Je m’en irai comme rivière
Je m’en irai comme rivière
Je m’en irai
Les yeux obscurs selon la terre
Et ses vergers
Selon les abeilles et la vigne
Les peupliers heureux
Selon les mots et les signes
Qu’on lit dans les yeux
Des vieux sages
Je descendrai la vallée
Jusqu’au premier village
Un enfant dort parmi les giroflées
M’attendait-il encore
Il y a si longtemps si longtemps
Que son grand regard d’or
Est tombé en cendres Maintenant
Je m’en irai comme rivière
Je m’en irai
Les yeux obscurs selon la terre
Et ses vergers
Selon l’avoine et les blés
La bruyère craquante
De juillet
Selon la pente
Que nul ne sait
Qui est sauvage et muette
Moi-même davantage ne connais
Ses demeures secrètes
Très loin là-bas au bout des mers
Ne les verrai
Jamais peut-être — ô ce désert
À peine deviné
Parfois la nuit quand tout se tait
Quand tout est seul
Comme un enfant qui dort au fond des giroflées
Et sous les blancs glaïeuls
À quoi sert toute nulle la fleur
À quoi sert toute nulle la fleur
Que l’abeille ne connaît point
Vienne sur moi l’essaim
Lumineux et que je meure
Dans les parfums
La prairie gardera le secret
Le vent ne dira rien
Crime parfait
// Anne Perrier Suisse (16/06/1922 – 16/01/2017)
ADIEU
Ô l’ineffable errance
Je passerai sous les merles tranquilles
Je cueillerai les fleurs
Absolues du silence
Je lirai l’heure
À l’horloge immobile
De la perpétuelle enfance
De si loin
De si loin je ne peux
Baigner d’eau tendre vos visages
Le cœur seul voyage
En vain chercherons-nous sur le rivage
En vain chercherons-nous sur le rivage
Une demeure
Nous ne sommes que de passage
Et glissons sur un fleuve à la gorge ouverte
Entre les astres
Le monde est triste ô mes brebis
Le monde est triste ô mes brebis
Le monde est triste on vous égorge
Et le soleil en paix coule son miel
Oh ! les clartés les soleils
Oh ! les clartés les soleils
Les braises de l’enfance
Et tout au bout de nos prairies
Les anges lumineux des rivières
Rappelle-toi nous étions purs
Comme les heures du jour
Quand elles rentrent du bain
Maintenant je le sais
Maintenant je le sais
Ce sont les mille pluies
Les vents errants les brumes
Ce sont les bourrasques de larmes
Le feu le froid
Toute la houle des saisons
Qui font sur l’herbe du soleil
La rose
AIRS GRECS
Sur la route torride
Le crépitement brusque de fuyants sabots
Passe l’antique troupeau
Suivant la flûte invisible du dieu
Et s’enfonce indolente coulée solaire
Dans l’ombre douce des vieux arbres
Ce n’est pas au moment de mourir
Ce n’est pas
Au moment de mourir tous les cris
Déchirants de la terre que j’emporterai
Toutes les larmes non
Mais ce rire d’enfant comme un chevreuil
Qui traverse la foudre