AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Kate Niemczyk (3)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées
L'ère de Conan: Bêlit, la Reine de la Côte Noire

Il m'est apparu intéressant de me procurer ce comics en tant que fan de l'univers créé par Robert E Howard. En effet cet tome est consacré à Belit, l'un des seuls personnages féminins digne d'intérêt dans l'univers de Conan le Cimmérien.

Belit, Valeria et Red Sonja sont trois personages atypiques suffisamment développés par l'auteur pour qu'ils méritent qu'on leur consacre un tome, ou une série complète.

Ici on nous propose de suivre une partie de la jeunesse de celle qui deviendra la reine de la côte noire. On y découvre une jeune fille hantée par l'existence des monstres marins, et seule enfant d'un amiral redouté.

Le caractère de Belit est déjà bien trempé lorsqu'elle prend la mer pour revendiquer le navire de son père et sa place de capitaine. Son impétuosité lui permettra de construire sa réputation, d'écarter les menaces qui pèsent sur elle, d'exacerber son indépendance, affirmer son caractère et surtout se hisser au rang de reine parmi ses hommes d'équipage.

On se prend vite au jeu de cette histoire, non quelle soit très passionnante mais du moins tient elle la route. Mais c'est avant tout par la présence de Belit que l'histoire nous tient. L'auteur réussir à rendre la jeune pirate attachante et intéressante. Même si elle méritait une meilleure caractérisation, l'essentiel de sa personnalité est là.

Je passerai vite sur les graphismes que je considère plus que moyens. Certaines planches sont plus potables que d'autres quand certaines autres ne dépassent pas la médiocrité. Mais happé par les aventures de la belle, on finit par les oublier et ce n'est finalement pas très dommageable.

De manière générale, ce volume ne restera pas dans les annales comme indispensable. Tout juste attirera t'il les curieux, soucieux de s'ouvrir à différentes adaptations des personnages créés par Howard. Mais bon on est chez Marvel et pas chez Howard...
Commenter  J’apprécie          82
Man-Eaters, tome 2

Ce récit fait suite à Man-Eaters Volume 1 (épisodes 1 à 4) qu'il faut avoir lu avant. Il s'agit d'un récit complet en 3 tomes / 12 épisodes. Il comprend les épisodes 5 à 8, initialement parus en 2019, écrits par Chelsea Cain, dessinés et encrés par Kate Niemczyk, mis en couleurs par Rachelle Rosenberg, avec un lettrage réalisé par Joe Caramagna, des couvertures conçues et réalisées par Lia Miternique, des visuels supplémentaires réalisés par Miternique, ainsi que des poèmes écrits par Emily Powell.



Trois copines sont en train de discuter dans les toilettes des filles du collège. La conversation porte sur le fait que le fait que la mère de l'une n'a peut-être pas de système dogmatique de croyances, que les adultes sont très doués pour ignorer l'abysse sous l'enveloppe fragile de leur psyché, et pour proclamer tout et n'importe quoi comme étant une vérité absolue. Maude interrompt leur conversation en entrant et en faisant remarquer qu'elles ne sont pas obligées de se cantonner à l'existentialisme nietzschéen. Puis elle interrompt une de ses copines en train de se laver les mains, en lui rappelant que le gouvernement met des hormones dans l'eau pour contrôler leur corps, une autre copine tendant des lingettes à l'œstrogène. Une autre commence à expliquer quelle est l'épaisseur d'une page de comics pliée 103 fois. Sophie E. (il y a plusieurs Sophie dans l'établissement), qui se trouve dans une stalle, demande à ce qu'on lui passe du papier, ce que fait Maude. Mais il n'y a pas de réponse de la part de Sophie E. Ses copines pensent qu'elle a peut-être des écouteurs sur les oreilles, ou qu'elle est accaparée par son flux de pensée, ou encore qu'elle vient d'être kidnappée par des individus cachés dans le faux plafond.



