Au sommet de la chrétienté, le point de départ de la répression se situe en effet, on l’a vu, vers 1258-1260, lorsque le pape Alexandre IV ordonne aux inquisiteurs de s’intéresser non seulement aux hérétiques traditionnels, vaudois et cathares, mais également aux « divinationes et sortilegia ayant une saveur manifeste d’hérésie »86. Cette décision hausse la divination, voire la magie qui lui est liée, au registre supérieur des crimes contre la foi, et soumet leurs adeptes à la redoutable obligation de l’aveu.
Elle précède de peu le premier formulaire d’inquisition consacré à ces sujets et le moment crucial où la théologie scolastique de Thomas d’Aquin, dans la question de la Secunda secunde de la Somme théologique, met au point la notion, essentielle, de pacte exprès et tacite avec le démon. La base idéologique de la répression est donc en partie jetée dès le XIIIe siècle, même si la portée pratique de la décision pontificale et de la mise au point doctrinale de Thomas d’Aquin semble avoir été assez faible à court et à moyen terme, et s’il y manque encore une qualification juridique claire de l’invocation des démons comme hérésie.