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Citations de Jean-Claude Michéa (181)


La richesse suprême, pour un être humain – et la clé de son bonheur – a toujours été l’accord avec soi-même. C’est un luxe que tous ceux qui consacrent leur bref passage sur terre à dominer et exploiter leurs semblables ne connaîtront jamais. Quand bien même l’avenir leur appartiendrait.
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Hannah Arendt avait donc raison de souligner, dans "La Condition de l'homme moderne", que « ce qu'il y a de fâcheux dans les théories modernes ce n'est pas qu'elles sont fausses, c'est qu'elles peuvent devenir vraies ». S'il est ainsi toujours exact que l'homme n'est pas égoïste par nature, il est non moins exact que le dressage juridique et marchand de l'humanité crée, jour après jour,le contexte culturel idéal qui permettra à l'égoïsme de devenir la forme habituelle du comportement humain.
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Une réforme ‘sociétale' - chaque fois qu'elle est introduite d'en haut et non sous la pression dominante des luttes populaires (par exemple pour le droit à l'avortement) - ressemble donc presque toujours à ces offres commerciales séduisantes qui comportent, cachés dans un coin, un certain nombre d'engagements additionnels - en général nettement plus onéreux - que le client inattentif ne découvre qu'après coup.
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S'il est ainsi toujours exact que l'homme n'est pas égoïste par nature, il est non moins exact que le dressage juridique et marchand de l'humanité crée, jour après jour, le contexte culturel idéal qui permettra à l'égoïsme de devenir la forme habituelle du comportement humain.

Les partisans de l'humanité seraient donc malvenus de sous-estimer cette réalité nouvelle. Ils doivent impérativement prendre conscience, au contraire, que la course est déjà commencée et que, dans cette course, le temps joue maintenant contre eux.
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L'homme des sociétés libérales est donc toujours invité à se tuer au travail et, simultanément, à vouloir « tout, tout de suite et sans rien faire », selon la célèbre devise de Canal +. Comme le temps disponible pour la consommation est inversement proportionnel à celui consacré au travail [AMG : c'est un peu rapide, mais passons], il y a donc bien là une véritable « contradiction culturelle du capitalisme ». L'une des solutions les plus classiques pour atténuer cette contradiction, est évidemment de prendre sur le temps nécessaire à la vie familiale et au travail éducatif qu'elle suppose. Le libéralisme peut alors gagner sur tous les tableaux.
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En assignant à toute activité humaine un objectif unique (la thune), un modèle unique (la transaction violente ou bizness) et un modèle anthropologique unique (être un vrai chacal), la Caillera se contente, en effet de recycler, à l’usage des périphéries du système, la pratique et l’imaginaire qui en définissent le Centre et le Sommet. L’ambition de ses membres n’a, certes, jamais été d’être la négation en acte de l’Économie régnante. Ils n’aspirent, tout au contraire, qu’à devenir les golden boys des bas-fonds. Calcul qui est tout sauf utopique. Comme l’observe J. de Maillard, « sous nos yeux, l’économie du crime est en train d’accomplir la dernière étape du processus : rendre enfin rentable la délinquance des pauvres et des laissés pour compte, qui jadis était la part d’ombre des sociétés modernes, qu’elles conservaient à leurs marges. La délinquance des pauvres, qu’on croyait improductive, est désormais reliée aux réseaux qui produisent le profit. Du dealer de banlieue jusqu’aux banques de Luxembourg, la boucle est bouclée. L’économie criminelle est devenue un sous-produit de l’économie globale, qui intègre à ses circuits la marginalité sociale (13.) »
À la question posée, il convient donc de répondre clairement que si la Caillera est, visiblement, très peu disposée à s’intégrer à la société, c’est dans la mesure exacte où elle est déjà parfaitement intégrée au système qui détruit cette société. C’est évidemment à ce titre qu’elle ne manque pas de fasciner les intellectuels et les cinéastes de la classe dominante, dont la mauvaise conscience constitutive les dispose toujours à espérer qu’il existe une façon romantique d’extorquer la plus-value.

