- Les gens qui se noient dans les livres de développement personnel sont souvent en quête de sens. Ceux qui sont prêts à croire aux théories du complot ne font plus confiance à leurs proches ni au monde qui les entoure.
J'essayais toujours - dans la mesure du possible - de faire mine de ne pas être touchée par ce genre de comportement puéril, mais c'est un mensonge. J'étais profondément affectée.
- De nouvelles plantes vont pousser à partir de cette tige, et la tête va former de nouvelles racines. Les deux seront aussi fortes, voire plus qu'avant, Le cycle continue.
- Les humains se brisent aussi, parfois. Une expérience difficile, un évènement douloureux, un traumatisme... Mais avec le temps, avec un peu de thérapie et d'amour, on arrive à renaître, comme ces plantes.
- Ok vous êtes une vraie psy, ai-je plaisanté.
- Je te l'avais dit.
Tout bien réfléchi, j'avais commencé à perdre ma mère ce jour-là.
Le jour où les colombes ont pleuré.
Désolé, je ne peux pas.
Désolé, je ne peux pas.
Désolé, je ne peux pas.
Peu importait combien de temps je fixais le message gribouillé, le sens restait le même. Je le levai en l’air en espérant, en priant pour que le soleil révèle les autres mots qui auraient été écrits à l’encre invisible.
Mais rien n’apparut.
Seulement cinq petits mots… et pourtant, ils avaient le pouvoir de faire s’écrouler le monde qui m’entourait en un instant. Brisé, fracassé, explosé en un million de petits morceaux. Oui, c’était aussi dramatique que ça !
Je finis par réussir à décoller mes yeux du message et à fixer les visages terrifiés de ma belle-sœur et mes deux meilleures amies. Elles me regardaient comme si j’étais une star qui allait s’effondrer, se raser la tête, puis crever les yeux de quelqu’un avec son parapluie. Elles avaient l’air très inquiètes. Comme si j’étais une bombe à retardement qui s’apprêtait à exploser.
Et elles avaient raison.
C’était le cas.
Tic. Tac.
J’étais prête à sombrer dans la folie. Je la sentais essayer de m’aspirer comme un trou noir engloutissant tout sur son passage. Combattre cette force d’attraction était presque au-dessus de mes forces.
Avais-je au moins envie de la combattre ?
Que se passerait-il si je me laissais aller ? Je savais que j’étais en état de choc, noyée dans une sorte de sentiment d’hébétement, de détachement. Mais je sentais aussi les autres émotions hostiles monter à la surface et lutter pour prendre le contrôle.
Je clignai des yeux. Ils piquaient.
J’essayai d’ouvrir la bouche pour prendre la parole. Elle était sèche et rien n’en sortit.
Je regardai mes meilleures amies Sue et Val, mes rocs ; les deux personnes sur lesquelles j’ai toujours pu compter… Rien. Pas un mot. Juste l’horreur.
Je connaissais la cruauté qui sommeillait en elle. Elle me rappelait le rouge de cadmium, une couleur intense adorée des artistes tels que Matisse, Cézanne et Bacon, mais profondément toxique. Mortelle. Étais-je la seule à m’en apercevoir ?
Quand tu reconnaîtra ta propre valeur, tu t'éloigneras de ceux qui ne la voient pas.
J'ai fixé mon reflet d'un regard noir. Le reflet m'a fixé en retour. Froid et implacable. Je n’avais qu’une envie : briser son jugement glacé, comme il avait l’habitude de me briser moi.
D’après Léonard de Vinci, admirer sa propre œuvre dans le miroir permet de l’étudier comme si il s’agissait de celle d’un autre artiste, et d’analyser ses défauts avec objectivité.
Il n'y a pas de juste milieu pour nous dans cette société. Un juste milieu où les gros pourraient exister en tant que personnes, sans être moqués, ni sexualisés.