"Un jour de chance" est un recueil de nouvelles de Hyun Jin-geon (1900-1943), maître coréen du genre.
"Un jour de chance", "Une société qui pousse à boire", "L?Incendie"? À travers ces grands classiques de la nouvelle coréenne, Hyun Jin-geon dépeint d?un regard à la fois tendre et perspicace la psychologie des gens du peuple, essayant tant bien que mal de survivre dans la Corée des années 1920. Pleins de bonté et de simplicité, parfois aussi victimes de leurs faiblesses, ces personnages profondément humains ? pour le meilleur et pour le pire ? résistent à la misère du quotidien avec abnégation et générosité. Nous plongeant au c?ur de leur situation et nous faisant prendre part à leurs choix, Hyun Jin-geon livre ici, avec violence parfois, mais toujours avec l?authenticité des grands artistes, un témoignage touchant et saisissant de la société de son époque.
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Grâce à la pluie venue il y a trois jours et qui a fait le bonheur des paysans, tout ce qu'il y a de rizières est rempli d'eau ; dans la brume matinale on dirait du mercure, et les plants de riz repiqués sont d'un vert tendre et semblent se frotter les yeux mal réveillés.
Grâce à la pluie venue il y a trois jours et qui a fait le bonheur des paysans, tout ce qu'il y a de rizières est rempli d'eau ; dans la brume matinale on dirait du mercure, et les plants de riz repiqués sont d'un vert tendre et semblent se frotter des yeux mal réveillés.
Le soir était tombé sur le temple. Au sommet du mont Toham, qui soutenait sur ses épaules le ciel pastel, des nuages gris clair avaient éclos comme des boules de coton ; la forêt de pins ondoyait sur le flanc de la montagne tel un flot d'huile verte ; l'eau de l'étang, devant le temple, ne pouvait contenir sa joie, malgré l'absence de vent, et caressait les rivages de pierre en dispersant son écume comme des nymphéas blancs.
« Il ne reste plus beaucoup de fleurs... » Ces mots hantèrent Juman comme le refrain d’un chant triste. La tragédie de la vie d’une fleur, arrachée par le vent et tombant seule dans la nuit, sans personne pour s’en rendre compte ‒ cela lui brisait le cœur… Etait-ce son destin ?
(…) Juan, elle, pensait encore à la fleur ; soudain, elle sentit sa gorge se nouer : « Si elle flétrit après une belle floraison, c’est malheureux mais elle n’a rien à regretter. Ce qui est pire, c’est un bourgeon qui tombe sans avoir pu éclore... »
(p. 129-130, Chapitre 57).
Ah ! quelle belle journée ! Regardez les branches du caroubier dans la brise, ses feuilles vertes qui dansent comme si elles voulaient s’envoler dans le ciel…
(p. 19, “Le Journal et la prison”).
Le soir était tombé sur le temple. Au sommet du mont Toham, qui soutenait sur ses épaules le ciel pastel, des nuages gris clair avaient éclos comme des boules de coton ; la forêt de pins ondoyait sur le flanc de la montagne tel un flot d’huile verte ; l’eau de l’étang, devant le temple, ne pouvait contenir sa joie, malgré l’absence de vent, et caressait les rivages de pierre en dispersant son écume comme des nymphéas blancs. Les vaguelettes hésitaient comme si elles ne savaient où aller ; quelques-unes reculaient et disparaissaient ; d’autres, décidant de se diriger plutôt vers les ponts Cheongun et Yeonhwa, se précipitaient sous l’arche Hongye puis tournaient sur elles-mêmes et s’évanouissaient, comme prises de vertiges.
(p. 25, Chapitre 6).
De plus en plus souvent, dans la lumière du crépuscule filtrant à travers la fenêtre, je remarquais ses yeux embués et lourds de soucis. Dans de tels moments, des sentiments indescriptibles surgissaient en moi :
« Chérie ! »
Elle détournait la tête en sursaut et essuyait ses larmes avec un pan de sa jupe.
« Oui ? »
Sa voix semblait si fragile que j’étais parcouru d’un frison, comme si l’on m’avait versé de l’eau glacée dans le dos. Étant par ailleurs enclin à m’accabler moi-même, je me disais que tout était de ma faute, que j’étais un incapable, et cela me rendait le tout encore plus insupportable. Cependant, malgré toute ma compassion, je me surprenais aussi à maugréer tout seul :
« Ces bonnes femmes sont vraiment impossibles. »
La femme poussa un cri comme si elle venait de tout perdre. C'est comme si la disparition du bruit, l'évanouissement de ses pas provoquaient à la fois l'arrêt de son cœur et de son esprit. Ses yeux ne font que regarder fixement le brouillard nocturne, comme si elle tentait d'imaginer le visage de cette société malfaisante.
D'une traite, il avait donné la dernière main au deuxième niveau de la pagode et avait commencé à dégrossir le bloc destiné au troisième. Le son des outils, tantôt languissant, tantôt pressé, résonnait dans tout le temple. Pour Asadal, le jour et la nuit avaient cessé d'exister.
C'est l'alcool qui me fait quelque chose. L'alcool me réchauffe les tripes. Il me fait oublier tout ce qui ne tourne pas rond dans ma tête. C'est la seule chose qui me fait du bien. L'ivresse j'y tiens.