J'ai laissé beaucoup de camarades, mais à aucun moment je n'ai perdu la foi. Ni en Dieu, ni en l'homme.
Ce jour-là, nous sommes très nombreux à nous présenter à la caserne, et il n'y a pas d'uniformes pour tout le monde ! Beaucoup portent des tenues qui n'ont rien de militaire. Moi , je me retrouve avec un complet de pompier et un paire de chaussures trop grand, du 44 alors que je chausse du 42. Cela donne une idée de la désorganisation qui règne à ce moment-là.
En ce temps-là, dans toutes les familles de France on sait ce que signifie faire la guerre: chaque génération d'hommes a connu la sienne. Mon grand-père paternel était capitaine dans l'armée de Napoléon III et a perdu la vie en 1870, en se battant contre les Allemands. Son nom figure d'ailleurs sur le monument aux morts de la ville de Perpignan.
Entre le 7 et le 12, nous somme désignés pour accomplir une tâche spécifique: réaliser ce qu'on appele des "parallèles avancées" ou "parallèles de départ". Ce sont des tranchées qu'il faut creuser entre les lignes françaises et les lignes allemandes, le plus près possible de l'ennemi.
Signe particulier de cette formation, elle s'est déroulée dans une maison allemande. C'était comme ça : à proximité de la rue où j'habitais, passage Corbeau dans le 10 arrondissement, il y avait beaucoup d'Allemands. La plupart tenaient des commerces.
Dans ces dernières heures partagées, je n'imagine pas que je ne reverrai jamais Benoît, mon frère aîné. J'apprendrai trois ans plus tard, sa mort au champ d'honneur. Il est tombé en 1915, alors que j'étais moi-même à la guerre.
Un simple bracelet indiquant l'identité et la classe du soldat. Cela permet l'identification en cas de décès au champ d'honneur. Albert Thibault y a ajouté une médaille de la vierge en guise de fermoir.