Mal baisée, mal baisée… C’est vrai qu’elle s’en est vite lassée. Philippe n’était pas né que déjà elle éprouvait du ressentiment pour cette bête violacée qu’une mécanique bien huilée faisait se dresser, hiver comme été ; qu’on fût gai ou qu’on fût triste.
(Du roman "Les persiennes," page 195)
Margot est furieuse. Son cœur est déchiré, son orgueil piétiné, pourtant elle n’arrive pas à s’arracher à cette traînée. Depuis le temps qu’elle se la représente, que sans se l’avouer elle souhaite la croiser, sans parler des efforts dispensés pour grappiller des renseignements – mon Dieu quelle humiliation, en être là, réduite à quémander des informations sur une moins que rien, une putain, moi, moi sainte Margot.
(Du roman "Les persiennes", page 115)
— Tu crois que j’ai quelque chose à leur dire à tes collectionneurs, à tes gros bonnets, tes critiques, tes journalistes ? Je ne parle pas des modèles ! Pourtant je les reçois.
— Parce que tu es gentille. Moi je ne suis pas gentil.
— Et tu penses que c’est drôle pour moi d’aller toujours toute seule ? Tu pourrais bien faire un effort de temps en temps.
— La vie est trop courte.
— C’est pour ça que tu menaces de te suicider à tout bout de champ !
— Je refuse de la passer avec tes marchands de soupe. Un point, c’est tout.
(Du roman "Les persiennes", page 158)
Elle ne doit pas compter sur ses enfants. Ils sont grands, mariés, ils ont leur propre vie, leurs soucis. Pas sur ses amies, ses amies sont toutes pressées : ou bien leur mari les attend, ou bien il ne va pas tarder, celui-là risque d’appeler… Ah ! les femmes sont sans pitié, qui ne cessent de répéter qu’elles ont un homme, elles ! dont elles doivent s’occuper. Pour un peu elles s’en plaindraient. Il y en a, oui qui poussent le bouchon jusque-là. Pendant ce temps, vous, vous vous évertuez à ce qu’un déjeuner occupe toute une journée et quand il vous faut vous lever pour aller aux toilettes, vous pensez : c’est toujours ça de gagné sur cette journée, saleté de journée qui n’en finit pas de s’achever. Il y a les week-ends. Les longs week-ends. Le mois de mai est terrible, terrible. Et les vacances : Pâques, Noël, l’été !
L’atelier étant au-dessus de l’appartement. Inconvénient : Margot, les enfants, les copains des enfants, les amis de Margot, tout le monde est écrasé. Et quand un des garçons, par exception, reçoit l’ordre de monter, on le sent gêné, il se met à gigoter comme s’il allait se noyer, il ressort dès qu’il peut, descend l’escalier posément, soucieux de ne pas perdre la face.
Ainsi la famille vivotera, dans l’ombre du Maître, suspendue au moindre souffle de l’atelier que sans se l’avouer elle s’est, depuis longtemps, mise à détester.
« La femme abandonnée doit se contenter d'exister. »