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Critiques de Jean-Loup Samaan (1)
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La RAND Corporation (1989-2009) : La reconf..

Avec un chiffre d’affaires de plus de 200 millions de dollars et près de 1 500 employés aux Etats-Unis et à travers le monde, la RAND (Research And Development) Corporation est un puissant objet de fantasmes. Le Docteur Folamour de Stanley Kubrick travaillait pour la mystérieuse « Bland Corporation » ; le colonel Kuntz de Apocalypse Now raillait les « politiques de Washington » et dénigrait un « rapport de la RAND Corporation ». Jean-Loup Samaan, aujourd’hui en poste à la Délégation aux Affaires stratégiques du ministère de la Défense, a été visiting scholar à la RAND et en est revenu avec une thèse en science politique dont il publie une version très abrégée chez L’Harmattan.

Le sujet de sa thèse est passionnant : comment la RAND, cette institution créée pour et par la Guerre froide, a-t-elle survécu à la chute du Mur ? Comment ce think tank étroitement lié à l’US Air Force qui fut à l’origine de sa création en 1948 a-t-il fait face aux baisses drastiques des budgets militaires et à la concurrence accrue des consultants privés ? Comment des castes d’experts en kremlinologie et en arms control se sont-elles reconverties ?

La vérité oblige à dire que le traitement qui en est fait laisse quelque peu le lecteur sur sa faim. Dans la première partie de son livre, Jean-Loup Samaan nous perd dans de savants développements théoriques qui empruntent à Bourdieu, Weber ou Schmitt pour décrire « la sociogénèse d’une science de la stratégie » ou la « désindexation politique de la recherche militaire ». Sans doute est-ce un passage obligé dans une thèse de sciences politiques. Mais on regrette que l’auteur, qui a eu la chance de connaître l’institution de l’intérieur, ne nous décrive pas son fonctionnement ni les hommes et les femmes qui y travaillent. Certes, il dit un mot de l’affaire Murawiec qui avait défrayé la chronique en août 2002 lorsqu’un chercheur – français – de la RAND – s’était permis des propos fort peu diplomatiques au sujet de la dynastie saoudienne au pouvoir à Riyad. Mais on aurait aimé en savoir plus sur les parcours sociologiques des chercheurs : ont-ils tous si bien réussi à se reconvertir aux nouvelles problématiques évoquées dans la deuxième partie (les cyberguerres, la lutte contre le terrorisme, la contre-insurrection …) ? comment ont-ils vécu d’être soumis aux logiques commerciales qui semblent désormais prévaloir dans le monde de la recherche ? la pratique des revolving doors entre les think tanks et l’administration – que Samaan évoque à peine – est-elle toujours d’actualité ?

Samaan s’intéresse dans la troisième partie de son livre à l’internationalisation de la RAND qui a ouvert des bureaux en Europe, au Moyen-Orient et en Asie. Internationalisation plus que transnationalisation : la diffusion des « sciences américaines de gouvernement » ne se fait pas dans un espace post-national affranchi des contraintes étatiques mais reste pilotée par Washington. Lucide, Saaman montre que cette politique ressortit autant sinon plus de considérations budgétaires (« C’était une opportunité financière que nous ne pouvions refuser au moment où l’apport du gouvernement déclinait » p. 158) que politiques (les chercheurs de la RAND comme « émissaires de la pensée militaire américaine » cherchent à « fabriquer des amis de l’Amérique » p. 193). Cette logique contribue néanmoins à entretenir l’hégémonie intellectuelle des Etats-Unis. Ce sont dans les termes de la RAND que le monde pense aujourd’hui le monde : guerre de l’information, Révolution dans les affaires militaires, Nation-building …
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