– « Vous êtes heureux de pouvoir consacrer votre vie à
l’art ! »
Elle entend vraiment que je voue ma vie à l’art, la lui dédie
et sacrifie. Elle me croit un peu prêtre et me complimente sur
ma vocation.
Faut-il lui dire que je n’en ai pas ? que je « compose » des
vers aux heures perdues, parce que papa me sert provisoirement
une petite rente, et que j’entretiens habilement ses illusions ? Il
veut faire de moi quelqu’un, et se saigne jusqu’à ce qu’il dé-
couvre en son fils un paresseux vulgaire et rebouche ses quatre
veines une fois pour toutes.
– « D’ailleurs, dit Monsieur Vernet, qui suit sa propre pensée et côtoie la mienne, le devoir d’un père n’est-il pas de s’ôter
le pain de la bouche pour ses enfants ? »
C’est juste, mais répugnant, et si le mien s’ôtait le pain de la
bouche pour me l’offrir, je le prierais poliment de l’y rentrer.