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Citation de Pecosa


Un tailleur de pierre charitable, habitant d'une cabane nichée entre les montagnes, me fit une petite place dans le coin de l'étable où il mettait sa mule, une bête criblée de puces qui partagea avec moi se hôtes, mais aussi un peu de sa chaleur presque humaine. La fatigue fut plus forte que les démangeaisons des piqures, et je m'endormis. A Cerbère, les douaniers français, sous prétexte de réprimer la contrebande, dépouillaient les exilés espagnols des quelques objets de valeur qui leur restaient. Personne ne me dépouilla car je ne portais rien, hormis mon manteau infesté de puces.
Je baisai la terre de France, au goût âcre et glacial, d'une humidité très antique qui semblait monter de je ne sais quelles catacombes. Les jambes engourdies, titubante et au bord de l'inanition, j'arrivai aux abords de Perpignan, où une famille de quakers avait arrêté sa charrette et attendait les réfugiés pour leur distribuer quelques paroles de consolation et un sandwich destiné à tromper les ventres creux. Je pris celui que me tendaient des mains gantées de lividité et d'engelures, c'était un simple quignon de pain étouffant une sardine à l'escabèche au goût rance et vinaigré, mais qui fut pour moi pure ambroisie. Je tournai une dernière fois mon visage du côté de l'Espagne, ce désert à peine visible entre les falaises de neige au sein desquelles mes illusions étaient demeurées captives, et je pleurai sa perte, et je pleurai de rage et de dépit, brusquement consciente de n'avoir plus de patrie. Trente ans allaient passer avent que je puisse à nouveau fouler le sol qui m'avait vue naitre.
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