13- J. de Maillard : Un monde sans loi, p. 84, Stock, 1998.
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Jean-Claude Michéa
REBELLES EN CARTON ou LES IDIOTS UTILES DU GRAND CAPITAL , titre la revue " Marianne " : Les travaux de Jean-Claude Michéa l'ont montré de façon magistrale : Greta Thundberg , Daniel Cohn-Bendit , Assa Traoré et d'autres gentils , tout comme Aragon fut l'idiot utile de Staline , sont les idiots utiles du capitalisme qui recycle tout , avale tout à son profit . L'ouverture de mœurs justifie la levée des barrières douanières , l'individualisme identitaire justifie l'égoïsme financier , le progressisme à tous crins ouvre la voie à la modernisation à marche forcée ......
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N'oublions pas que "déterritorialisation", en français, ne signifie rien d'autre que "délocalisation". Il n'y a entre ces deux termes que la différence qui sépare le libéralisme poétique de Gilles Deleuze de son application prosaïque par les grands prédateurs du Marché.
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Comment échapper à la guerre de tous contre tous, si la vertu n'est que le masque de l'amour-propre, si l'on ne peut faire confiance à personne et si l'on ne doit compter que sur soi-même ? Telle est, en définitive, la question inaugurale de la modernité, cette étrange civilisation qui, la première dans l'Histoire, a entrepris de fonder ses progrès sur la défiance méthodique, la peur de la mort et la conviction qu'aimer et donner étaient des actes impossibles. La force des libéraux est de proposer l'unique solution désespérée. Ils s'en remettent, en effet, au seul principe qui ne saurait mentir ou décevoir, "l'intérêt des individus." L'égoïsme « naturel » de l'homme qui, depuis les moralistes du XVIIe siècle, était la croix de toutes les philosophies modernes devient ainsi, quand le libéralisme triomphe, le principe de toutes les solutions concevables.
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Après qu’un certain temps s’est écoulé, la mère se sépare du fruit qu’elle portait dans ses entrailles, et la mère et son enfant forment alors deux êtres distincts et séparés.
Nierez-vous le rapport qui existe entre eux ?
Nierez-vous ce que la nature vous montre par le tėmoignage de vos sens, à savoir que cette mère et cet enfant sont l’un sans l’autre des êtres incomplets, malades, et menacés de mort, et que le besoin mutuel, aussi bien que l’amour, en fait un être composé de deux êtres ?
Il en est de même de la société et de l’humanité...

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Quand la classe dominante prend la peine d’inventer un mot (« citoyen » employé comme adjectif) et d'imposer son usage, alors même qu'il existe, dans le langage courant, un terme parfaitement synonyme (civique) et dont le sens est tout à fait clair, quiconque a lu Orwell comprend immédiatement que le mot nouveau devra, dans la pratique, signifier l'exact contraire du précédent. Par exemple, aider une vieille dame à traverser la rue était, jusqu'ici, un acte civique élémentaire. Il se pourrait, à présent, que le fait de la frapper pour lui voler son sac représente avant tout (avec, il est vrai, un peu de bonne volonté sociologique) une forme, encore un peu naïve, de protestation contre l'exclusion et l'injustice sociale, et constitue, à ce titre, l'amorce d'un geste citoyen.
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[...] il faut bien reconnaître qu'en dehors de quelques cercles anarchistes et radicaux, de certains "expérimentateurs sociaux" au dévouement admirable et des militants de la décroissance (dans la mesure où celle-ci conduit, par définition, à remettre en question le mode de vie capitaliste lui-même), bien peu nombreux sont ceux, à gauche, qui ont déjà su faire quelques pas cohérents dans la bonne direction, et retrouver ainsi les intuitions émancipatrices du socialisme originel.
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L'axiome de base du libéralisme est bien connu. Si la prétention de certains individus (ou association d'individus, à l'image de l'Église) à détenir la vérité du Bien est la cause fondamentale qui porte les hommes à s'affronter violemment, alors les membres d'une société ne pourront vivre en paix les uns avec les autres que si le Pouvoir chargé d'organiser leur coexistence est philosophiquement neutre, c'est-à-dire s'il s'abstient, par principe, d'imposer aux individus telle ou telle conception de la vie bonne. Dans une société libérale chacun est donc libre d'adopter le style de vie qu'il juge le plus approprié à sa conception du devoir (s'il en a une) ou du bonheur ; sous la seule et unique réserve, naturellement, que ses choix soient compatibles avec la liberté correspondante des autres. Cette dernière exigence suppose la présence – au-dessus des individus engagés séparément dans leur recherche de la vie bonne et du bonheur – d'une instance chargée d'harmoniser les libertés à présent concurrentes, et seule fondée, à ce titre, à en limiter le champ d'action en définissant un certain nombre de règles communes. Cette instance est le Droit (dont l'État, dans cette optique, n'a plus pour fonction essentielle que de garantir l'application effective).
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Le délinquant moderne, au contraire, revendique avec cohérence la froide logique de l’économie pour « dépouiller » et achever de détruire les communautés et les quartiers dont il est issu (5). Définir sa pratique comme « rebelle », ou encore comme une « révolte morale » (Harlem Désir) voire, pour les plus imaginatifs, comme « un réveil, un appel, une réinvention de l’histoire » (Félix Guattari), revient, par conséquent, à parer du prestige de Robin des Bois les exactions commises par les hommes du Sheriff de Nottingham. Cette activité peu honorable définit, en somme, assez bien le champ d’opérations de la sociologie politiquement correcte.
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Le système libéral n’a réussi, jusqu’à présent, à fonctionner de façon à peu près efficace que parce qu’il avait hérité d’une série de types anthropologiques qu’il n’avait pas créés et n’aurait pas pu créer lui-même : des juges incorruptibles, des fonctionnaires intègres, des weberiens, des éducateurs qui se consacrent à leur vocation, des ouvriers qui ont un minimum de conscience professionnelle, etc. Ces types ne surgissent pas et ne peuvent surgir d’eux-mêmes, ils ont été créés dans des périodes historiques antérieures par référence à des valeurs alors consacrées et incontestables : l’honnêteté, le service de l’état, la transmission du savoir,  la belle ouvrage, etc...
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C'est ce refus constant de noyer l'homme ordinaire ("common man") dans les eaux glacées du calcul égoïste qui permet à Orwell de critiquer à la fois le libéralisme et le totalitarisme. On a insuffisamment souligné, de ce point de vue, que ces deux idéologies rivales s'appuyaient sur une même vision négative de l'homme forgée, comme on l'a vu, dans les conditions du XVIIe siècle européen. Ce n'est qu'en référence à ce point de départ commun qu'il est philosophiquement possible d'appréhender leurs différences réelles. À partir du moment où l'on postule que les hommes ne sont mus que par « l'amour d'eux-mêmes et l'oubli des autres » il ne peut plus exister, en effet, que deux solutions cohérentes au problème politique moderne. Soit on se décide à accepter les hommes tels qu'ils sont, et il faut alors se résigner à tirer parti de leur égoïsme pour édifier l'empire du moindre mal. Soit on maintient le projet d'un empire du bien (autrement dit l'utopie d'un monde parfait) mais son avènement triomphal se trouve nécessairement subordonné à la fabrication d'un homme nouveau. Si l'idée orwellienne d'une société décente échappe, en grande partie, à ces contradictions, c'est parce qu'elle s'enracine, à l'inverse, dans une compréhension de l'homme beaucoup plus nuancée et, à l'évidence, beaucoup plus réaliste. Le travail d'auto-institution propre à cette société implique, en effet, un appui continuel sur des possibilités morales déjà existantes, possibilités qu'il s'agit, avant tout, d'universaliser, et non d'éliminer au nom du combat progressiste contre toutes les figures, tenues pour également répressives, de la tradition. Ce n'est que sous cette condition « conservatrice » que les différentes inventions du génie humain (et, en premier lieu, les conquêtes de la science et de la technologie) peuvent recevoir un sens humain et éventuellement contribuer, dans les limites appropriées, à l'amélioration réelle de l'existence collective.
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[L]a capacité de sacrifier sa vie, quand les circonstances l'exigeaient, à sa communauté d'appartenance a toujours constitué la vertu proclamée des différentes sociétés traditionnelles, c'est-à-dire de celles qui confèrent une place privilégiée aux relations de face-à-face, et par conséquent, aux sentiments de honte et d'honneur. Du guerrier primitif au citoyen de la Rome antique, du martyr de la foi chrétienne au chevalier médiéval, c'était cette disposition permanente au sacrifice ultime qui, pour le meilleur et pour le pire, fondait officiellement l'estime de soi des individus et la garantie de leur possible gloire éternelle, que cette gloire soit profane ou sacrée.

