Je m'en étais sortie. Rien n'avait changé. Mais la pression retomba d'un coup, et j'eus du mal à respirer. D'une façon ou d'une autre, le restaurant était au courant - les gens, peut-être pas , mais les murs, le tintement des verres, les escaliers en marbre... eux savaient quelque chose. J'allais être punie, (...)
On croit garder un secret , mais en réalité, c'est le secret qui nous tient.
Mais ce furent les parfums qui me firent revenir pour de bon à la maison . Des notes éclatantes surnageaient - l'échalote, la citronnelle et le gingembre -, recouvrant un mélange d'odeurs terreuses - les champignons secs et le poivron fumé. Et, depuis la poêle de ma mère, surgir une odeur plus ronde, douce, caramélisée, ajoutée à celle qui provenait du bouillon que mon père avait mis à cuire, du poulet, des carottes, des racines de ceci, des bâtons de cela , et des cosses d'autre chose encore.
Ce dont il avait besoin, c'étaient des preuves . Et tout ce que j'avais , c'étaient des mots.
Mon cœur ne tenait plus qu'à un fil, maintenant, et je serrai sa main à mon tour. C'était ça, tromper ? On aurait dit que l'air frais m'avait quittée et avait été remplacé par une vapeur instable et chaude. Elle pompait toute mon énergie mais me transmettait aussi de nouvelles forces . Je respirais avec fébrilité. Je m'adossai de tout mon poids contre le mur. Un faux mouvement , et je me retrouvais par terre - par terre, ou dans les bras de Pascal...
Un énorme bouquet était accroché au plafond du vestibule ; des bâtonnets creux et pointus se mêlaient à des feuilles d'eucalyptus, à des tiges rétives terminée par de minuscules clochettes, à des fleurs exotiques mauves en forme de nénuphar, à des choux frisés parcourus de veinules pourpres, à des pavots blancs, légers comme une plume et bordés de noir comme une fille gothique avec trop d'eye-liner.
Alors, au lieu de dire à tout le monde que l'on veut ces choses, et porter sa plus belle robe et faire le plus grand sourire, mieux valait se servir directement. et se frayer un chemin au premier rang en jouant des coudes .
La meilleure volonté du monde, ça ne suffit pas.
Je ne voulais plus d'une vie passée à trébucher.
« Bakushan » vient du mot japonais Bakku-shan. Une fille qui semble belle vue de dos, mais qui est laide quand elle se retourne.
Ce plat n’est pas laid du tout, mais il nous offre ce petit choc, ce moment de crainte et d’excitation quand la fille se retourne, et nous dévoile la vérité.
Les gens que j’aimais le plus travaillaient tous dans la cuisine. Ils vivaient cuisine, ils respiraient cuisine, comme moi.