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Citation de mamansand72


Les antibiotiques ne changèrent rien à l’affaire. J’aurais pu le leur dire, moi. Leur dire que mon mal ne se soignait pas à coup de pénicilline, de cataplasmes, pas davantage qu’avec les exorcismes secrètement lus de nuit par sœur Angélique, dans un petit livret qui ressemblait à mon manuel de callisthénie. Le vrai problème, c’était les larmes.
J’ai évité le sujet comme j’ai pu. Il va bien falloir en parler, des larmes. Je n’en avais pas versé depuis l’accident, depuis l’alliance de ma famille et du métal dans un creuset de feu, pas une seule. Je ne les avais pas trouvées, avait murmuré le psychologue. Ce n’était pas faute de chercher, pourtant. J’avais beau essayer, songer aux cercueils de mes parents, penser à l’insupportable cercueil sagement rangé entre eux le jour de l’enterrement, au bois qui les séparait quand il aurait été si bon de se toucher, rien ne venait. Mais l’univers les réclamait, mes larmes inexistantes, et de cet impayé naissait le mal qui me cabrait le corps.
À l’âge de seize ans et douze jours, j’ouvris les yeux au beau milieu de la nuit. Momo était assis au bord de mon lit. Il me tenait la main, fort, et il pleurait. Il pleurait comme on n’a pas pleuré depuis, il pleurait comme on le fait au pied d’une croix, aux bras des madones, le visage renversé. Il pleurait des empires. Il pleurait pour moi qui ne savais pas le faire. Sœur Angélique, au matin, cria au miracle. Ma fièvre s’était envolée. Elle me fit sortir, m’agenouiller sous un conciliabule d’étoiles pâlissantes, et réciter trois Pater. Souzix tournait déjà dans la cour, grelottant, une cape de pisse sur les épaules. Depuis ce jour-là, le gosse aux yeux d’Oran, le pêcheur d’oursins à la parole comptée, Momo et moi, ce fut à la vie, à la mort. Il était mes larmes, je devins sa voix.
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