— Bonjour, monsieur le sniper ! Non, ne vous retournez pas, pas encore ! Seulement quand je vous le dirai !
La voix était féminine, plutôt jeune. Pas une once de crainte malgré son apparente méfiance.
— Non ! S'il vous plaît laissez vos mains bien visibles. Merci. Ne vous retournez pas encore. Je vous écoute. Qu'est-ce que vous manigancez ici ? Et d'abord pourquoi entre autres ce vide animalier autour de vous, si on excepte votre mastodonte ?
— Bonjour aussi mademoiselle. Excusez-moi, mais en quoi ma présence vous regarde-t-elle de près ou de loin ? Je n'ai pas pour habitude de rendre des comptes ! Qui êtes-vous ? Savez-vous que votre curiosité peut en l'occurrence vous coûter très cher ?
— Des menaces ? Je le crois pas ! Si vous croyez m'intimider, alors là sachez monsieur le sniper que je pratique suffisamment d'arts martiaux pour vous empêcher de me nuire… Au fait, je vous imagine sans armes, j'ai raison, j'espère .
— Ce n'étaient pas des menaces mademoiselle, juste des paroles amicales pour informer quelqu'une de curieux en grand danger. Je ne suis pas manchot et pourrai vous le démontrer beaucoup plus brutalement que vous ne le pensiez.
— Non ! Pas pour l'instant en tout cas... Retournez-vous doucement ! Dans le calme et la circonspection, vous allez tout bien m'expliquer.
Blonde avec des yeux verts de chatte siamoise. Une lueur d'amusement enfantin sur les pupilles contrastait avec la dureté de ses traits contractés. Trentaine épanouie. Plutôt musclée, d'une souplesse de squale, en position de repli.
— Non ! S'il vous plaît laissez vos mains bien visibles. Merci. Ne vous retournez pas encore. Je vous écoute. Qu'est-ce que vous manigancez ici ? Et d'abord pourquoi entre autres ce vide animalier autour de vous, si on excepte votre mastodonte ?
— Bonjour aussi mademoiselle. Excusez-moi, mais en quoi ma présence vous regarde-t-elle de près ou de loin ? Je n'ai pas pour habitude de rendre des comptes ! Qui êtes-vous ? Savez-vous que votre curiosité peut en l'occurrence vous coûter très cher ?
— Des menaces ? Je le crois pas ! Si vous croyez m'intimider, alors là sachez monsieur le sniper que je pratique suffisamment d'arts martiaux pour vous empêcher de me nuire… Au fait, je vous imagine sans armes, j'ai raison, j'espère .
— Ce n'étaient pas des menaces mademoiselle, juste des paroles amicales pour informer quelqu'une de curieux en grand danger. Je ne suis pas manchot et pourrai vous le démontrer beaucoup plus brutalement que vous ne le pensiez.
Mardi 16 h 30, le matos, il l'avait planqué, seul, pas très loin du pas de tir, en cas d'urgence, durant cette nuit glacée particulièrement venteuse. Fido pendant ce temps avait été muselé et solidement attaché avec une chaîne adéquate. À 200 mètres du rendez-vous, seul encore, il a longtemps inspecté les environs, rien ! D'où ça pourrait venir ?
— Bonjour, monsieur le sniper ! Non, ne vous retournez pas, pas encore ! Seulement quand je vous le dirai !
La voix était féminine, plutôt jeune. Pas une once de crainte malgré son apparente méfiance.
— Non ! S'il vous plaît laissez vos mains bien visibles. Merci. Ne vous retournez pas encore. Je vous écoute. Qu'est-ce que vous manigancez ici ? Et d'abord pourquoi entre autres ce vide animalier autour de vous, si on excepte votre mastodonte ?
— Bonjour aussi mademoiselle. Excusez-moi, mais en quoi ma présence vous regarde-t-elle de près ou de loin ? Je n'ai pas pour habitude de rendre des comptes !
Un détail cependant le chiffonna en ce début de deuxième semaine, tandis qu'il s'approchait prudemment de son pas de tir. Un bout de papier dépassait légèrement de sa pierre stratégique. Tout en sortant ses petites jumelles longues distances, poussant du pied doucement la pierre, il fouilla des yeux les alentours en pesant chaque centimètre. Le papier, une feuille de journal enroulée sur elle-même, venait d'un très vieux La Voix du Nord. Il s'en saisit après avoir vérifié la neutralité de l'ensemble, et put constater que certains mots étaient entourés de rouge. Un peu comme un caviardage, à la manière de l'Oulipo, ne put-il s'empêcher de penser avec un sourire contraint. En reliant l'ensemble cela faisait :
Vous ai repéré. Viens ici observer oiseaux. Pourquoi fusil ? Chien ? Allers venues de Ste C à Dannes ? Vous attends demain 17h m endroit. Sans fusil ni chien. Sinon police.
