Et ceux-là, que Dieu nous pardonne, sont parmi les plus favorisés de ce peuple. Ce ne sont pas les pauvres d'Irlande, qui sont presque démunis de tout. « Les plus vils mendiants ont en abondance la chose la plus misérable », dit le barde ; mais il n'en va pas ainsi au pays torturé de Connaught. A l'ouest de cette province, beaucoup de gens ne possèdent presque rien, et bien souvent littéralement rien. Quelques-uns parviennent à gratter de quoi traverser la mer d'Irlande ; à Liverpool ou bien à Londres, ils se font embobiner par des « agents d'immigration » sans scrupule qui rôdent au milieu d'eux comme des sangsues et des voleurs ; qui leur prennent dans certains cas jusqu'à leurs vêtements ; ou bien ils prennent les outils dont un homme a besoin pour gagner dignement, selon les lois de la nature, le pain de sa famille ; et qui en retour les embarquent nuitamment sur un vaisseau, en leur faisant miroiter des richesses imaginaires sur une terre pleine de promesses.