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Citation de enkidu_


Les traces qui subsistent - rien que dans la pierre la plupart du temps - de certaines grandes civilisations des origines renferment souvent un sens rarement compris (...) on pense à ce qu'étaient, jusqu'à des époques relativement récentes, la Chine et l'Inde, et jusqu'à hier le Japon lui-même. Mais, en général, plus on remonte le temps, plus on ressent la vigueur, l'universalité et la puissance de ce type de civilisation, au point que l'Orient finit par être vu comme la partie du monde où, pour des circonstances fortuites, ce type a pu subsister plus longtemps et se développer mieux qu'ailleurs. Dans ce type de civilisation la loi du temps semble être en partie suspendue. Plus que dans le temps, ces civilisations semblent avoir vécu dans l'espace. Elles ont eu un caractère « achronique ».

Selon la formule aujourd'hui en vogue, ces civilisations auraient donc été « stationnaires », « statiques » ou « immobilistes ». En réalité, ce sont les civilisations dont même les vestiges matériels semblent destinés à vivre plus longtemps que toutes les créations ou tous les monuments du monde moderne, lesquels, sans exception, sont impuissants à durer plus d'un demi-siècle et à propos desquels les mots « progrès » et « dynamisme » signifient seulement une soumission à la contingence, au mouvement d'un incessant changement, d'une rapide ascension et d'un déclin tout aussi rapide et vertigineux (...) ces civilisations furent des civilisations de l'être. Leur force se manifesta justement dans leur identité, dans la victoire qu'elles obtinrent sur le devenir, sur l'« histoire », sur le changement, sur l'informe fluidité. Ce sont des civilisations qui descendirent dans les profondeurs et qui y établirent de solides racines, au-delà des eaux périlleuses en mouvement.
(...)
Les premières donnent le vertige par leur fièvre de mouvement et de conquête de l'espace, génératrice d'un arsenal inépuisable de moyens mécaniques capables de réduire toutes les distances, de raccourcir tout intervalle, de contenir dans une sensation d'ubiquité tout ce qui est épars dans la multitude des lieux. Orgasme d'un désir de possession ; angoisse obscure devant tout ce qui est détaché, isolé, profond ou lointain ; impulsion à l'expansion, à la circulation, à l'association, désir de se retrouver en tous lieux - mais jamais en soi-même (...) à l'inverse, les civilisations traditionnelles donnent le vertige par leur stabilité, leur identité, leur fermeté intangible et immuable au milieu du courant du temps et de l'histoire : si bien qu'elles furent capables d'exprimer jusqu'en des formes sensibles et tangibles comme un symbole de l'éternité. Elles furent des files, des éclairs dans le temps ; en elles agirent des forces qui consumaient le temps et l'histoire. De par ce caractère qui leur est propre, il est inexact de dire qu'elles « furent » - on devrait dire, plus justement et plus simplement, qu'elles sont. (chapitre I)
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