Rencontre avec Joël Jouanneau (lecture par Joël Jouanneau)
UNN. Dans le couloir du palais, des gouttes d'eau coulaient sur les murs partout autour de moi. J'ai pensé que c'était mes larmes. Que j'étais enfermée dans la chambre des larmes.
L'enfant: Mais tu me coupes dans mon élan.
Aldébaran: Stoppe je dis.
Et il greine, Aldébaran
Et il retien le gamin
Et il met pied à terre
Et l'autre doit en faire autant.
L'enfant: Pourquoi tu as fait ça?
Aldébaran: C'est Lourmel en bas.
Et Lourmel j'y vais pas.
L'enfant: Mais...
Aldébaran: J'y vais pas!
Il pose son vélo
Et regarde Lourmel en bas
Un gros bourg, Lourmel
Presque une ville
L'enfant, lui, se tait, fâché.
Aldébaran: Allez petit, on rebrousse.
T'en as assez vu pour aujoud'hui.
L'enfant: J'ai pas envie.
Aldébaran: Soupe au lait!
Ce matin, tu ne voulais pas sortir.
Maintenant tu ne veux plus rentrer.
L'enfant: On allait gagner.
Aldébaran: On leur a montré qu'on pouvait.
L'enfant: Et ça te suffit, toi?
Aldébaran: Oh oui.
L'enfant: Oui?
Aldébaran: Oh que oui.
Oh que oui que ça me suffit.
Moi j'me rentre, pourquoi, ça t'va pas?
T'es contrarié?
Tu voulais quoi?
Me suivre jusqu'à l'arrivée?
Me doubler dans les trente derniers mètres, lever la main droite et franchir la ligne en criant: "Gagné!" Ramasser le bouquet et embrasser miss Lourmel après avoir serré la main du maire, du préfet et de toutes les autorités? C'est ça?
Aldébaran : Ton tour viendra...
L'enfant: Pourquoi qu'tu marmonnes?
Aldébaran : Parce que !
L'enfant: Mais parce que quoi?
Aldébaran: Parce que, parce que, parce que ... parce que regarde devant toi!
Le raidillon, là!
La côte aux oiseaux, vermisseau!
Un nid d'aigle pour toi!
Alors tiens-toi comme il faut, rectifie la position, lève le nez pour commencer, lève le nez, oui, et redresse-toi, mains en haut du guidon, allez allez, pas de discussion!
L'enfant: Te fâche pas!
Aldébaran: Qui c'est qui t'a dit que je me fâchais? Mais pour grimper au sommet, faut savoir jouer du braquet, petit, et sur le faux plat, tu mets seize dents derrière et trente-six devant!
Allez, allez, exécution!
L'enfant: Mais...
Aldébaran: Y a pas de mais, je connais le métier!
On tire donc sur le dérailleur
On resserre les cale-pieds
Et, côte à côte, on grimpe au train
Lentement
Du silence longtemps
On est concentré
Puis ça sifflote dans les branches.
Mais hélas le jour où elle devoir m'apprendre la dure conjuguaison du verbe disparaître, elle pas être là et je la voir plus jamais.
Et puis un soir de trop grande fatigue je décider de ne plus vagabonder ma vie et de seulement l'écrire sur une page blanche, et, ô surprise, quand je vouloir tremper la plume je revoir la si belle petite fille du fin fond des montagnes de l'Auvergne, et elle être au fin fond de mon encrier. Depuis elle m'apprendre à conjuguer le verbe écrire.
Dernier jour avant le premier.