La prostitution n’est pas un simple arrangement privé entre deux individus, c’est une institution sociale qui organise la marchandisation de l’intime, le pouvoir de l’argent sur le sexe d’autrui, et qui autorise les hommes à mépriser l’autonomie des femmes et des jeunes en tant que sujets désirants. Délégitimer l’achat du consentement sexuel est un enjeu de civilisation, humaniste et féministe
L’achat de services sexuels est bien un viol-location, un abus de pouvoir sur l’intimité d’autrui déguisé en une transaction marchande entre partenaires supposés égaux. Le consentement de la personne prostituée est le consentement acheté à un rapport de domination
Le sexe n’est pas une activité anodine, comme peut l’être un travail manuel ou intellectuel quand il est fait dans de bonnes conditions. Chez les humains, les rapports sexuels non désirés sont profondément perturbants, le plus souvent traumatisants ; ils provoquent souvent une impression d’étrangeté à soi-même. Si la loi caractérise le viol, même sans lésions physiques, comme une violence, ce n’est pas seulement au titre de l’absence de consentement de la victime, mais aussi parce que c’est une intrusion dans son intimité sexuelle qu’on lui impose.
La menace prostitutionnelle fait partie de la « normalité » de la condition des femmes, et des pauvres. C’est à cette banalité de l’achat de « services sexuels » qu’il faut mettre fin
Paradoxalement, c’est peut-être en ne faisant pas de la prostitution une cible des aides et de la politique sociale, que l’on peut mieux aider les prostituéEs à gérer leur sortie de la prostitution et à ne pas tomber dans d’autres formes de dépendance comme les emplois aidés sous-payés
L’idée d’abolition de la prostitution désigne donc plutôt une utopie agissante, un objectif dont la réalisation exigerait d’importants changements idéologiques et économiques dans la société, changements qui eux-mêmes sont à inventer
La libération des femmes ne passe pas seulement par l’égalité des droits, mais aussi par la construction d’une autonomie personnelle et collective dans leur vécu de leur corps
il n’est pas contradictoire d’agir à la fois pour des politiques sociales et des lois incitant les prostituéEs à abandonner la prostitution, et contre toute stigmatisation et toute réglementation discriminatoire à leur encontre
En réalité le paiement représente d’abord l’achat d’un consentement non désiré, un dédommagement monétaire pour un abus sexuel. C’est cela que masque l’expression travail du sexe : la prostitution est d’abord un viol-location
La liberté est la capacité concrète à construire soi-même son chemin de vie, et elle passe par l’autonomie affective dans le vécu de son corps et de ses désirs