1928
Les tribulations de Max Ernst
Cologne - L'incorrigible Max Ernst ne cesse de défrayer la chronique. Déjà au Salon des indépendants d'il y a deux ans, son tableau, "la Vierge donnant la fessée à l'Enfant Jésus devant 3 témoins : A.B., P.E. et l'artiste", s'était vu affublé d'un bristol portant ces mots : "Protestation des artistes catholiques". Et voilà qu'aujourd'hui, c'est le clergé de Cologne qui s'agite.
Non seulement il a obtenu la fermeture de l'exposition où la toile était présentée, mais, après un exorde de l'archevêque en personne, les fidèles réunis dans la cathédrale - parmi lesquels Philippe Ernst, le propre père de l'artiste - ont répété trois fois "pfui ! pfui ! pfui !". Ce qui voulait dire que l'impie était excommunié.
1987 (article sur la disparition d'André Masson)
Un jour où il discutait avec Picasso des emprunts en peinture, celui-ci lui avait dit en le regardant droit dans les yeux : "Je pique partout et jusque chez les plus mauvais."
1901 - Atuana
Gauguin sculpte la "Maison du jouir".
Il s'est installé dans l'île de Hiva Oa, dite aussi la Dominique, à Atuana, où il a acheté à la mission catholique un terrain de cinq cent mètres carrés tout proche de l'école des filles. Bien qu'en très mauvaise santé, il mène tambour battant la construction de sa case qu'il a confiée aux charpentiers Tioka et Kekela d'après ses propres plans. Bâtie sur pilotis, fermée de lattis de bambou et couverte de palmes de cocotiers, elle mesure six mètres de large sur treize de long.
Autour de la porte d'entrée de sa chambre, le "maître des Tropiques" sculpte, dans l'esprit des décors maoris, des panneaux de bois en forme de portique. À gauche : "Soyez mystérieuses" ; à droite : "Soyez amoureuses et vous serez heureuses" ; et sur le fronton : "Maison du jouir". Une enseigne provocatrice pour la paroisse que dirige Mgr Martin et pour les gendarmes qui l'ont pris en grippe et le surnomment "Coquin".
1969. Rétrospective Vasarely à Budapest qui retrace l'ensemble de son œuvre et une grande première : l'irruption de l'art moderne dans les pays de l'Est qui, d'un seul coup, traverse le rideau de fer. Vasarely a reçu un accueil enthousiaste auprès du public venu, pour l'occasion, de tous les coins de la Hongrie.
Sous l’impulsion de l’expressionnisme, Prinzhorn cherchait chez les artistes aliénés des « peintres à l’état de nature » et, bien sûr, cette idée est fallacieuse : comme chacun sait, un nourrisson est, dès sa venue au monde, englobé dans un réseau humain de paroles et de gestes qui l’amèneront à parler, à dessiner, à marcher. Il va de soi que les artistes malades mentaux n’échappent pas à la règle, et les psychiatres s’accordent à admettre qu’ils occupent, au surplus, une place à part, relativement aux autres malades, car ils exercent une activité à laquelle les médecins s’intéressent et qu’ils favorisent, et reçoivent des interlocuteurs venus les interroger ou voir leurs travaux, que parfois ils acquièrent. Toutes choses qui leur donnent un statut social au sein de la vie asilaire, et offrent maintes analogies avec celui des artistes culturels qui exposent et vendent leurs œuvres, font l’objet d’éloges ou de critiques. Ce à quoi s’ajoute le fait déjà mentionné que certains d’entre eux ont suivi un enseignement artistique avant d’être internés.
Le crime de Kokoschka
Le professeur de l'Académie des Beaux-arts assassin ? C'est ce que la police dresdoise, alertée, a cru un court instant. Une femme gisait décapitée, dans son jardin, au milieu des libations et des cris, à l'aube d'une nuit de fête. Puis elle dut se rendre à l'évidence : la morte était ... une poupée.
