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Citation de Charybde2


Norm se tourna face au Canada et lança un regard noir en direction des collines tape-à-l’oeil à l’est d’Abbotsford, où de gigantesques fenêtres scintillaient telles des piscines verticales. Là-bas, une maison sur trois cultivait de la marijuana à ce qu’on racontait. Vrai ou pas, ça correspondait au sentiment grandissant de Norm : l’économie marchait sur la tête. Alors qu’il avait du mal à joindre les deux bouts avec ses vaches malades, des Canadiens gagnaient des millions en vendant de la drogue et des gamins de Seattle amassaient des fortunes sur Internet et dans des mondes virtuels dont il n’avait pas besoin et qu’il ne comprenait pas. Les millionnaires de Microsoft ? Ça ressemblait à une arnaque de vente par correspondance, et pourtant il entendait sans cesse parler de gamins qui prenaient leur retraite à trente ans. Pendant ce temps, lui n’avait pas le moindre contrôle sur le coût de sa production. Quand le prix du lait augmentait, les gros exploitants s’agrandissaient et les cours chutaient tandis que le coût de tout le reste s’envolait. Taxes foncières. Assurances. Matériel agricole. Absolument tout. Rien que ces deux dernières années le prix des aliments pour animaux avait presque doublé alors que celui du lait n’avait guère bougé depuis des décennies. Il était même inférieur à ce qu’il était en 1984 quand plus de la moitié des exploitations laitières de la vallée s’étaient jetées sur les offres de rachat du gouvernement. Norm aurait dû en faire autant. C’était évident maintenant. Il aurait pu vendre son troupeau quatorze dollars les cent livres puis cultiver des framboises. Il aurait engagé quelques travailleurs clandestins et pris des vacances en hiver – à condition de s’arranger avec sa morale et son patriotisme. Mais ce qui le rendait encore plus marteau que les fermes converties en champs de framboises, c’étaient celles qui devenaient des lotissements ou des ranchs pour parvenus en vacances. Pire que tout, certains snobinards gardaient les granges et les silos au nom d’une nostalgie charitable pour une Amérique qu’ils n’avaient pas connue. Presque la moitié des silos n’étaient pas plus authentiques que les fausses devantures de magasins de ces petites villes de l’arrière-pays qui s’échinaient à exploiter le filon du Far West. Combien de temps faudrait-il encore attendre avant que le spectacle de la vallée ne se limite aux grandes exploitations et à quelques fermes familiales délabrées destinées à amuser les touristes ? Regardez ! Voici Norm Vanderkool qui continue à traire ses vaches à genoux !
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