Suit le clip d'un projet scolaire de Sophie E. qui montre une jeune fille en kimono avec une tête de licorne en train de danser. Sachant que Sophie E. n'est pas une fille que ça dérange de parler quand elle se trouve aux toilettes, Maude passe la tête sous la porte et se rend compte de sa disparition. L'une des filles pense qu'elle a bu trop d'Oestro-soda. S'en suit une page de pub pour les Estro-pop disponibles en 7 parfums. Surprises par sa disparition, les filles pensent qu'elle a peut-être eu ses premières règles et qu'elle a pu se transformer en panthère-garou. Maude pense qu'il faut qu'elles contactent son père. S'en suit une page où se tient son père debout, énumérant toutes les recommandations de vie qu'il a pu faire à sa fille : du fait qu'il croit en elle, jusqu'au fait qu'elle doive appeler sa mère si tous ses autres conseils se sont avérés inefficaces. Son père se trouve actuellement dans le laboratoire mobile de police dont Jo (la mère de Maude) est responsable : elle évoque les méthodes de triangulation des signalements pour retrouver la panthère-garou. L'un des laborantins est en train d'examiner au microscope un poil retrouvé sur le lieu de l'agression. Il n'a jamais rien vu de pareil.



Le premier tome avait suffi à départager les lecteurs : des femmes écrivant sur les premières menstruations avec une approche féministe humoristique, sans être agressive, et une narration très inventive ne se posant pas de limite de forme. Comme dans le premier tome, le lecteur n'est pas au bout de ses surprises. Le dernier épisode s'apparente à un numéro hors-série qui n'est pas rattaché à l'intrigue, et qui vient apporter de la consistance au monde développée par les autrices, mais de manière incidente, sous autre forme que celle de la bande dessinée. Il contient un ensemble de cartes de jeu à découper : règles, tampon périodique, panthère, mangeur de tampon, produits détachants. Ce numéro 8 propose plusieurs jeux. Il y a un premier jeu de rôle où il est possible d'incarner Jennifer ou Mandy, chacune étant décrite dans une fiche personnage avec ce qu'elle aime, ce qu'elle n'aime, sa phrase fétiche, l'émoji qu'elle utilise le plus et une courte biographie. Le jeu consiste à jouer une scène où l'une d'elle a volé une bouteille Estro-pop. Le lecteur trouve ensuite un facsimilé de la carte d'évaluation pour évaluer la capacité de la joueuse ou du joueur à bien prononcer, à projeter sa voix, à transcrire l'état émotionnel du personnage incarné, à avoir un jeu d'acteur expressif, à projeter du charisme, avec des points bonus pour la capacité à imiter l'accent belge (optionnel). Viennent ensuite les règles du jeu de cartes, les règles d'un jeu où il faut courir pour transporter un tampon hygiénique gorgé de sang de cochon dans un gymnase, un jeu de plateau avec des panthères-garous. Ce magazine se termine avec le témoignage d'une jeune femme en centre de détention pour ne pas avoir réussi à maîtriser sa ménorrhée, et une autre prenant un traitement lui permettant de mener une vie normale.



L'inventivité tout azimut des autrices ne se cantonne pas à cet épisode magazine : il est présent dans tous les épisodes, sous des formes hétéroclites, toujours avec une fibre humoristique. Le lecteur sourit bien volontiers aux recommandations en vrac du père avec une pertinence et une efficacité très erratiques, les fausses pubs, la coupe transversale du camion-laboratoire, la fiche d'évaluation de développement de la puberté, la représentation de la mère sous forme de tampon avec une cape de superhéros, ou encore les postiches pour chat. Les autrices ne font pas semblant de parler de menstruations et le font ouvertement avec une liberté de ton revigorante. Il suffit de regarder la couverture de l'épisode 6 : une main de jeune adolescente formant le signe V avec l'index et le majeur. Les lettres du titre Man-Eaters dégoutte de sang, ainsi que le majeur et l'index. Du fait du contexte, le lecteur comprend par lui-même qu'il s’agit de sang menstruel. Les 3 ongles visibles ont été décorés par un vernis, avec un dégradé arc-en-ciel à paillettes. Cain, Niemczyk et Miternique associent dans la même image l'innocence et le kitsch de l'enfance, le passage à l'adolescence, et le sang symbole du cycle et de la matrice de la vie.



Sous réserve qu'il ne fasse pas une intoxication à l'œstrogène, le lecteur reprend l'histoire là où l'avait laissée le tome précédent. Il y a donc une panthère-garou qui rôde dans le voisinage mettant en danger la vie des adultes susceptibles de la croiser. L'enjeu du récit ne réside pas dans une enquête : le premier épisode révèle qui est cette panthère-garou, ainsi que le fait que Sophie E. ne prenait plus ses hormones. La métaphore sur le passage à l'état de femme est directe, ainsi que celles sur les états émotionnels fluctuants et les risques pour les adultes oublieux de l'instabilité des individus traversant cette phase de l'adolescence. Les dessins sont à l'unisson de cette phase : à la fois mignons, tout public, et déjà avec un bon niveau descriptif, ainsi que des expressions de visage qui ne sont plus celles de l'enfance. Le lecteur continue de sourire lors de la discussion un peu gênée entre le père et la fille, le fond de l'échange portant sur cette transformation spécifiquement féminine ce qui exclut d'office la pertinence du père, lors de la discussion entre lui visiblement dépassé et la mère beaucoup plus professionnelle et compétente que lui. Il sourit tout autant lors des discussions entre jeunes filles curieuses et qui n'ont pas peur d'appeler un chat un chat.



