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Citation de martineden74


Sous sa direction, la commission du travail continue de mettre en place les mesures sociales de la Commune. Il y a notamment la suppression du travail de nuit des boulangers, ce qui ne va pas sans difficultés : un premier arrêté est publié par le Journal officiel le 21 avril, puis le 24 avril un arrêté de Frankel pour que le texte précédent soit appliqué à partir du 27 avril ; pourtant, le 27 avril il est nécessaire que soit publiée une affiche signée Frankel allant dans le même sens, et le lendemain une affiche de la commission exécutive qui fixe l’application à partir du 3 mai.
Cela ne constituait pas une décision venue « d’en haut », mais la satisfaction d’une revendication portée par les mobilisations des travailleurs en question. On a vu que déjà un an plus tôt, Frankel était présent lors d’une réunion syndicale de boulangers, qui avait mis en avant cette exigence. Le 6 avril, une assemblée générale d’ouvriers boulangers l’adopte de nouveau et mandate des délégués pour qu’ils demandent à la Commune de l’appliquer. Plusieurs centaines d’entre eux ­viendront d’ailleurs le 16 mai à l’Hôtel de Ville remercier la Commune de cette mesure. Ils y sont alors « reçus par les citoyens Frankel, Fortuné et Longuet, qui ont prononcé quelques paroles vivement applaudies ». Pourtant, la mesure fit débat au sein du Conseil de la Commune : lors de la séance du 28 avril, plusieurs élus font état de plaintes de la part de patrons boulangers. Billioray considère que « c’est une question dans laquelle nous n’avions pas à nous immiscer et qui regarde seulement les parties intéressées ». Dans le même sens, Viard ajoute que « nous n’avons pas à intervenir dans une question entre patrons et employés ». Au contraire, Avrial et Varlin soutiennent le décret. Frankel prend ensuite la parole, pour défendre la mesure tout en considérant que le décret avait le défaut de ne pas expliciter ses raisons :
« On aurait dû expliquer à la population quels étaient les motifs qui nous faisaient prendre cette mesure. […] Il faut expliquer pourquoi vous faites cet échange de travail de nuit en travail de jour. Il faut dire pourquoi la classe des ouvriers boulangers est la plus malheureuse des prolétaires. […] On dit tous les jours : le travailleur doit s’instruire. Comment voulez-vous vous instruire, quand vous travaillez la nuit ? »
En fin de discussion, Frankel soutient à nouveau le décret :
« Je le défends, parce que je trouve que c’est le seul décret véritablement socialiste qui ait été rendu par la Commune ; tous les autres décrets peuvent être plus ­complets que celui-là, mais aucun n’a aussi complètement le caractère social. Nous sommes ici non pas seulement pour défendre des questions de municipalités, mais pour faire des réformes sociales. Et pour faire ces réformes sociales, devons-nous d’abord consulter les patrons ? Non. Est-ce que les patrons ont été consultés en 92 [1792] ? Et la noblesse a-t-elle été consultée aussi ? Non ! Je n’ai accepté d’autre mandat ici que celui de défendre le prolétariat, et, quand une mesure est juste, je l’accepte et je l’exécute sans m’occuper de consulter les patrons. La mesure prise par le décret est juste, or nous devons la maintenir. »
On a souvent écrit que cette mesure était d’ampleur bien modeste ; on voit qu’elle suscita pourtant d’importantes oppositions au sein même du Conseil de la Commune. Les élus les plus avancés, le plus souvent membres de l’AIT, ne pouvaient donc certainement pas faire plus en l’état des choses.
Par ailleurs, faire adopter un décret ne suffit pas à garantir son application. Le 3 mai, il est donc décidé que les patrons boulangers qui maintiendraient le travail de nuit verraient leur pain saisi et « mis à la disposition des municipalités, au profit des nécessiteux ». Frankel écrit ensuite à toutes les mairies d’arrondissement :
« Ci-joint les affiches publiant les décrets et arrêtés de la Commission du Travail et de l’Échange supprimant le travail de nuit chez les boulangers ;
Veuillez, je vous prie, faire afficher ces affiches dans chaque boutique de boulanger et veiller à l’exécution entière de ces décrets. »
Mais la commission du travail et de l’échange écrit aussi à la chambre syndicale des ouvriers boulangers, à l’origine de la mesure :
« C’est à vous, citoyens, de veiller à l’exécution de nos arrêtés en ce qui concerne les détails techniques et surtout bien vous rappeler que la Commune a le devoir de rechercher tous les moyens qui peuvent émanciper les travailleurs, mais elle ne doit pas les leur imposer. »
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