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Citation de Olaf


Je me sentais seul et abandonné en montant la tente, et me morfondais sur moi-même en étendant des peaux de rennes en guise de lit. Je m’étais échiné pendant deux ans à l’école de navigation pour participer à cette expédition au nord-est du Groenland. J’avais rêvé du « hameau des sourires heureux », d’entraide et de camaraderie, pas d’un bonhomme acariâtre et narcoleptique comme Urban Olsen. Pour chasser la morosité, j’attrapai dans mon sac une bouteille d’eau-de-vie islandaise. J’avais à peine enlevé le bouchon qu’une voix à l’extérieur lançait : « Dis, t’aurais pas un petit schnaps sous le coude ? »
Je me retournai et vis la face barbue dans l’ouverture de la tente. A la vue de la bouteille, une large faille se fit au milieu de la barbe, et des dents brillèrent dans un sourire ravi.
« Quel sacré putain de hasard ! éructa le bonhomme. On dirait bien une bonne bouteille. Pure sorcellerie.
- La Mort Noire », le renseignai-je.
Il avait l’air plutôt sympathique quand il souriait. Urban hocha la tête et tendit la main.
« Pas goûté un tel alcool du commerce depuis le départ de l’expédition estivale l’an dernier, dit-il d’une voix presque solennelle. Puis-je ? »
Il but longtemps. Si longtemps qu’il dut finalement s’interrompre pour respirer un peu. Il me rendit la bouteille non sans quelque réticence, et je bus une gorgée. Il hocha la tête d’un air approbateur.
« Voilà qui est malin. Faut le boire petit à petit, du moins tant qu’on n’est pas totalement rompu aux habitudes islandaises. Tu dois passer l’hiver ? »
J’acquiesçai, et le regardai, un peu surpris, boire de nouveau, à la bouteille, comme je bois du lait. Un peu essoufflé, il reprit :
« Ça devrait aller. C’est pas sûr que tu chopes le vertigo, même si ça touche la plupart des gens.
- Le vertigo ?
- Une sorte de maladie de printemps, dit-il. Après un bon hiver bien noir, le printemps peut être difficile. Le soleil, la chaleur, les chants d’oiseaux, tout ça. Alors les gens commencent à avoir des sensations et le vertigo. Fais gaffe au printemps, et tout devrait bien se passer. La première année, c’est la pire. La deuxième et la troisième, ça va déjà mieux, même si ça passe moins vite que la première. La quatrième année, tu veux plus rentrer chez toi.
- Tu es ici depuis quatre ans ? demandai-je ?
- Et des poussières », dit-il en hochant la tête.
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