Poésie - L'araignée - Kamal ZERDOUMI
Dans ma valise
la tombe de ma mère
les quartiers de mon enfance
un peu de cette terre
qui apaise mon errance
l'eucalyptus et l'hibiscus
pour exorciser
le marronnier et le platane
et leur tristesse qui damne
Dans ma valise
Les sourires et les voix
de la poignées de vivants
qui comptent pour moi
et figent le temps
et la fin du vertige
marier passé et présent
Afrique et Europe
un même continent
Pendant longtemps , j'ai écrit de façon intermittente . L'insouciance , l'inconstance et l’imprévoyance étaient mon credo . je voulais être poète mais peinais à trouver ma voie ; Mes textes n'étaient que des " joliesses " comme le dit si bien Michel Deguy des textes de poètes qui n'en sont pas .
Semblable tâtonnement aura duré des années , mon premier recueil publié , en février 2005 , s'intitulait " Au gré de la lumière " . Titre qui en dit long sur celui qui méconnaissait le sens du projet poétique . Cependant , ce recueil contenait quelques beaux textes au sein desquels vivait le poète latent .
Je suis né à Casablanca , d'un père algérien , avocat et d'une mère juive séfarade , femme au foyer . Après avoir vécu alternativement en France puis au Maroc , où j'ai exercé le métier d'instituteur de 1999 à 2003 , je vis maintenant à Paris depuis 2004 .
À un grand homme
Dans l’empire de l’infiniment petit
humble savant
blanchi sous le harnais
soudaine ta redécouverte
d’un remède ancien
fait de toi le rival inédit
de ton soleil marseillais
Le fléau planétaire
qui
ennemi inconnu
nous sidère
semble sur le point
d’être mis à mort
grâce à un homme
qui de la recherche
a fait son sacerdoce
et son Graal
Tant pis si
dans la capitale
l’on râle
Didier Raoult
« l’iconoclaste «
refuse de se soumettre
aux faux dieux de la science
Tant pis.
Partout dans le monde
l’espérance
oeuvre de ce mage
en blouse blanche
parcourt le corps
et le cerveau
du genre humain
(2020)
À ma femme
Quand ton esprit ravagé
reverdira
et que ton regard troublé
par l’égarement
retrouvera le chemin
de l’oasis d’antan
Quand les voix
qui te hantent
se tairont à jamais
et que le monde exilé
sera de nouveau
ton familier
Quand le temps d’aimer
frappera à notre porte
après sa longue absence
les transes
et ta démence
Je te reconnaîtrai enfin
Ô ma noyée d’aujourd’hui
sauvée par la grâce
de demain
et sans dire un seul mot
congédierai mon chagrin
kamal Zerdoumi, 2018
Cauchemar
Dans ta chevelure où dansait la lumière
ondule cette étrange nuit
au mouvement silencieux
froissement des hautes herbes de l’innocence
et ce venin qui l’éteint
Riposte une pluie d’écailles incendiaires
sur les édifices
S’élève des tas de gravats
la fumée des sacrifices
Israël ou Gaza
l’horreur en partage
L’Homme au cerveau reptilien
pourchasse le Sage
De quoi sera fait demain ?
Kamal Zerdoumi, Octobre 2023
A ma fille
Après le sentier et la poussière
nous voici parmi
les plantes immobiles
dans cette préface
à la vallée
cernés
par un silence parfait
« C’est le paradis ici ! »
Ce cri de l’innocence
me libère
des rets de la vieillesse
Texte écrit à Casablanca en 2018
Parcours
De la main lisse à la main fripée
une vie s’est écoulée
De l’insouciance à la peur
de la chasse aux papillons
à celle de nos démons intérieurs
le piège s’est refermé
Dans la nuit de nos erreurs
s’élève un cri :
personne ne l’entend
même si
tout est silencieux
C’est cela être vieux
Des hommes pour la plupart
martyrs du hasard
par une nuit sans lune
sur des esquifs de fortune
commencent leur fuite incertaine
organisée par le passeur
alliance d'argent et de haine
On raconte qu'il est une terre
remède à leur malheur
où la satiété est reine
Femme , enfant , père et mère
laissés dans leur contrée lointaine
attendront
que par ces héros
l'abondance advienne
A vous qui faites ripaille
sourds aux damnés de la faim
à vous qui livrez
une inégale bataille
à ceux qui vous tendent la main
accueillez dans vos forteresses
un peu de leur grande tendresse .
Toi
Quand j’ai soif
d’enfance et de soleil
sur la mer
c’est toi que je vais voir
lieu où se donnent rendez-vous
pêle-mêle
en un joyeux désordre
la liberté des souvenirs
et l’éternité des morts
Attiré par tes lumières
qui chassent
la sidération de vivre
je vois et entends passer
les comètes
de ton omniprésence
Le divin parle
en toi
et ses oracles
me rassurent
Mémoire mon refuge
qui malgré la cruauté des jours
sans cesse me fait
ses déclarations
d’amour
En classe
Pendant que le maître
aborde un nouveau chapitre
du vieux savoir
l’enfant pousse
les portes de corne
ou d’ivoire
dormeur émerveillé
qui suit du regard
le vol de l’oiseau
derrière la vitre
là-bas dans le ciel bleu
Sa distraction déplaît
au pitre
qui menace de le punir
Cet homme ignore
que dans le rêve
est l’avenir