Les dessins recèlent des éléments girly sans en rajouter. La lectrice (ou le lecteur) voit bien qu'il se promène dans des univers féminins, à commencer par la chambre de Maude, avec quelques doudous, des images de fleurs au mur, et des coussins assortis. L'artiste ne va pas dans l'exagération de type kawaï, se contentant d'une petite figurine de licorne sur une commode. Il n'y a donc pas de moquerie sous-jacente quant aux goûts de fille de l'enfance. Il n'y a pas non plus de volonté d'effacer tout signe extérieur de genre. Les demoiselles mises en scène assument tout à fait leur genre, s'habillant avec des vêtements de leur âge, sans recherche ostentatoire d'un effet mode ou autre, préférant la praticité, sans pour autant chercher à s'enlaidir ou à masquer leur appartenance à la moitié féminine de l'humanité. La lectrice / le lecteur s'immerge donc avec facilité dans chaque environnement qu'il s'agisse des toilettes des filles ou dans un cours d'autodéfense pour jeunes adolescentes. Elle/il s'assoit respectueusement sur le bord du lit de Maude où elle est allongée, sans penser à mal, comme un parent à côté de son enfant. Elle/il l'accompagne chez le proviseur et s'assoit sur la chaise à côté d'elle pour laisser passer les remontrances, l'inciter à boire le verre d'eau traitée aux hormones, et présenter des excuses du bout des lèvres pour pouvoir passer à autre chose. Pris dans la douceur de cette relation fille-père, elle/il en oublie même l'intrigue en cours de route, tout entier à ces ressentis sur le passage de l'état d'enfant à celui de femme amené par l'évolution physiologique inexorable du corps.



Du fait du parti pris drastique des autrices, il est vraisemblable que l'avis de la lectrice / du lecteur soit fait avant même d'ouvrir le tome. Elle/il retrouve les dessins sympathiques sans être nunuches, la diversité des supports visuels (du jeu de cartes aux fausses pubs, en passant par les collages), le point de vue féminin qui ne s'excuse pas sans se vouloir militant pour autant, ainsi que l'humour sympathique. Elle/il se rend compte que l'intrigue lui importe peu, et qu'elle/il préfère ressentir la relation fille-père, et l'appréhension des transformations physiologiques sur lesquelles Maude n'a pas de prise, et des informations très partielles, voire partiales.
Commenter  J’apprécie          70
Man-eaters, tome 1

Ce tome est le premier d'une série indépendante de toute autre. Il comprend les épisodes 1 à 4, initialement parus en 2018, écrits par Chelsea Cain, dessinés et encrés par Kate Niemczyk, mis en couleurs par Rachelle Rosenberg, avec un lettrage réalisé par Joe Caramagna, des couvertures conçues et réalisées par Lisa Miternique, des visuels supplémentaires réalisés par Miternique, Stella Greenvoss et Kyle Scnalon, ainsi que des courts textes écrits par Eliza Fantastic Mohan, et des haïkus écrits par Emily Powell.



Maude est une jeune fille de 12 ans et elle est en train d'imaginer dans sa tête, des aventures pour la superhéroïne Tampon Woman. Son père frappe à la porte de sa chambre. Elle prend son chat dans ses bras et lui indique qu'il peut entrer. Il est en tenue de cycliste avec un casque sur la tête et l'informe qu'elle va être toute seule pendant quelques heures car il va travailler. Après son départ, Maude présente son père au lecteur : ce n'est pas un acteur pour série TV de police, et il était beaucoup plus déprimé juste après son divorce, il y a 2 ans. C'est un papa normal et moyen, avec des tenues un peu confortables, et une dizaine de phrases toutes faites qu'il répète souvent, de Est-ce que tu as fait tes devoirs ? à Peut-être. Il lui arrive d'enquêter sur des homicides. D'ailleurs avec son pantalon de cycliste, il vient de se rendre dans un immeuble où a été trouvé un cadavre, qu'il examine avec son ex-femme à ses côtés car elle est vétérinaire et responsable de l'unité de traque des grands chats pour la partie nord-est du Pacifique. L'équipe d'enquête retrouve des morceaux de cadavres sur le toit terrasse, attestant qu'il s'agit bien de l'attaque d'un grand chat. Ils doivent appeler l'équipe locale de Capture des Chats (Cat Apprehension Team).



