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La masse se tait comme les bêtes, et son silence vaut le silence des bêtes. On a beau la sonder à mort (et la sollicitation incessante à laquelle elle est soumise, l’information, équivaut au supplice expérimental, celui des bêtes dans les laboratoires), elle ne dit ni où est la vérité : à gauche, à droite ? ni ce qu’elle préfère : la révolution, la répression ? Elle est sans vérité et sans raison. On a beau lui prêter toutes les paroles artificielles. – Elle est sans conscience et sans inconscient.
Ce silence est insupportable. Il est l’inconnue de l’équation politique, l’inconnue qui annule toutes les équations politiques. Tout le monde l’interroge, mais jamais en tant que silence, toujours pour le faire parler. Or la puissance d’inertie des masses est insondable : littéralement aucun sondage ne la fera apparaître, puisqu’ils sont là pour l’effacer.