La Rime riche
Fureur de bien rimer, que ne fais-tu point faire ?
Que de plumes par toi s’en vont, tout de travers.
Chercher je ne sais où, pour achever le vers,
Un mot dont le bon sens n’avait aucune affaire !
Un vocable naïf me serait nécessaire :
Mais non, si l’on est pris de cet amour pervers,
Pour mieux doter la rime, on change d’hémisphère,
Et l’on rapporte un mot grand comme l’univers.
Sans cette escrime-là, dit-on, l’esprit se rouille ;
Il faut, pour bien tirer, être un peu ferrailleur.
Je ne sais si le mot est sincère ou railleur ;
Mais je hais un esprit qui dans le jeu s’embrouille ;
Et, lorsqu’au bout du vers je n’attends qu’une fleur,
Je n’aime pas du tout y voir une citrouille.