de simple dispositif narratif. Tim, la tenancière du bar, joue un rôle plus important pour Corinne, mais là encore sans grande personnalité. Il en va de même pour Akanimoh Oni et son homme de main Massault. L'intérêt majeur du récit réside donc dans son ambiance un peu glauque, dans sa transcription d'un environnement de type cyberpunk et dans une intrigue bien ficelée.



Ce tome constitue effectivement un départ à neuf pour lequel il n'y a pas besoin de connaître une itération précédente. L'auteur complet crée un environnement d'anticipation, avec des individus améliorés ou modifiés par des prothèses cybernétiques. Le récit repose sur une héroïne cherchant à comprendre ce qui lui cause des apparitions et des pertes de connaissance, recherche parsemée d'affrontements physiques brutaux. La narration visuelle impressionne par son parti pris esthétique tranché et sa capacité à choisir des modes narratifs variés et cohérents entre eux. Néanmoins le récit s'apparente à plusieurs reprises à un exercice de style manquant un peu de consistance.
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Abe Sapien, Tome 1 : La noyade

En 1884, Edward Grey intervient à bord d'un navire pour mettre un terme à l'existence d'Epke Vrooman, un sorcier de mauvaise réputation. En 1981, Trevor Bruttenholm récupère un morceau du journal intime d'Edward Grey qui indique où le bateau a sombré et qu'à bord se trouve une dague mythique "Lipu". Malheureusement, Hellboy est en vadrouille avec l'archéologue Anastasia Bransfield. Il fait donc appel à un nouvel agent qui n'a jamais accompli de mission sur le terrain : Abe Sapien. Ce dernier doit se rendre à l'île de Saint Sébastien, accompagné par 3 agents Pratt (clin d'oeil au créateur de Corto Maltese), Hampton (clin d'oeil au peintre de comics, Simon Dark par exemple) et van Fleet (un autre peintre de comics, un épisode dans L'héritage maudit par exemple). Abe Sapien et van Fleet plongent sur les lieux du naufrage et ne tardent à affronter une pieuvre géante et une murène géante. Pendant ce temps là, des manifestations surnaturelles mettent en péril les vies des habitants de l'île. Une étrange vieille femme semble en savoir très long et manipuler les événements.



Le personnage d'Abe Sapien est apparu pour la première fois en 1994 dans la première minisérie d'Hellboy, Les germes de la destruction. "La noyade" est paru en 2008 et peut être lu indépendamment de la continuité d'Hellboy ou de celle du BPRD. Le scénario de cette histoire a été écrit par Mike Migonla, le créateur du personnage. Il a choisi un mode narratif plutôt décompressé, où l'histoire n'est pas très dense (il ne m'a pas fallu longtemps pour lire ce tome) et où les illustrations ont la part belle pour raconter l'histoire. Abe Sapien (encore vert derrière les ouïes) patauge face à des êtres surnaturels dont l'objectif ne lui apparaît pas tout de suite et en plus il rencontre une inconnue dans l'équation : la vieille femme qui semble bien mieux maîtriser la situation que lui. Donc au niveau du scénario, Mignola ballade son lecteur d'apparition en apparition avec quelques affrontements, une révélation du mystère à l'avant dernier chapitre et un dernier combat qui met fin à la menace.



L'histoire est illustrée par Jason Shawn Alexander qui a également mis en image une histoire d'Hellboy dans L'homme tordu. Il utilise une mise en page à base de rectangles avec généralement de 3 à 5 cases par page. Il conçoit les scènes d'action comme des juxtapositions des positions les plus cinétiques des personnages, plutôt que comme un découpage vraiment cinématographique. Cela donne donc une suite de clichés pris sur le vif avec des cadrages à chaque fois différents pour des séquences qui multiplient les points de vue ce qui leur donne une grande vitalité. Pour la représentation des personnages, il marrie de façon fort originale des traits très fins pour délimiter les contours des silhouettes avec des encrages assez appuyés pour les ombrages, les marques des visages et es plis des vêtements. Cela donne des visages assez creusés et clairement adultes, on est loin des visages lisses et identiques pour chaque personnage. Par contre, son mode de représentation ne lui permet pas de rendre les subtilités des expressions sur les visages. D'un autre coté, comme la moitié du tome se déroule entre monstres, ce n'est pas si gênant que ça. Coté décors, il s'agit d'une bonne surprise : Jason Alexander Shawn a l'art de représenter le détail exact qui rattache un lieu ou une pièce à des éléments très concrets et très réalistes sans alourdir le dessin. Au fil des pages, le lecteur peut ainsi apprécier la texture des planches d'un navire, les piles d'ouvrages dans le bureau qui sert de chambre à Abe Sapien, les tuiles sur les toits des maison, le cuir de la combinaison d'Abe Sapien, etc.



