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Biographie :

Auteur d'une biographie de Fernand Loriot et de deux ouvrages consacrés à l'opposition internationaliste à la guerre de 1914-1918, Julien Chuzeville s'est proposé de revenir sur la création du Parti communiste français, à l'approche du centenaire de sa naissance en décembre 2020.

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Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
Quand l'Union des républiques socialistes soviétiques est proclamée en 1922, la fiction qu'elle serait “socialiste“ remplace le constat de son système économique réel : le nom même d’URSS est donc un mensonge. Fernand Loriot, principal fondateur du Parti communiste en France, écrit ainsi en 1928 : “L'URSS n'est ni U (union), ce qui suppose la libre adhésion des parties composantes, et une certaine autonomie de ces parties ; ni R (république), puisque c'est une dictature centralisée, évoluant toujours davantage vers la dictature personnelle ; ni S (socialiste), puisque le socialisme reste à construire en Russie et que les concessions de plus en plus importantes faites au capitalisme, ne permettent pas, dans la situation mondiale présente, d’en escompter la réalisation ; ni S (soviétique), car les Soviets ne constituent plus en Russie la pierre d'assise du régime.
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Sous sa direction, la commission du travail continue de mettre en place les mesures sociales de la Commune. Il y a notamment la suppression du travail de nuit des boulangers, ce qui ne va pas sans difficultés : un premier arrêté est publié par le Journal officiel le 21 avril, puis le 24 avril un arrêté de Frankel pour que le texte précédent soit appliqué à partir du 27 avril ; pourtant, le 27 avril il est nécessaire que soit publiée une affiche signée Frankel allant dans le même sens, et le lendemain une affiche de la commission exécutive qui fixe l’application à partir du 3 mai.
Cela ne constituait pas une décision venue « d’en haut », mais la satisfaction d’une revendication portée par les mobilisations des travailleurs en question. On a vu que déjà un an plus tôt, Frankel était présent lors d’une réunion syndicale de boulangers, qui avait mis en avant cette exigence. Le 6 avril, une assemblée générale d’ouvriers boulangers l’adopte de nouveau et mandate des délégués pour qu’ils demandent à la Commune de l’appliquer. Plusieurs centaines d’entre eux ­viendront d’ailleurs le 16 mai à l’Hôtel de Ville remercier la Commune de cette mesure. Ils y sont alors « reçus par les citoyens Frankel, Fortuné et Longuet, qui ont prononcé quelques paroles vivement applaudies ». Pourtant, la mesure fit débat au sein du Conseil de la Commune : lors de la séance du 28 avril, plusieurs élus font état de plaintes de la part de patrons boulangers. Billioray considère que « c’est une question dans laquelle nous n’avions pas à nous immiscer et qui regarde seulement les parties intéressées ». Dans le même sens, Viard ajoute que « nous n’avons pas à intervenir dans une question entre patrons et employés ». Au contraire, Avrial et Varlin soutiennent le décret. Frankel prend ensuite la parole, pour défendre la mesure tout en considérant que le décret avait le défaut de ne pas expliciter ses raisons :
« On aurait dû expliquer à la population quels étaient les motifs qui nous faisaient prendre cette mesure. […] Il faut expliquer pourquoi vous faites cet échange de travail de nuit en travail de jour. Il faut dire pourquoi la classe des ouvriers boulangers est la plus malheureuse des prolétaires. […] On dit tous les jours : le travailleur doit s’instruire. Comment voulez-vous vous instruire, quand vous travaillez la nuit ? »
En fin de discussion, Frankel soutient à nouveau le décret :
« Je le défends, parce que je trouve que c’est le seul décret véritablement socialiste qui ait été rendu par la Commune ; tous les autres décrets peuvent être plus ­complets que celui-là, mais aucun n’a aussi complètement le caractère social. Nous sommes ici non pas seulement pour défendre des questions de municipalités, mais pour faire des réformes sociales. Et pour faire ces réformes sociales, devons-nous d’abord consulter les patrons ? Non. Est-ce que les patrons ont été consultés en 92 [1792] ? Et la noblesse a-t-elle été consultée aussi ? Non ! Je n’ai accepté d’autre mandat ici que celui de défendre le prolétariat, et, quand une mesure est juste, je l’accepte et je l’exécute sans m’occuper de consulter les patrons. La mesure prise par le décret est juste, or nous devons la maintenir. »
On a souvent écrit que cette mesure était d’ampleur bien modeste ; on voit qu’elle suscita pourtant d’importantes oppositions au sein même du Conseil de la Commune. Les élus les plus avancés, le plus souvent membres de l’AIT, ne pouvaient donc certainement pas faire plus en l’état des choses.
