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Citation de Partemps


XIV

La représentation de Peter Grimes à laquelle nous avions assisté en ce soir du 25 mars semblait vouloir contredire mon opinion. Tout ce qui touchait aux perceptions, le souvenir que je gardais d’un décor, les places que nous aurions occupées, tout cela se réfractait à l’intérieur d’un milieu peu clair qui embuait les contours, tandis que l’impression produite par le chanteur, à laquelle je n’avais jamais repensé, m’avait inspiré un rapprochement (et pour formuler nos impressions nous ne pouvons nous passer de rapprochements ou de comparaisons). La douloureuse solitude de Peter Grimes enfermé en lui-même, en butte à l’hostilité des villageois, rappelle bien le sort de Florestan dans l’opéra de Beethoven, détenu dans une forteresse, persécuté par la cruauté de Pizarro.
Au cours de ce mois de mars je me rendais souvent seul ou avec Marie dans les jardins du Palais-Royal ou aux Tuileries. Par un après-midi d’un des premiers beaux jours du printemps, je pris des photos des bourgeons des marronniers et, encore couvertes d’un duvet jaunâtre de poussin, des feuilles naissantes qui s’ébrouaient. Je montais sur les chaises en métal ajouré pour m’en approcher. Ces photos venaient à la suite de celles que je prenais des branches, des feuilles, des surfaces et des matières plus ou moins transparentes ou réfléchissantes, des cieux à la fin du jour, des nuages et leurs irisations, de l’eau et ses mobilités, enfin de tout ce qui jouant sur les registres de la lumière, interprétant ses intensités et ses douceurs, contribuant à en multiplier les nuances, à lui faire parcourir la gamme des teintes et l’échelle des valeurs, laissait apparaître la lumière comme le seul motif que j’avais cherché à fixer. Je souhaitais photographier la lumière, mais je n’avais pas plus d’espoir d’y parvenir que si j’avais voulu photographier Dieu. Se tenaient à ma portée du moins les habitants qui, avec faste ou humilité, en proclamaient la joie et la beauté : les monuments, parmi lesquels se distinguaient surtout ceux qui glorifient Dieu, ou les fleurs qui déploient bien des arguments pour nous persuader qu’il n’est pas improbable. Marie, si sensible aux fleurs et séduite par la plus humble d’entre elles, mais mécréante, ne se laissait donc pas convaincre.
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