Au mur, un immense tapa, probablement confectionné par Grand-mère, fait apparaître un requin stylisé. Sur le sol un pē'ue de pandanus est prêt à accueillir le futur tatoué, et différentes boîtes en bois sont soigneusement
rangées sur un meuble bas. Je m’en approche et passe la main sur leur surface polie par le temps.
La première boîte contient plusieurs fioles de bambou fermées par un coton où repose l’encre. Je soulève délicatement le couvercle de la seconde et je découvre les instruments de travail de Grand-père : le martelet et le peigne emmanché. Sa lame dentelée semble taillée dans de l’os. D’autres lames sont disposées à côté. L’une en arête de poisson, une autre probablement en dents
de requin et la dernière en écaille de tortue ; des pièces anciennes qui trouveraient leur place dans un musée.
Mon plan se déroule comme prévu, cependant le trajet dure plus longtemps que je ne le pensais. J’espère que je serai de retour au village avant le lever du jour. Voilà plus d’une heure que je marche à vive allure et j’ai un peu mal aux genoux à force de grimper si rapidement dans les fougères. Je ne dérape qu’une fois, mais quelle glissade ! Je sens mon coeur battre au fil de la montée,
et pas seulement en raison de l’effort physique. J’ai un peu peur aussi. Je me demande si j’ai eu raison de partir seul, sans prévenir personne.
À la sortie de l’avion, l’air m’a paru si pur que je n’ai pas pu m’empêcher d’inspirer profondément pour m’emplir du parfum des Marquises et lorsque j’ai foulé le sol de cette terre, j’ai senti qu’elle me reconnaissait comme l’un des siens.