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Citations de Jorge Semprun (455)


Sur la place d'appel de Buchenwald, un jour de mois de mars 1992, je me suis récité à voix basse le poème d'Aragon (Chanson pour oublier Dachau)

Il y a dans ce monde nouveau tant de gens
Pour qui plus jamais ne sera naturelle la douceur
Il y a dans ce monde ancien tant et tant de gens
Pour qui toute douceur est désormais étrange
Il y a dans ce monde ancien et nouveau tant de gens
Que leur propre enfants ne pourront pas comprendre

Oh vous qui passez
Ne réveillez pas cette nuit les dormeurs
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Une sorte de malaise un peu dégoûté me saisit aujourd'hui à évoquer ce passé. Les voyages clandestins, l'illusion d'un avenir, l'engagement politique, la vraie fraternité des militants communistes, la fausse monnaie de notre discours idéologique : tout cela, qui fut ma vie, qui aura été aussi l'horizon tragique de ce siècle, tout cela semble aujourd'hui poussiéreux : vétuste et dérisoire.
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Je suis emprisonné parce que je suis un homme libre, parce que je me suis vu dans la nécessité d'exercer ma liberté, que j'ai assumé cette liberté. (p.54)
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Sans doute la mort est-elle l’épuisement de tout désir, y compris celui de mourir.
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Je jette toujours un coup d'œil sur les bibliothèques des gens chez qui je suis invité. Il me semble que je suis parfois trop cavalier, trop insistant ou inquisiteur...
Mais les bibliothèques sont passionnantes, parce que révélatrices. L'absence de bibliothèques aussi, l'absence de livres dans un lieu de vie, qui en devient mortel.
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[…] il n’y a pas de mot en français pour saisir d’un seul trait la vie comme expérience d’elle-même. Il faut employer des périphrases. Ou alors utiliser le mot « vécu », qui est approximatif. Et contestable. C’est un mot fade et mou. D’abord et surtout, c’est passif, le vécu. Et puis c’est au passé. Mais l’expérience de la vie, que la vie fait d’elle-même, de soi-même en train de la vivre, c’est actif. Et c’est au présent, forcément. C’est-à-dire qu’elle se nourrit du passé pour se projeter dans l’avenir.
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Ai-je été trop peu disponible ? Ou trop peu généreux ? Ai-je manqué une occasion de tendresse, de douceur féminine ? Ça m'est arrivé, dans ma jeunesse, de manquer ces choses-là. L'orgueil de la solitude, de la différence, vous joue des tours, souvent.
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Il doit avoir mon âge, quelques années de plus. Je pourrais sympathiser.
Il me regarde, effaré d'effroi.
Qu'y a-t-il dis-je irrité sans doute cassant. Le silence de la forêt vous étonne autant ?
Il tourne la tête vers les arbres alentour. Les autres aussi. Dressent l'oreille. Non, ce n'est pas le silence. Ils n'avaient rien remarqué, pas entendu le silence. C'est moi qui les épouvante, rien d'autre, visiblement.
Plus d'oiseaux, dis-je, poursuivant mon idée. La fumée du crématoire les a chassés, dit-on. Jamais d'oiseaux dans cette forêt...
Ils écoutent, appliqués, essayant de comprendre.
- L'odeur de chair brûlée, c'est ça !
Ils sursautent, se regardent entre eux. Dans un malaise quasiment palpable. Une sorte de hoquet, de haut-le-cœur.

(Slow²Reading & lecture de la page http://wp.me/p5DYAB-1Dw)
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Au bout de la troisième méprise, cet homme dont nous avons toujours ignoré la véritable identité, la profession réelle, nous faisait de grands gestes lorsque nous tombions sur lui, dans l'un de ces endroits. Il nous criait : "Je ne suis pas Jean-Paul Sartre !" de la table à laquelle il était installé. Pour semer le troubler dans l'esprit de Claude-Edmonde, je prétendais que Sartre était un simulateur plutôt pervers, assez génial de surcroît; il se déguisait en sosie de Sartre pour qu'on lui fichât la paix.
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ça n'avait rien de surprenant que la mort parlât yiddish. Voilà une langue qu'elle avait bien été forcée d'apprendre, ces dernières années. Si tant est qu'elle ne l'eût pas toujours sue (p. 46).
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(Derniers jours de Buchenwald)