Au final, la lecture de ce tome m'a un peu déçu pour le coté froid des illustrations qui installe une certaine distance avec les personnages et ne permet pas une réelle empathie lors de leurs aventures. Le deuxième point qui m'a chagriné est que l'histoire n'apporte pas grand-chose à la mythologie développée dans les séries Hellboy et BPRD (si ce n'est la mention très rapide de la déesse noire), ni au personnage d'Abe Sapien. Mignola prend soin de le mettre dans une situation où il doit confronter ses doutes sur sa capacité à être un agent de terrain, mais ce point là est vite évacué pour l'action puisse reprendre son cours. Il manque vraiment le petit plus qui fait que les autres séries sont inoubliables : des personnages plus développés et des monstres qui sortent de l'ordinaire.
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Le Secret

Un vrai récit d'horreur aussi stressant qu'un film du même genre !Une jeune fille disparait un soir, quelques temps après avoir joué à un jeu de canular téléphonique. Dans un premier l'enquête de police se porte sur un de ses copains solitaire, Tommy Morris. Mais Tommy est persuadé pouvoir retrouver son kidnappeur et la sauver. Un an plus tard il se retrouve par hasard devant la maison du présumé agresseur...
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Le Secret

Avec une parfaite maîtrise du rythme et du hors champ, ainsi qu’un usage original et efficace de la typographie, [les auteurs] rendent un bien bel hommage au récit d’horreur. Et risquent bien de vous empêcher de fermer l’oeil de la nuit.
Lien : http://www.bodoi.info/le-sec..
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Le Secret

Le secret est une bande dessinée qu’on m’a gentiment offerte. Malheureusement, je m’attendais à beaucoup mieux. Une histoire simple et banale avec des personnages pas assez travaillés selon moi. Des

graphismes corrects mais sans avoir eu le gros coup de cœur. Avis mitigé pour ce livre.
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Abe Sapien, Tome 1 : La noyade

Mon premier pas dans le oeuvre de Mike Magnolia, d'après les commentaires pas la meilleure porte d'entrée. Cependant, la première enquête d'Abe Sapien, sans transcender, a le mérite d'accompagner le lecteur dans l'univers Hellboy. Les dessins collent à l'esthétique poisseuse, paranormale et dérangeant parfois. J'aurais aimé un peu plus d'enjeux pour nous amener sur le tome 2 et surtout des combats plus violents, plus dynamiques dans le découpage.
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Queen & country, tome 3 : Opération : Blackwall

Après un premier tome (Queen & Country : Opération Terre brisée) qui permettait de suivre deux enquêtes, l’une au Kosovo et l’autre en Afghanistan, et un deuxième volet (Queen & Country : Opération Crystal Ball) relatant le démantèlement d’un réseau terroriste passant par les Balkans et le Moyen-Orient, ‘Queen & Country : Opération Blackwall’ se déroule plus près de chez nous. Délaissant le terrorisme international au profit du monde pas beaucoup plus reluisant (et parfois intimement lié) des affaires, cette affaire d’espionnage industriel est surtout marquée par son caractère plus personnel.



Si le principe de cette série repose sur des récits indépendants, l’évolution psychologique des personnages au fil des aventures constitue cependant l’un de ses principaux intérêts. Le développement parallèle de cette nouvelle mission qui mêle sexe, mensonges et chantage, et de la relation amoureuse qu’entretient Tara avec son collègue vigie pour des raisons souvent mauvaises, démontre une nouvelle fois le talent de Greg Rucka à cet égard. A l’instar de son autre série, "Gotham Central", l’auteur fait déteindre les éléments de chaque enquête sur la vie privé de ses protagonistes avec brio.



L’autre grande qualité de cette saga est l’environnement ultra-réaliste dans lequel évoluent les protagonistes. Le quotidien des sections spéciales britanniques, composé de stress, dépressions, difficultés hiérarchiques et relations tendues, se situe à mille lieues de la vie luxueuse menée par 007, le plus célèbre des agents de la couronne. En soulignant l’incompatibilité totale entre ce job hors norme et une relation affective normale, l’auteur donne beaucoup de profondeur à cette intrigue au demeurant assez classique. Le graphisme noir et blanc de Jason Alexander vient parfaire cette impression de réalisme. En multipliant les non-dits, les regards implicites et les longues pauses, il transcrit également parfaitement les sentiments de ses protagonistes. Le style plus sombre du dessinateur, par rapport à ses prédécesseurs, amplifie d’ailleurs à merveille l’aspect torturé des différents caractères.



Pendant que Tara Chase continue de protéger les intérêts de Sa Gracieuse Majesté, l’amateur de récits d’espionnage trouve le sien dans la fréquence de publication entretenue par Akileos, avec pas moins de cinq excellents albums en seulement huit mois.
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The escapists

Quelle richesse dans ce comics multigenre à la croisée du mainstream et de l’indépendant, sorte de madeleine de Proust de tout fan de BD.
Lien : http://www.bodoi.info/the-es..
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The escapists

Hommage au roman de Chabon, The Escapists est hors norme, personnel et réjouissant. Inégal d’un point de vue graphique ; cependant, ses nombreux atouts font regretter d’avoir tourné la dernière page.
Lien : http://www.bdgest.com/chroni..
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The escapists

En remettant en lumière l’un des super-héros du roman, The Escapist, Vaughan tisse un hommage contemporain à l’Âge d’Or et à l’amour des comics, toutes générations confondues.
Lien : http://bdzoom.com/105868/com..
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Le Secret

Mike Richardson, connu entre autre pour « The Mask », nous offre un scénario digne de la renommée de ses plus grands films. Même si l’intrigue en elle-même est simple, on plonge littéralement dans l’enquête qui émane horreur et angoisse.
Lien : http://www.bdencre.com/2013/..
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