L'équipe d'état du CAT vient donc s'installer dans le commissariat local et prendre la direction des affaires, ainsi que le commandement des policiers locaux. Ils commencent par faire placarder des affiches partout pour avertir la population et par faire le tour des 73 suspects. De son côté, Maude se souvient des cours d'éducation sur l'épidémie de chat, sur le virus qui touche les jeunes filles atteignant la puberté, sur l'intensité de la manifestation des symptômes : transformation en chat de la taille d'une panthère avec des accès de rage allant jusqu'à agresser et tuer les personnes de l'entourage, à commencer par la famille proche. Fort heureusement, suite à la première épidémie, le gouvernement a pu mettre en place des mesures efficaces : ajouter de la progestérone et de l'œstrogène dans l'eau du robinet pour bloquer les effets de l'épidémie, empêchant ainsi la survenance des règles chez les jeunes filles. L'épidémie a été jugulée et le nombre d'agressions par chattes humaines a chuté drastiquement. Mais ce traitement préventif s'avère inefficace dans quelques cas isolés. Alors qu'elle est aux toilettes, Maude remarque une tache de sang sur sa culotte.



Pour tout lecteur normalement constitué, ce recueil lui hurle de passer son chemin : une histoire de jeune adolescente qui aime les chats (parce que les chats mignons, ça fait vendre), le thème des menstruations matraqué à chaque scène ou presque, une métaphore sans finesse (la femme est semblable à un chat), une intention féministe qui dicte le récit, sans parler des nombreuses fausses publicités, et du quatrième épisode en forme de parodie de magazine, sans bande dessinée. Dans le même temps, l'approche franche et explicite des autrices (seul le lettreur est un homme) fait qu'il sait ce qui l'attend et qu'il n'y aura pas tromperie sur la marchandise. Effectivement, Kate Niemczyk réalise des dessins de nature réaliste et descriptive, sans conventions graphiques ciblant un lectorat féminin, par exemple celles du shojo, ou celles des illustrés pour filles. La couleur rose n'est pas prédominante, et les cases ne s'attardent pas sur les tenues à la mode. Il n'est même pas question de maquillage. Pour autant, la dessinatrice ne joue pas non plus la carte de la fadeur et montre que Maude porte un bonnet avec des petites oreilles de chat en toute circonstance ou presque et qu'elle s'habille avec des tenues en cohérence avec son âge. C'est juste que le récit ne se focalise pas sur cet aspect.



De la même manière, Chelsea Cain ne fait pas semblant. En 3 épisodes et un faux magazine, elle évoque des parents divorcés, la toute première fois que Maude constate un écoulement de sang menstruel, le mode d'emploi d'application d'un tampon, 8 femmes célèbres, les endroits réservés aux hommes, et comment identifier des excréments de chats géants. Le lecteur plonge donc dans un récit raconté d'un point de vue féminin, par une femme (plusieurs même), avec des préoccupations de femme, et des éléments de la vie quotidienne de la gente féminine. Il n'en reste pas moins qu'il s'agit bien d'une histoire, avec une dynamique efficace : une épidémie transformant les femmes en créatures félines incontrôlables et dangereuses, épidémie qui a été circonscrite, mais quelques cas apparaissent encore sporadiquement. Il est donc possible pour tout lecteur (féminin comme masculin) de s'intéresser à l'intrigue, et d'être pris par le suspense de la progression dramatique. Il est fort vraisemblable que la mort des victimes du grand chat soit imputable d'une manière ou une autre à Maude, mais ce n'est pas certain. Il y a des scènes d'action quand l'équipe CAT doit retrouver le grand chat, et les personnages sont immédiatement attachants dans leur normalité et leurs réactions émotionnelles. L'artiste réalise des cases faciles à lire, avec un niveau élevé d'informations visuelles, permettant de jeter un coup d'œil à chacune des endroits où se déroule l'action, avec des personnages à la morphologie normale, présentant des caractéristiques qui rendent compte de leur personnalité, à commencer par leur choix de tenue vestimentaire.