Certes, nous n'étions pas des milliers. Nous n'étions que quelques centaines de déportés en armes. (...)
Mais nous, Français, Russes, Allemands, Espagnols, tous les survivants européens- sauf les Polonais, je viens de dire pourquoi-, tous ceux qui avaient obéi aux directives du Comité militaire clandestin, en haillons, en armes, "hungry looking", comme l'ont écrit Fleck et Tenenbaum, faméliques, nous étions là, en rangs serrés, en marche vers Weimar, ville toute proche dont le nom évoquait tant de choses pour beaucoup d'entre nous.
(...)
Dans la première vague, armée de fusils et de mitraillettes, il n'y avait que des combattants chevronnés, à l'expérience militaire indiscutable. La plupart d'entre eux étaient des anciens des Brigades internationales de la guerre d'Espagne. Des Français de la XIVe, parmi lesquels mon copain Fernand Barizon. Des Allemands de la Thaelmann. Des Italiens de la Garibaldi. Et ainsi de suite. Quant aux Polonais de la Dombrowski, ils encadraient les jeunes maquisards partis volontairement sur les routes de l'évacuation.
Autour de ce noyau de brigadistes, il y avait des combattants de toute l'Europe: rescapés des Glières ou du Vercors, survivants de la guérilla dans les montagnes de la Slovaquie, les forêts des Carpates, l'immensité russe.
La deuxième vague c'étaient nous, les porteurs de bazookas.
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Et puis n’oubliez pas la remarque de Hannah Arendt : aucune réflexion théorique n’aura jamais la richesse de sens d’une histoire bien racontée !
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Les S.S. n'achètent pas notre force de travail, ils nous l'extorquent, simplement, par les moyens de la contrainte la plus dénuée de justification, par la violence la plus pure. Car l'essentiel, c'est que nous sommes de la main d'oeuvre. Seulement, comme notre force de travail n'est pas achetée, il n'est pas économiquement nécessaire d'assurer sa reproduction. Quand notre force de travail sera épuisée, les S.S. iront en chercher de nouveau.
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Un rêve à l'intérieur d'un autre rêve, sans doute. Le rêve de la mort à l'intérieur du rêve de la vie. Ou plutôt : Le rêve de la mort, seule réalité d'une vie qui n'est elle-même qu'un rêve. Primo Levi formulait cette angoisse qui nous était commune avec une concision inégalable. Rien n'était vrai que le camp, voilà. Le reste, la famille, la nature en fleurs, le foyer, n'était que brève vacance, illusion des sens.
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Je cherche la région cruciale de l'âme où le Mal absolu s'oppose à la fraternité.
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On peut toujours tout dire, le langage contient tout. On peut dire l’amour le plus fou, la plus terrible cruauté. On peut nommer le mal, son goût de pavot, ses bonheurs délétères. On peut dire Dieu et ce n’est pas peu dire. On peut dire la rose et la rosée, l’espace d’un matin. On peut dire la tendresse, l’océan tutélaire de la bonté. On peut dire l’avenir, les poètes s’y aventurent les yeux fermés, la bouche fertile…

(Folio, p.26)
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[ Sur Semprun, rescapé de Buchenwald]
- On peut dire que t'en as, de la chance, toi!
C'est une phrase que l'on m'a souvent dite, au long de ces années. Une constatation que l'on a souvent faite. Sur tous les tons, y compris celui de l'animosité. Ou de la méfiance, du soupçon. Je devrais me sentir coupable d'avoir eu de la chance, celle de survivre, en particulier. Mais je ne suis pas doué pour ce sentiment-là, si rentable pourtant, littérairement.
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J’aurais dû être d’autant plus attentif que je savais fort bien, après trois mois d’expérience, à quel point le bonheur de vivre m’était fragile. A quel point il me fallait m’efforcer de tout mon cœur pour m’y tenir. Je savais déjà que mon appétit de vivre, l’avidité qui me poussait à brûler les journées par les deux bouts, à faire de cet été du retour une saison de nuits blanches, je savais que cette vitalité-là ne m’évitait pas d’être vulnérable.
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Jorge Semprun
L'ironie et la tolérance sont les axes cardinaux des grands esprits.
(cité par Youssef Abbas in "Bleu Blanc Brahms" éd. J. Chambon p. 52)
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Jorge Semprun
Sans doute est-ce ce soir-là, en 1939, entre les deux guerres de mon adolescence, j'ai pu pour la première fois - il y en eut tant d'autres, depuis, et dans des circonstances tellement variées ! -, constater la sorte de bonheur, quasiment palpable, physique, qui suscite dans le genre humain le fait de chanter en chœur. Parce que le cœur y est, probablement, qu'on y met du cœur.

Adieu, vive clarté ...
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