Cette nuit-là, le peintre Oskar Kokoschka venait, à trente-six ans, d'exorcise son passé. N'ayant pu supporter sa rupture avec Alma Mahler, en 1915, et s'étant jeté en vain dans la guerre afin d'y mourir d'amour, il s'était fait confectionner une poupée en grandeur naturelle, à l'image de sa bien-aimée et, pour l'habiller aussi élégamment que l'était Alma, avait acheté des dessous et des robes chez les meilleurs faiseurs parisiens. Il l'avait en permanence à ses côtés, l'emmenant en fiacre prendre l'air les jours de soleil et avait même, disait-on, loué pour elle une loge à l'Opéra.
Mais c'en était assez. Après l'avoir copieusement dessinée et peinte, il était guéri de sa passion malheureuse. Orchestre de chambre dans le bassin d'une fontaine baroque, torches, champagne, invités nombreux venus pour célébrer ses nouvelles fonctions de professeur, Kokoschka, au petit matin, avait fracassé le crâne de la poupée à l'effigie de la chère Alma. Au moyen d'une bouteille de vin rouge. Et au terme d'une folle nuit où tout le monde était ivre.
1937. C'est l'année de tous les paradoxes. "Guernica" que Picasso a exécuté pour le pavillon espagnol de l'Exposition internationale, à Paris, sonne la glas de la civilisation. Mais en même temps, et dans la même exposition, le pavillon de l'air de Sonia et Robert Delaunay retrouve, ben que par de tout autres moyens, la synthèse des arts chère à la Renaissance où architecture, sculpture et peinture se conjuguent pour former un ensemble. Le drame de l'époque , cependant que Paris pavoise, pourrait bien se jouer à Münich où l'exposition d'"art dégénéré" voulue par Hitler désigne à la vindicte populaire, de Gauguin et Cézanne à Klee ...., tout ce qu'il y a de plus créateur dans l'art moderne.
Après les poupées viennent les masques, sortes de gargouilles monstrueuses détachées d’impossibles cathédrales. Que l’homme y soit déjeté serait peu dire : il est méconnaissable, malgré son nez, sa bouche parfois, son front, ses orbites vides, et surtout il y est éliminé. […] Que s’est-il passé sur la scène du siècle pour que le visage humain soit, à ce point, dénaturé ? Nedjar aborde aux rives métaphysiques du mal. Ses masques occupent une place à part dans l’art brut : ils font de l’esprit une passion inutile, ils extirpent de nos vies tout espoir.
Sell signait ses nombreuses lettres adressées à des administrations et à des princes du nom de Niveau, Prince Niveau, Niveau de la Couronne de marbre ou Niveau, directeur mondial de la nature. Elles rapportent comment on lui enjoint de gouverner, depuis l’asile d’aliénés, une foule de dames mariées voulant être satisfaites et comment, dans la mesure où il n’y consent pas, on l’importune au moyen de ce qu’il appelle « l’appareil à comprimis ». Comment aussi on le nourrit, durant la nuit, d’odeurs de cadavres et lui fait subir les tortures les plus abjectes. Ses souffrances, qui sont constantes, lui sont envoyées, selon lui, par propagation des étincelles radio et s’accompagnent de sensations douloureuses, parmi lesquelles une forte démangeaison aux nerfs optiques, une électrisation de ses extrémités, un craquement des os crâniennes, des vertèbres cervicales et du dos, un chatouillement dans les paupières, les narines, le pharynx, le larynx et les organes génitaux. Il se plaint aussi d’odeurs de vomi, d’organes génitaux féminins, qui lui sont transmises électriquement, parle de l’injection ininterrompue qui lui est faite de vents intestinaux lui inoculant un cancer du rectum et l’empêchant pratiquement de marcher…
L’édifice est paré de matériaux variés tels que pierres, débris de mosaïque et de vaisselle, coquillages, fonds de bouteilles, verre pilé, dont résulte une brillante polychromie comparable à celle des constructions du parc Güell de Gaudi, à Barcelone. Rodia s’en allait faire sa récolte à la nuit tombante, un sac sur l’épaule, dans le but de transformer les déchets de la grande ville en une œuvre de beauté.