AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de zenzibar


Je regarde le SS qui braque sur moi son pistolet mauser, le doigt sur la gâchette. Il va hurler. Mais je ne vois nulle part l’ombre de la mort. (…)
Je regarde le SS et je ne vois autour de lui que des images de la vie. Il me semble que le hêtre s’est dépris de son linceul de neige. Il me semble que des ruisseaux printaniers se sont mis à murmurer dans cette colline figée par le gel. On dirait même que j’entends le bourdonnement estival des insectes.
Je regarde le SS et je vois les visages halés, les yeux rieurs des enfants blonds qu’il va avoir. Je vois la silhouette de la femme aux jambes fermes, aux hanches matriarcales, au regard lisse, qui lui donnera ces enfants. J’entends même une musique de piano quelque part : une sorte de sonatine.
Je regarde le SS j’ai envie de rire. J’ai envie de lui crier :
« Laisse tomber mon vieux, ne te fatigue pas, tu ne fais pas le poids ! Jamais tu ne pèseras le poids de la fumée légère de la mort. Ce n’est pas encore pour aujourd’hui, ce n’est pas l’heure. »
Alors pour mettre fin à cette situation qui commence à devenir ridicule, avec ce lourdaud de SS qui se prend pour le destin et qui n’est qu’un père de famille bien convenable, je me mets au garde–à-vous je crie mon matricule, je me présente, l’œil fixé dans le vague, dans le néant aveugle du ciel pâle où il n’y a pas le moindre signes annonciateur de la mort.
Je veux dire : de ma mort. La cheminée du crématoire, elle, fume toujours calmement. »
(…)
-Pourquoi t’es tu écarté de la route ? me demande t-il.
Je le regarde bien en face. Il faut qu’il voie l’innocence de mon regard.
-A cause de l’arbre, Hauptsturmeführer ! lui dis-je.
Ça aussi, je sais que c’est un bon point pour moi, que je lui donne exactement le grade qu’il a dans la hiérarchie SS. Ils n’aiment pas qu’on s’emmêle les pieds dans la complication de leurs grades les SS.
-L’arbre ? me dit-il.
-Il y avait un arbre un peu isolé, un hêtre, très bel arbre. J’ai pensé tout à coup que ça pouvait être l’arbre de Goethe, je me suis approché.
Il a l’air très intéressé.
-Goethe ! s’exclame t-il. Vous connaissez l’œuvre de Goethe ? J’incline la tête modestement.
Il m’a dit « vous », peut-être sans s’en rendre compte. Le fait que je connaisse l’oeuvre de Goethe l’a fait changer de ton, instantanément.
C’est beau la culture, quand même.
Commenter  J’apprécie          83





Ont apprécié cette citation (3)voir plus




{* *}