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Citation de Charybde2


Le football est-il la joie du peuple ou l’opium du peuple ?
Contrairement aux anciennes formes de domination politique, qui laissaient généralement subsister en dehors d’elles des pans entiers de la vie individuelle et sociale, le système capitaliste ne peut maintenir son emprise sur les peuples qu’en pliant progressivement à ses lois l’ensemble des institutions, des activités, et des manières de vivre qui lui échappaient encore (qu’il s’agisse, par exemple, de l’activité artistique, de l’urbanisme, de la recherche scientifique, de la vie familiale, de l’organisation du travail ou des multiples coutumes et traditions populaires).
Il aurait donc été étonnant qu’un phénomène culturel aussi massif et aussi internationalisé que le football puisse échapper indéfiniment à ce processus de vampirisation. Et, de fait, comme chacun peut le constater aujourd’hui, ce sport est devenu, en quelques décennies, l’un des rouages les plus importants de l’industrie mondiale du divertissement – à la fois source de profits fabuleux et instrument efficace du soft power (puisque c’est ainsi que les théoriciens libéraux de la « gouvernance démocratique mondiale » ont rebaptisé le vieil « opium du peuple »). Ce rappel assurément nécessaire du rôle joué par le spectacle footbalistique (et le sport médiatisé en général) dans le fonctionnement économique et idéologique du capitalisme moderne ne saurait pour autant nous conduire à légitimer les analyses mécanistes de Jean-Marie Brohm et de son école (analyses qui ne constituent, d’ailleurs, pour l’essentiel, qu’une reprise des critiques que la « gauche culturelle » américaine dirigeait, dès les années cinquante et soixante, contre l’athlétisme et le baseball). Cela reviendrait en effet à oublier que l’industrie du divertissement a toujours fonctionné selon deux lignes stratégiques distinctes. D’un côté, elle doit sans cesse inventer de nouveaux produits (par exemple la téléréalité, les jeux vidéo, Twitter, ou la musique industrielle-marchande) qui, dans leur principe même, sont entièrement (ou presque entièrement) conçus et façonnés selon les codes de l’imaginaire libéral. De l’autre, elle travaille à récupérer – c’est-à-dire à reconfigurer en fonction de ses seules exigences – toute une série d’éléments issus des différentes cultures populaires préexistantes (ou parfois même aristocratiques) qui relevaient donc, à l’origine, d’un système de valeurs entièrement différent.
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