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Citation de Presence


Au début, on était une bande de jeunes enseignantes-chercheuses en sociologie. Certaines avaient fini leur thèse, d’autres non. On était plutôt des spécialistes de la famille, du logement, de l’État. On a dû se mettre à la sociologie du droit et de la justice. Des dizaines d’étudiant.es se sont mis.es à suivre notre séminaire. Une vingtaine chaque année entre 2008 et 2012. Plusieurs ont continué une thèse et sont devenu.es collègues. Avec, hélas, des inégalités de statut importantes : il y a de moins en moins de postes de fonctionnaires, de postes correctement payés dans la recherche. Le principe du séminaire, c’est qu’on menait l’enquête dans les tribunaux ensemble et qu’on discutait ensuite. On essayait toujours d’être au moins deux aux audiences, ce qui permettait de se relayer pour la prise de notes. Une matinée d’audience, ça dure en moyenne trois heures où s’enchaînent une dizaine d’affaires, et parfois, ça va très vite. On avait du mal à suivre. Il fallait garder un silence absolu. Et ce n’était pas toujours facile quand la situation au sein des couples était tendue, ou quand les juges, les avocat.es, les greffier.ères nous prenaient à partie. Être deux permettait de supporter la charge émotionnelle de certaines affaires, de prendre du recul. Et ensuite, on débriefait avec toute l’équipe. En tout, on a été plus d’une cinquantaine à participer à cette enquête. Entre 2008 et 2012, on a assisté à trois centre trente audiences, dans cinq tribunaux différents, partout en France. Ça a donné lieu à la publication d’un ouvrage collectif en 2013, qu’on a signé à onze : Au tribunal des couples. Après la sortie du livre, une partie de l’équipe de recherche a continué l’enquête dans les cours d’appel et dans les cabinets d’avocat.es. Au total, on a fait des interviews avec une vingtaine de juges de première instance ; une dizaine de coseiller.ères de cour d’appel et une cinquantaine d’avocat.es chez qui on a réalisé quarante-cinq observations de rendez-vous avec leurs clientes et clients. Notre idée, c’était de suivre au maximum les dossiers, depuis le cabinet jusqu’au tribunal. Et on a constitué une base de données de quatre mille affaires familiales à partir de dossiers archivés en 2013 dans plusieurs tribunaux sur laquelle on travaille encore. On n’aurait jamais pu faire ça seules, ou même à deux. Et puis, grâce au travail d’équipe, on a pu observer plein de configurations différentes : des juges plus ou moins jeunes ou expérimenté.es, dans des tribunaux très divers, et des justiciables de milieux sociaux variés. Ça nous a permis de faire ce constat : l’absence de prise en considération du travail domestique assuré par les femmes ne joue pas seulement dans le calcul des prestations compensatoires pour les femmes de la bourgeoisie, elle a aussi un impact sur le calcul des pensions alimentaires dans les classes populaires.
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