Par la fenêtre, la cité en quarantaine sous le soleil de plomb de ce dimanche de printemps résonne de son mutisme. Les persiennes closes sur nos intimités ébranlées, les rues désertes, les regards en biais, les visages aux expressions contenues sous les façades chirurgicales à barrettes nasales.
Le monde s’est arrêté. Les soignants doivent soigner. Les chercheurs chercher. Les raisonneurs raisonner. Et les confinés se confiner. C’est inéquitable.
Le temps du confinement est un temps assoupli, voire laxe, voire contorsionniste. (...)
Mon temps est confiné lui aussi.
Ce matin, le soleil est franc, moi aussi. Ce matin, être citoyen, c’est rester chez soi. #stayathome
L’oursin vorace, ce coronavirus anagrammatique (...).
Les filles s’étaient ressoudées l’une à l’autre comme au temps de leur petite enfance lorsqu’elles encerclaient une proie imaginaire pour l’ensorceler et réduire ses forces à néant. Elles étaient intenses, toutes les cinq assises à terre comme des fillettes, éplorées mais ferventes, encadrant Alona de leur indéfectible soutien. Quand l’une se levait et brisait le cercle, c’était pour caresser la joue d’Alona, replacer une mèche de cheveux derrière son oreille, lui murmurer un mot doux. C’était une sorte de conseil de famille muet qui ne décidait plus de rien, un rituel chamanique mutique où les mains liées les unes aux autres formaient un rempart contre l’acceptation de la perte de celui qui les avait faites et aimées, chacune, à la folie
A m'a dit qu'elle ne ferait plus jamais la bise ni ne serrerait la main à quiconque. Ca l'arrange. Ca la dégoûtait de toute façon. Elle avait déjà arrêté de saluer les connards !
Cesserons-nous finalement d'être ce que nous étions pour définir enfin ce que nous voulons être ?
Elle sait. Ils savent que mon amour ne connaît pas de limites.
Ils veulent continuer à jouer. Nous voulons continuer à vivre. Changer les règles du jeu quand la partie devient intenable, n'importe quel enfant sait le faire.