L'homme politique qui prétend ne jamais avoir menti ne fait qu'un mensonge de plus.
[ Jean Amadou ]
Je m'en souviendrai, de ce siècle
De la politique considérée comme un art
Ambassade des Etats-Unis, mercredi 16 heures
Robert Stilvens : En quoi la politique en France est-elle si différente de celle des autres pays occidentaux ?
Jean Amadou : Là encore, il faut faire référence au passé "Ce cher et vieux pays", comme disait de Gaulle, a traversé bien des épreuves et il est devenu frileux, comme ces vieilles personnes qui s'affolent quand on prétend modifier leurs habitudes. Avez-vous entendu parler d'Henri Queuille ?
Queuille fut un obscur ministre de la IIIe République et, un éphémère président du Conseil de la IVe, totalement oublié aujourd'hui. A tort, car il a eu une phrase magnifique, devise de tous les gouvernements qui lui ont succédé : "En France, il n'y a pas de problème qu'une absence de solution ne finisse par résoudre."
S'appuyant sur ce principe, ceux qui nous gouvernent, sachant que toute réforme, si minime qu'elle soit, va faire pousser des cris de chat écorché à ceux qu'elle concerne, répugnent à toute modification, même lorsque la nécessité s'en fait impérativement sentir. Mitterrand, dont l'intelligence politique était largement supérieure à celle de la plupart de ses homologues, instruit par les échecs de son premier septennat, se fit réélire en 88 avec pour seul programme le "ni-ni".
R.S. : C'était quoi le "ni-ni" ?
J.A. : Ni nationalisation ni privatisation. On ne touche à rien, on ne bouge pas, on fait comme la marmotte en hiver, on vit et on dort. Les électeurs fatigués par sept années de bouleversements, aspiraient au calme. Pour la première fois depuis longtemps, un candidat leur disait : "Si vous m'élisez, il ne se passera rien". Pour un peuple qui se hérissait dès qu'on touchait à ses habitudes, c'était le programme idéal.
C'est là une de nos originalités. Mitterrand avait ce don de sentir ce à quoi les Français aspiraient.
R.S. : Vous l'admiriez ?
J.A. : Beaucoup
R.S. : Vous avez voté pour lui ?
J.A. : Jamais, mais je suis français, et c'est un de nos apanages que d'avoir de l'admiration pour un politique sans lui accorder sa voix. En revanche, si nous rechignons à changer la société, nous excellons à en changer l'étiquette. Nous avons ainsi transformé en quelques années les concierges en gardiens, les facteurs en préposés et les vieillards en troisième âge. Sans compter les économiquement faibles qui sont devenus des défavorisés, les banlieues des zones sensibles, la Loire Inférieure la Loire-Atlantique, la Seine Inférieure la Seine-Maritime, les sourds des malentendants, les aveugles des malvoyants et les femmes de ménage des techniciennes de surface.
Le droit de râler n'est pas inscrit dans la déclaration des droits de l'Homme, c'est pourtant celui auquel nous sommes le plus attachés.
«Tout gouvernement qui s'installe a, pendant un an environ, une excuse toute trouvée pour calmer l'impatient appétit de ceux qui l'ont élu, c'est le Hdgp, c'est-à-dire Héritage désastreux du gouvernement précédent » (Jean Amadou, 1999)
La malchance de ce siècle fut d’avoir vu arriver au pouvoir trois hommes en des lieux différents : Hitler, Staline et Mao Tsé-toung. Chacun d’eux aurait suffi à faire son malheur, ce fut un cauchemar de se les être parfumés tous les trois. Avant l’entrée en scène des grandes vedettes, il y a les précurseurs et, après leur sortie, les disciples. Aucun n’atteint à l’efficacité des maîtres.
Les relations conflictuelles entre la Justice et le pouvoir, qui ne datent pas d’hier, sont à l’origine de cette fâcheuse coutume. La carrière des magistrats dépend du bon vouloir du prince et de ses ministres, ce qui les a longtemps amenés à caresser le pouvoir dans le sens du poil.
En fait, à part quelques irréductibles convaincus, le Français n’est ni de droite ni de gauche… Il est tantôt à droite et tantôt à gauche selon ce qu’on lui propose au menu et l’état de son porte-monnaie. Les sautes d’humeur rendent difficiles dans notre pays les métiers de Premier Ministre, de sondeur et de Président de la République.
Dans un « État de droit », expression que les politiques mettent en exergue de la plupart de leurs commentaires, la mise en examen n’est pas synonyme de culpabilité mais elle place obligatoirement celui qui en est la victime en position de suspect. On ne se contente pas de le mettre en examen, on annonce à l’avance qu’on va le faire, et l’intéressé est informé par la presse avant que la lettre du juge n’arrive à son domicile
Les fausses confidences ont toujours beaucoup de succès…
uand les fins de mois deviennent difficiles, la mère de famille sait l’art d’accommoder les restes et de retailler le pantalon de l’aîné pour le cadet. Elle sait rendre la justice parmi ses gamins, elle a le don de doser la sévérité et l’indulgence, et jamais il ne lui viendrait à l’idée d’en favoriser un au détriment des autres, parce qu’elle sait que l’injustice engendre la révolte.