Intervention de Jean-François Draperi sur le thème de l'économie sociale face à la crise dans le cadre de l'université d'automne de la Ligue de l'enseignement.
« La société doit être ouverte à toutes les conceptions sociales, mais nulle d’entre elles ne doit être obligatoires pour la société toute entière. » (in La République du travail et la Réforme parlementaire – 1889)
Godin est un expérimentateur et ses propositions sonnent comme une critique de l’action politique détachée de l’action économique et sociale.
« La seule voie que propose Marx est le "vague sentiment de nécessité de briser l'omnipotence du capital". Godin considère que la proposition de suppression du capital constitue une faiblesse scientifique car elle est fondée sur une réaction sentimentale à l'exploitation du travail. Il faut dépasser ce sentiment par l'étude concrète, une meilleure connaissance de la complexité de l'homme, et par des propositions d'organisation nouvelles. En effet, il faut souligner que la critique de Godin ne postule aucunement une nature bonne ou mauvaise ni de l'homme, ni d'une classe. Pas de classe maudite ni de classe élue, pas de destinée historique : ce sont les institutions qui ont la capacité de rendre les hommes égoïstes ou épris de justice. C'est donc cette voie qu'il faut chercher pour réduire le rôle du capital […] » (pp. 137-138)
Godin se distingue de la majorité des penseurs sociaux qui ne conçoivent pas de changement social sans rupture, sans violence, sans lutte contre les exploiteurs. Il s’agit non pas d’imposer par la force et à tous un modèle, mais de réunir une population dans un village où seront bannies toutes pratiques qui n’expriment pas les « aspirations les plus larges, les plus élevées et les plus généreuses de l’esprit ».
La pensée marxiste retourne la violence capitaliste, par l’affirmation de la lutte des classes, sur le terrain de l’entreprise capitaliste. La pensée coopérative ou utopiste détourne la violence capitaliste par la mise en oeuvre d’une entreprise alternative.
« La société communiste ne peut exister qu’à la condition d’assujettir chacun au régime qu’elle prescrit. Dès lors, l’individu ne relève plus de lui-même, mais de la règle commune ; sa liberté est anéantie. » (in Solutions sociales – 1871)
« […] Godin croit que la démocratie ne peut fonctionner que si elle est conquise et fortement institutionnalisée. La perspective éducative est plus importante pour lui que la perspective organisationnelle. Ce n'est pas la démocratie qu'il faut établir, c'est l'éducation des hommes qu'il faut promouvoir. […] La coopération est préférée comme outil organisationnel. On note que cette hiérarchie [dans la répartition du pouvoir au sein de l'entreprise] définit un cursus coopératif dans lequel on avance : auxiliaire, participant, sociétaire, associé, membre du conseil, administrateur gérant, intéressé ; avec la possibilité d'arrêter à chaque niveau selon sa volonté et son investissement. » (pp. 52-53)
Affirmant qu’ils sont solidaires des pauvres, de la société et de l’État, les ultrariches coupent l’herbe sous le pied à toute contestation et s’emparent de tous les pouvoirs : techniques avec l’innovation technologique ; économiques avec l’extension du marché à la sphère privée ; politiques avec la conquête des États et des collectivités publiques ; sociales avec la définition et la mesure d’une nouvelle action sociale et solidaire. Cette concentration des pouvoirs entre quelques mains engage la société dans un risque totalitaire.
Ce livre s’appuie sur des présentations d’entreprises de business social et, par contraste, de coopératives, qui sont analysées et mises en perspectives historique ou théorique. Cette méthode présente le double avantage de faciliter la compréhension et de présenter des solutions alternatives au business social.
J’espère ainsi qu’au terme de votre lecture, il vous sera possible de différencier en quelques secondes un projet d’économie sociale d’une ruse de riche.