Author Series | Johan Eklöf | The Darkness Manifesto
Le terme « pollution lumineuse », qui désigne toute lumière superflue ayant un fort impact sur nos vies et nos écosystèmes, a été forgé au départ par les astronomes. Il est repris aujourd'hui par tous les écologistes, les physiologistes et les neurologues qui étudient les effets de la disparition de la nuit, car cette disparition ne concerne plus seulement les étoiles et les insectes, mais tout ce qui vit, y compris nous, les humains.
De toutes les étoiles que nous devrions être capables de distinguer à l’œil nu, il ne reste pour la plupart d'entre nous qu'un petit 0,5 %. Le reste a été absorbé par la lumière artificielle, a disparu derrière le rideau brouillé des activités humaines. Les étoiles sont bien là, mais plus pour nous.
Le rythme circadien, qui se rencontre chez tous les êtres vivants, se modifie lorsque la lumière reste allumée vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Les principaux concernés sont bien sûr les animaux nocturnes, mais toute vie est influencée, à tous les niveaux.
Le réchauffement climatique et la lumière artificielle reprogramment l'horloge biologique interne des végétaux, au risque de rompre l'équilibre fragile entre fleurs et pollinisateurs, entre végétaux et herbivores, entre insectes nuisibles et prédateurs. Même si la température n'augmente que de 1 ou 2 degrés et que le crépuscule n'est décalé que de quelques instants, le timing entre la floraison et ceux qui s'en nourrissent peut être perturbé.
La lumière artificielle peut prolonger ou raccourcir le temps de reproduction, accélérer la ponte, influer sur la métamorphose, c'est-à-dire la transformation des larves en nymphes, puis en individus adultes. La lumière peut modifier les conditions de chasse et de pollinisation, ainsi que la possibilité même de s'alimenter, de fuir, de migrer, bref, tous les aspects d'une vie d'insecte.
Les images par satellite montrent de façon extrêmement concrète l'expansion du monde urbanisé, et la lumière qui en découle constitue l'un des symboles les plus puissants de l'anthropocéne.
Pas moins d'un tiers de tous les vertébrés et presque deux tiers de tous les invertébrés sont des animaux nocturnes. C'est donc après notre endormissement, le soir, que se produit l'essentiel de l'activité de la nature, accouplements, chasse, dégradation et pollinisation.
Le cycle jour-nuit est en principe le facteur le plus stable de l'écosystème global, mais, depuis l'invention de la lumière artificielle, c'est de moins en moins le cas.
La nuit est notre amie, tout simplement. nous nous reposons dans son calme et sa beauté subtile. Elle nous inspire, bien au delà de la Voie Lactée et des lointaines lumières de l'univers. Il y a encore de la vie dans l'obscurité, alors récupérons-la et profitez-en.
La nuit n'est pas le monde des humains ; nous ne sommes là qu'en visite.