Un soleil radieux frappait de plein fouet la surface du fleuve et semblait incendier la pièce de huit nattes. Réverbérés par le miroir des eaux, ses rayons irisaient d'ondes dorées le papier des cloisons coulissantes et l'innocent visage de la jeune endormie. Portes hermétiquement closes, Seikichi, son matériel à la main, resta un bon moment assis sans bouger sur les nattes, plongé dans le ravissement. Pour la première fois, il pouvait jouir profondément de l'étrange physionomie de cette fille. Il avait l'impression qu'il pourrait, assis là dans cette pièce, se recueillir devant ce visage immobile dix ans, un siècle, sans jamais connaître la satiété. De même que le peuple de l'antique Memphis avait orné de pyramides et de sphinx la majesté de la terre et du ciel de l'Egypte, ainsi Seikichi s'apprêtait-il à parer des couleurs de son amour l'épiderme virginal de cette beauté humaine.
[Le Tatouage]