Par ailleurs, faire adopter un décret ne suffit pas à garantir son application. Le 3 mai, il est donc décidé que les patrons boulangers qui maintiendraient le travail de nuit verraient leur pain saisi et « mis à la disposition des municipalités, au profit des nécessiteux ». Frankel écrit ensuite à toutes les mairies d’arrondissement :
« Ci-joint les affiches publiant les décrets et arrêtés de la Commission du Travail et de l’Échange supprimant le travail de nuit chez les boulangers ;
Veuillez, je vous prie, faire afficher ces affiches dans chaque boutique de boulanger et veiller à l’exécution entière de ces décrets. »
Mais la commission du travail et de l’échange écrit aussi à la chambre syndicale des ouvriers boulangers, à l’origine de la mesure :
« C’est à vous, citoyens, de veiller à l’exécution de nos arrêtés en ce qui concerne les détails techniques et surtout bien vous rappeler que la Commune a le devoir de rechercher tous les moyens qui peuvent émanciper les travailleurs, mais elle ne doit pas les leur imposer. »
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Frankel figure parmi les militants les plus avancés de l’AIT, en faveur de l’égalité femmes-hommes notamment. Il cosigne ainsi un « Appel aux ouvrières » avec les dirigeantes de l’Union des femmes, structure créée début avril notamment par les militantes de l’AIT Nathalie Le Mel et Élisabeth Dmitrieff. Jeune Russe – elle a 20 ans à peine – et militante de la section suisse de l’Internationale,(...). Elle joue en tout cas un rôle moteur pour développer et transformer le travail des femmes, initiatives que relaie naturellement Frankel puisqu’elles vont dans le sens de ce qu’il souhaite mettre en place : développement de coopératives et de syndicats, afin d’assurer l’auto-organisation des travailleurs et des travailleuses.
En mai, Frankel propose la mise en place d’ateliers coopératifs et demande aux mairies d’arrondissement d’en confier l’organisation à l’Union des femmes. Il envoie la circulaire suivante :
« Les comités de l’Union des femmes sont chargés par la commission du Travail et de l’Échange de faire les études préparatoires pour l’organisation d’ateliers coopératifs où les citoyennes trouveront un travail qui leur permette de subvenir à leurs besoins.
En attendant qu’un budget spécial soit voté par la Commune pour la création de ces ateliers, ce qui n’est plus qu’une formalité, je vous serais obligé de bien vouloir accorder aux citoyennes dont les noms suivent la solde de 2 francs par jour.
Ce ne sera que la rénumération [sic] équitable des services qu’elles sont appelées à rendre, ce sera leur faciliter les moyens de nous aider dans l’œuvre commune, en leur enlevant la préoccupation de besoins matériels.
Salut & fraternité
Le délégué au département du Travail et de l’Échange
Léo Frankel »

Est jointe à ce courrier la liste des militantes de l’Union des femmes de l’arrondissement concerné. Cette démarche intervenant peu avant la chute de la Commune, le processus n’eut pas le temps de produire de véritables résultats. On notera tout de même que la solde en question était supérieure à celle des gardes nationaux.
Frankel est aussi à l’initiative d’un autre projet en faveur des femmes. En effet, une proposition manuscrite signée de Frankel, Arnaud, Malon et Melliet est écrite de la main de Frankel :
« Considérant que l’égalité est un des principes fondamentales [sic] de la République
Décrète
Article unique
Toutes les femmes dites illégitimes des gardes nationaux qui n’ont pour soutien que leur mari recevront la même indemnité journalière qui est allouée aux femmes légitimes. »
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Si Marx écrit que la Commune a été « une révolution contre l’État lui-même », lui donnant ainsi une signification bien plus radicale que la majorité des communards, il semble avoir en même temps conscience que ce n’était là qu’une potentialité. Il ajoute donc que
« la Commune n’est pas le mouvement social de la classe ouvrière, ni par conséquent la régénération générale de l’humanité, mais seulement le moyen organisé de son action. La Commune ne supprime pas les luttes de classes, par lesquelles la classe ouvrière s’efforce d’abolir toutes les classes […], mais elle fournit le milieu rationnel dans lequel cette lutte de classe peut parcourir ses différentes phases de la façon la plus rationnelle et la plus humaine ».
Dans cette perspective, la Commune n’est donc pas en tant que telle la révolution sociale ; elle serait plutôt la révolution politique qui fournit le meilleur cadre possible pour lutter en faveur d’une future révolution sociale.
Frankel, Dmitrieff et Serraillier sont – pour autant que l’on sache – les seuls communards au printemps 1871 à connaître et approuver les conceptions de Marx. Les qualifier de « marxistes » à cette date serait cependant problématique, car ni le mot ni la chose n’existaient alors. Par ailleurs, d’autres militants de l’AIT pouvaient rejoindre Marx au moins sur de nombreux points, quoique sans le connaître et sans avoir lu autre chose que ses textes anonymes au nom du conseil général. Il est en revanche important de noter que les deux élus de la Commune qui étaient politiquement les plus proches de Marx furent tous deux membres de la minorité antiautoritaire.