Fido n'eut aucun mal à trouver les preuves matérielles d'une présence mystérieuse pas très loin d'ailleurs du pas de tir. Dans le sable tassé mécaniquement était dissimulé un grand trou cylindrique tapissé, au fond, d'un grand sac en plastique noir, pouvant accueillir une personne debout, quasiment recouvert par deux planches de bois flotté. Et tout autour des traces de pas, quelques-unes effacées, et l'emplacement délimité par trois petits trous ressemblant aux traces encore fraîches d'un quelconque trépied. Un télescope ? Une longue vue ? Un ou une ornithologue amateur ? Un ou une voyeur ? Un ou une artiste ? Il avait trouvé aussi un restant d'aquarelle bleue dans une minuscule boîte en plastique… Ses pensées en tout cas étaient vautrées dans un camaïeu de gris. Fido hurlait des sons joyeusement inhabituels.
Il avait beaucoup de mal à s'expliquer l'enthousiasme qui le portait à fréquenter encore des associations caritatives pour des actions ponctuelles mais abouties. Surtout après toutes ses années de galère dans l'écologie.
C'était sans doute pour cette raison qu'il avait choisi en premier lieu la police avec une très haute responsabilité. Traquer la saloperie, quelque soit son contexte social, lui fournissait suffisamment de satisfaction intime pour justifier à ses yeux une fonction aussi peu compatible avec ses idées d'anar. En fait, en sous main, Raymond réglait des comptes, et alimentait les faits divers irrésolus : disparitions sporadiques de hauts et bas dignitaires dont la veulerie n'égalait que le fort degré de toxicité écologique pour une société dite humaine.
Il aimait à rappeler qu'il avait été maoïste vers dix-sept ans, au grand dam de ses parents d'ailleurs, simplement pour semer le trouble en hauts et bas lieux. Il faut dire que Natacha, la chef de section des rouges était belle comme une héroïne de Dostoïevski, avec en plus un cul galbé comme celles que croque le dessinateur Manara. Et sur ce point son père était forcément d'accord ! Les affiches polychromes sinologiques des mao français ne l'emmenaient paradoxalement pas très loin de son enfance maternelle, dans les corons ouvriers. Sauf qu'il se retrouvait souvent dans des manifs qui gueulaient dans la fumée lacrymogène des propos d'adultes politisés et que tout le monde en vrac était son ennemi : les Cocos, les Trotskos, les Fachos, les Roycos.
Raymond Garcia Lopez s'imposait ces remarques d'option plutôt philosophique, surtout pour son hygiène mentale, tandis qu'il ouvrait la troisième lettre consécutive annonçant la venue, et donc l'incruste inopinée, d'ex-collègues, petits cousins par alliances lointaines, y compris d'anciens copains velléitaires. C'était incroyable mais depuis bientôt deux semaines qu'ils avaient intégré leur « Villa » en bordure de mer, héritée en dépit du bon sens familial, faute de légataire sans doute éclairé, et à la suite de quiproquos en cascades, Raymond et Claudine accusaient réception d'une vingtaine d'annonces franches concernant l'intention manifeste d'apporter en ces lieux exotiques la présence chaleureuse de compatriotes « désintéressés. »
On l'avait contacté comme d'habitude par petite annonce codée dans le Canard Enchaîné.
[ Cherche Erri. Sous quinzaine150. Dannes 000. P d Calais. 17h et 19h. Plage 130 m. Short r signal E…]
Traduction : buter un mec en short rouge à Dannes pour 150 000 Euros, 15 jours pour le faire à partir d'aujourd'hui, à 130 m de la plage, entre 17h et 19h.
Et donc, chaque jour depuis une semaine, il venait entre autres exhaler une fumée cubaine en terre nordiste, frissonner des extrémités pourtant protégées par des mitaines en cuir de chevreau, et scruter à travers le viseur embué les pins dansants sur les dunes.
De toute sa carrière de sniper free lance patenté, c'était bien la première fois qu'on lui avait laissé si peu d'indices. Du rouge, et un éclaireur hystérique. Pas de photos. Pas de mensurations. Pas de date fixée, sinon une fourchette temporelle d'une quinzaine de jours, en fonction surtout de la météo, et de deux heures en fonction d'un emploi du temps de ministre pourri de travail vénal... Un lieu précis, la sortie du dernier virage. Tout au plus lui avait-on laissé deviner que le sportif en question était de cette race de patron aux dents longues, aux repentirs courts.