Jean de Loisy

Les poètes sont d'irréductibles porteurs de paroles, de colères, de révoltes, d'utopies. Ils nous révèlent le réel le plus ample et le plus aigu. « La vie du poète est la vie de toutes les vies», dit Neruda. « La colère du poète est de la clairvoyance», disait Baudelaire. II voit I'injustice avant les autres. La Rabbia poetica de Pasolini ! Je sais cet intense engagement existentiel qui forge souvent cette profonde et violente harmonie entre leur ceuvre et leur destin. Athée, j'ai dit parfois que n'ayant pas de saint pour incarner les valeurs je me saisissais de l'image et de la vie des poètes. C'était une boutade. Bien sûr, même athée, je me sais héritier des messages et des images des mythologies chrétiennes et, peintre, j'ai souvent puisé dans ce riche héritage. La poétesse allemande Eva Strittmatter a écrit: « Les poètes font leur pays [...]. La Grèce c'est Ritsos qui l'a faite et Neruda a fait le Chili. » lls incarnent plus que leur pays, ils disent leur temps, leur siècle et les aspirations, les drames qui les ont traversés. Pasolini, sa vie, ses oeuvres, sa mort portent les stigmates de toutes les contradictions qui ont déchiré l'Italie au XX° siècle. Mahmoud Darwich incarne l'exil et la Palestine, Maiakovski exalte la révolution bolchevique et sa barque fracassée annonce 'échec et le goulag... Desnos à Terezin, Artaud à Rodez.