Ce qui étonne, c’est que Bergotte, comme proche ami de Swann, se met à en dire du mal en voiture, avec beaucoup de finesse, de détachement, de facilité, au jeune garçon qui le voit pour la première fois. Bergotte donne l’occasion à Proust d’étudier avec cet esprit lucide et juste toutes les faiblesses, toutes les petites et grandes lâchetés, tous les mensonges si souvent rencontrés chez les artistes. Nous voyons dans les volumes suivants Bergotte vieilli, à l’époque de sa plus grande renommée, avec sa force créatrice en extinction. Maintenant, quand il écrit des livres de plus en plus rares, de moindre qualité, écrits avec infiniment plus d’efforts et avec ces sentiments de joie et nécessité intérieure bien affaiblis, il aime à répéter la phrase suivante : « Je pense qu’en écrivant ces livres j’ai été utile à mon pays » , phrase qu’il ne disait jamais du temps de ses chefs-d’oeuvre.