Les femmes ne plaisantent pas avec l'amour - Jean-Pierre Levain
Elle devait avoir approximativement l'âge d'Hélène au moment de sa disparition. Elena se rendit compte qu'il la fixait. Sa réaction le stupéfia.
- Toi aussi, tu voudras coucher avec moi ?
Désarçonné, il lui fallut quelques secondes avant de répondre.
- Bien sûr que non ! Jamais je ne te ferai le moindre mal. Tu peux me faire confiance. Tu es ici en sécurité. La porte de la maison sera toujours ouverte. Tu peux t'en aller quand tu veux. J'espère seulement que tu resteras le temps de te rétablir. Excuse-moi si je t'ai mise mal à l'aise.
- C'est parce que tu me regardais comme les autres.
- J'ai cru que…
- Tu ressembles à ma fille. Crois-moi, c'était la seule raison. Maintenant, repose-toi, il vaut mieux que je te laisse…
Elle utilisait ce terme en son sens générique et l'avait dit tout de go lors de sa prise de fonction : “Je suis profondément féministe et œuvrerai à défendre la place des femmes dans la police. Les pratiques sont, à mes yeux, plus importantes que les mots qui les qualifient. Ne comptez donc pas sur moi pour utiliser des formules ridicules pour féminiser mes propos. Quand je dis mes hommes, voyez-y un signe d'égalité entre les sexes qui a la même valeur de neutralité que le terme de flic. Pas question de parler de fliques au féminin ; encore moins de fliquettes comme je l'ai entendu dans la bouche de certains qui feraient bien d'y réfléchir à deux fois avant de réitérer pareilles âneries.”
Il aimait l'amour vache, rien à voir avec la romance. Celui qui faisait mal et laissait des traces sur le corps. Essentiellement celui des femmes qu'il prenait plaisir à martyriser pour mieux les asservir. Tous les moyens étaient bons pour arriver à ses fins y compris la pharmacopée. La motarde n'en savait rien. Elle le découvrirait bien assez tôt, à ses dépens.
La femme s'éloigna, puis, par un accès de mansuétude, revint sur ses pas. Elle saisit la tête du fumier par les cheveux. Il pleurnichait dans son mauvais trip. Elle lui ouvrit la gorge d'une oreille à l'autre. Point final !
En bonne ménagère, elle ramassa le pénis qui traînait par terre, se rendit dans la salle de bains et le balança dans la poubelle.
Il appréciait ces périodes où, une fois les lieux vidés de leurs occupants, le calme succédait à l'agitation. Ces moments de recul lui permettaient de faire des synthèses plus pertinentes, de réfléchir à de nouvelles pistes ou stratégies à mettre en place. Un peu comme si les murs pouvaient garder les traces d'un travail d'élaboration collective dont il serait capable de s'imprégner dans l'après-coup de manière à en tirer profit.
Un petit nuage de parfum là où il fallait et voilà, elle fut prête en moins de dix minutes chrono, démentant au passage ces pseudo-enquêtes scientifiques selon lesquelles les femmes mettraient en moyenne soixante-cinq minutes pour se préparer avant une sortie. De quelles femmes parlait-on dans ces enquêtes ? Sûrement pas des mères avec enfants qui travaillaient à temps plein !
Tous deux partageaient le sentiment que cette enquête risquait de ne pas aboutir. Il allait falloir creuser un peu dans tous les sens en espérant, avec un peu de chance, dégager des pistes intéressantes à explorer. Mis bout à bout, certains éléments laissaient les deux policiers perplexes tout en donnant un caractère peu banal, voire loufoque à cette enquête.
Il s'était toujours comporté en esthète sensible à la beauté du monde, à l'élégance des réalisations humaines, à l'harmonie des courbes féminines qu'il considérait comme de magnifiques paysages qui l'émouvaient depuis toujours et réjouissaient bon nombre de ses rêveries.
Chaque fois qu'il prenait place à ses côtés, il ne pouvait s'empêcher de regretter d'avoir appuyé sa demande afin d'obtenir la version la plus musclée du Duster, capable de libérer une cavalerie de 150 chevaux tous plus furieux les uns que les autres.
Combiner activité professionnelle, vie familiale et travail ménager n'avait rien d'évident. Pour Fred, célibataire endurci qui consacrait l'essentiel de ses ressources à son métier, déjeunait chaque midi à la cantine ou au resto et se nourrissait essentiellement de plats tout prêts le soir, cela relevait de la gageure. Comment donc faisaient les femmes pour venir à bout d'une telle accumulation de tâches, tout en gardant suffisamment d'énergie et de bonne humeur ? Et surtout comment faisaient les hommes pour ne pas se rendre compte de la charge que cela représentait ?