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Frankel déclare qu’il faut « garantir le travail contre l’exploitation à outrance » (rapport présenté au Conseil de la Commune en mai), son objectif politique n’en reste pas moins de supprimer le travail salarié, donc l’exploitation du travail en tant que telle – et non seulement ses excès. En militant conséquent de l’Internationale, Frankel défend en pratique le principe inscrit par Marx dans ses statuts : « L’émancipation des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes. » D’où l’appel aux associations ouvrières, aux syndicats, pour prendre l’organisation du travail en main ; d’où le fait qu’il favorise et qu’il compte sur l’auto-organisation des travailleurs pour changer les rapports de production. Parlant bien plus tard dans un article de l’action de sa commission, Frankel écrira que « la Commission du travail avait déjà bien entamé des travaux préliminaires concernant la mise en place de boulangeries et d’ateliers de tailleurs coopératifs, etc., et plus largement en vue d’un passage progressif du mode de production capitaliste à un mode de production coopératif.
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Léo Frankel explique dans une lettre à Kautsky, le 23 juin 1883, les raisons de son départ de Budapest :
« J’ai eu une question importante à traiter, celle de mon existence. Certes, j’aurais pu la résoudre facilement ; il me suffisait de vouloir reprendre mon ancienne position de rédacteur au Arbeiter-Wochen-Chronik ainsi que celle de “leader”, mais cette volonté m’a fait défaut, car – pour être franc – j’en ai assez de vivre des “sous des travailleurs”. J’ai été un “général”, sans l’avoir recherché, pendant suffisamment longtemps […]. Mes amis ont eu beau chercher à me faire reprendre mon ancien poste, mais ayant moins l’ambition de jouer un “rôle” que de servir notre cause de toutes mes forces – que je suis tout sauf disposé à dépenser en bagarres avec de prétentieux bougres et des têtes creuses se prétendant “radicaux” –, j’ai rejeté toutes les demandes. Et comme il m’était par ailleurs impossible de trouver à Budapest un poste convenable […], j’ai pris la décision de venir ici. »
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Frankel (...) célèbre dans son journal l’anniversaire de la Commune, écrivant que la révolution commencée le 18 mars 1871
« ne fut pas seulement une révolution de plus, s’ajoutant à tant d’autres, elle fut essentiellement une révolution nouvelle, nouvelle par l’objectif qu’elle essayait d’atteindre, nouvelle parce qu’elle fut une révolution ouvrière. […] Son but était de mettre fin à l’exploitation de l’homme et à la domination de classe. […] Malgré les imprécations des prêtres, les menaces ou les sarcasmes de la classe dirigeante, malgré toutes les misères, tous les dangers, le grand idéal qui animait les combattants de la Commune continuera à se répandre jusqu’au jour où il conduira les opprimés à la victoire finale et réalisera la libération de la classe ouvrière. […] Pour nous le 18 mars est l’annonciateur d’une société nouvelle, d’un monde nouveau ! »
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Frankel est de nouveau délégué au congrès socialiste international suivant, à Zurich en août 1893. Véritable internationaliste en acte, Frankel est au fil des congrès le représentant de différents pays : en 1893, il est indiqué dans une liste comme délégué de l’Allemagne, dans l’autre comme délégué de la France, en tout cas mandaté par le Deutscher sozialdemokratischer Leseklub. Il prend la parole le 9 août, pour proposer un amendement concernant la lutte pour la réduction du temps de travail à huit heures maximum par jour : afin que cette limitation devienne déjà une réalité pour certains travailleurs, il préconise que les contrats publics des mairies socialistes prévoient que ces salariés ne dépassent pas cette limite. Frankel avait déjà fait cette proposition pendant la Commune, et comme vingt-deux ans plus tôt elle n’est pas adoptée.
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En juillet 1889, Frankel est délégué au congrès socialiste international tenu à Paris, qui sera considéré comme l’acte de reconstitution de l’Internationale. Il figure d’abord parmi ceux qui lancent l’appel à participer à ce « congrès international ouvrier socialiste », étant le seul signataire de la Hongrie, qu’il représente au nom du « parti ouvrier socialiste », selon l’appel. Lors du congrès lui-même, Frankel est le principal représentant du Parti ouvrier hongrois. À 45 ans, il est déjà un vétéran, survivant de la répression versaillaise, emprisonné dans plusieurs pays pour ses idées révolutionnaires, ancien dirigeant de l’AIT.
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Rompant avec le patriotisme de nombreux communards, Nostag se prononce au cours du mouvement pour un véritable internationalisme :
« Les patries ne sont plus que des mots […]. Naître ici ou là, seul fait du hasard, des circonstances, change notre nationalité, nous fait amis ou ennemis ; répudions cette loterie stupide […]. Que la patrie ne soit plus qu’un vain mot – une classification administrative sans valeur ; – notre pays est partout, où l’on vit libre, où l’on travaille. Peuples, travailleurs, la lumière se fait ; que notre aveuglement cesse, sus aux despotes, plus de tyrans. La France est morte, vive l’humanité ! »
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