[L]a modernité occidentale apparaît donc comme la première civilisation de l'Histoire qui ait entrepris de faire de la conservation de soi le premier (voire l'unique) souci de l'individu raisonnable, et l'idéal fondateur de la société qu'il doit former avec ses semblables. Comme le souligne clairement Benjamin Constant, « le but des modernes est la sécurité dans les jouissances privées ; et ils nomment liberté les garanties accordées par les institutions à ces jouissances. »
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C’est pourquoi, tôt ou tard, l’économie de marché finit inévitablement par apparaître comme la seule « religion » possible d’une société axiologiquement neutre et comme l’unique moyen de restaurer un semblant de lien social dans une société en voie d’atomisation culturelle. 
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Le système capitaliste mondial est bel et bien entré dans « la phase terminale de sa crise structurelle ».
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Jean-Claude Michéa
Il s’est toujours trouvé, en effet, des peuples, ou des individus, si farouchement attachés à leur autonomie qu’ils mettaient systématiquement leur point d’honneur à refuser toute forme de servitude, que celle-ci leur soit imposée du dehors ou, ce qui est évidemment encore plus aliénant, qu’elle finisse, comme dans le capitalisme de consommation moderne, par devenir « volontaire ». En ce sens, il existe incontestablement une tradition « anarchiste » (ou « libertaire ») dont les principes débordent largement les conditions spécifiques de la modernité libérale (songeons, par exemple, à l’œuvre de La Boétie ou à celle descyniques grecs) et dont l’assise principale – je reprends votre formule – est effectivement beaucoup plus « morale et philosophique » (j’ajouterais même « psychologique ») que politique, au sens étroit du terme.
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