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Citation de VALENTYNE


Le monde où les envahisseurs du Copenhague hivernal se mouvaient et pensaient était le monde du nom. Pour un gentilhomme, le nom était l’essence de l’être, cette part immortelle de lui-même qui devait continuer à vivre alors que d’autres parties moins hautes ne seraient plus. La personnalité, le talent, on était censé les laisser aux êtres d’un autre milieu. Ce qui tenait d’autant moins debout que, en réalité, c’est à la campagne qu’on en trouvait les traits les plus authentiques. Les citadins avaient été formés à marcher et à raisonner dans une seule direction donnée ; les habitants des grands domaines, eux, chevauchaient encore à travers champs et bois, se déplaçaient librement dans tous les sens . Ils avaient grandi dans une demeure solitaire, avec les voisins les plus proches à plusieurs heures de marche, semblables non à des arbres de la forêt mais à des arbres de parcs ou de plaines avec de l’espace autour d’eux et le droit d’exprimer leur nature particulière. Là, certains d’entre eux épanouissaient de larges et généreuses frondaisons tandis que d’autres se contournaient dans de monstrueuses attitudes, nœuds et excroissances des plus surprenants ; et c’était dans les grandes maisons de campagne des provinces lointaines qu’on se trouvait face aux spécimens d’espèces disparues depuis longtemps ailleurs et qu’on pouvait s’entretenir avec de vieux gentilshommes comparables aux mammouths et aux plésiosaures, avec de vieilles dames pareilles à l’oiseau dodo. La noblesse rurale, étant toutefois rien moins qu’encline à l’introspection, n’en démordait pas et acceptait avec bonheur l’Oncle Mammouth ou la Tante Dodo, ces consanguins préhistoriques.
Une épithète particulière les caractérisant été attachée aux noms de la plupart des familles nobles du Danemark : les « pieux » Reventlow, les « sévères et fidèles » Frijse, les « joyeux » Scheel, et la société était d’accord avec le jeune descendant d’une vieille maison, convaincue qu’on s’en tenant aux caractéristiques de sa famille – s’agit-il simplement d’une chevelure rousse – il faisait preuve d’une nature loyale. Un jeune homme portant un nom ancien mais dépourvu de toute illusion quant à son physique ou à ses dons demandait la main d’une beauté brillante, fièrement – ou humblement –, confiant en la valeur de son véritable soi. Le gentilhomme campagnard, à la ville aussi bien que sur ses terres, marchait, parlait, montait à cheval, dansait ou faisait la cour aux femmes en incarnant son nom.
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