Dès la première page, Chelsea Cain fait usage d'un humour franc et décomplexé avec cette superhéroïne imaginée par Maude : Tampon Woman. Elle sait jouer avec plusieurs registres de comique : le portrait un peu critique brossé par Maude de son père, avec un dessin montrant un individu aussi banal que sympathique, le suspense sur les individus en train de tous marmonner la même chose de manière inintelligible, les sautes d'humeur de Maude tout à fait compréhensibles, le subterfuge pour demander comment enlever des tâches de sang sans révéler qu'il s'agit de celui des règles, le père de Maude totalement désemparé lors d'une action de police sous la responsabilité de son ex-femme. Il s'agit d'un humour dépourvu d'hypocrisie sur le cycle biologique de la femme, mais sans méchanceté non plus, ni envers les femmes, ni envers les hommes. Cet humour est renforcé par les fausses publicités et les facsimilés de page de magazine, et même de notice d'utilisation d'un tampon hygiénique. Les autrices savent trouver un point d'équilibre respectueux, en parlant franchement des choses telles qu'elles sont, mais sans moquerie ou méchanceté dirigée contre une personne. Le lectorat féminin se retrouve dans ces étapes de développement physiologique ; le lectorat masculin découvre un discours clair et sans affèterie. Lia Miternique fait preuve d'une verve en phase avec celle de Cain & Niemczyk, et tout aussi inventive : flyers comiques, fausses couvertures de magazine, formulaire de déclaration de blessure suite à une attaque de chat géant, mode d'emploi de tampon hygiénique, plan indiquant les endroits où se cacher dans un appartement, litière de chat avec des excréments dont il faut identifier le producteur. Le lecteur se retrouve à sourire très rapidement devant cet humour chaleureux et cette diversité de supports.



Les autrices ont donc choisi de parler de la condition féminine, des transformations se produisant à l'âge adolescent en utilisant la métaphore du chat, animal capricieux, très indépendant, au comportement pouvant sembler erratique. A priori, le lecteur y voit là plus une facilité qu'une comparaison susceptible de servir de support à la réflexion. Il constate, séquence après séquence, que les autrices savent utiliser cette métaphore avec élégance et intelligence. Il peut très bien lire le récit au premier degré, sans prêter attention à ladite métaphore. L'intrigue fonctionne très bien ainsi avec cette étrange maladie qui ne frappe que les jeunes filles, et avec la traque qui s'installe pour neutraliser le grand chat tueur. Il peut aussi jouer à interpréter la métaphore à chaque fois qu'elle est employée. Il sourit en voyant la manière dont les autrices s'amusent à plaquer les caractéristiques des chats sur les femmes pour se moquer gentiment de leur caractère changeant, d'une forme d'absence d'allégeance vis-à-vis de qui que ce soit, pour pointer du doigt l'agressivité qui peut soudainement surgir. En outre, l'intrigue (le virus, les dispositions sanitaires prises par le gouvernement) et la métaphore se combinent régulièrement pour faire apparaître les non-dits sociaux, les attentes systémiques qui pèsent sur les femmes. Même si le mystère reste entier quant à l'identité du grand chat, le lecteur voit apparaître comment Maude refuse de plier aux exigences implicites de la société, comment elle enfreint certaines règles sociétales implicites ou explicites. La qualité de la narration fait que le lecteur est entièrement acquis au point de vue de Maude, qu'il partage ses émotions et ses motivations. Du coup, les mesures sanitaires pour juguler l'épidémie apparaissent comme un cadre rigide qui dicte le comportement des demoiselles, une contrainte castratrice. Ce dispositif narratif produit alors l'effet de mettre en lumière la pression que subit un individu (Maude) qui n'est pas armé pour supporter ou s'accommoder de ces diktats d'autant plus horribles qu'ils définissent une normalité implicite, impliquant le degré de courage nécessaire pour oser s'éloigner de cette norme, pour oser affirmer son identité et ne pas se conformer aux attentes floues mais bien réelles.



Alors que toutes les caractéristiques du récit auraient tendance à faire reculer le lecteur, la narration s'avère aussi honnête sur le point de vue féminin, que drôle et intelligente, avec une mise en images qui refuse elle aussi le conformisme pour utiliser d'autres formes (graphiques, schémas, articles) et les mettre au service du récit et du propos. Arrivé à la fin, le lecteur à peine à croire qu'il a déjà terminé 4 épisodes et que ce premier tome s'arrête là, tant son plaisir de lecture a été intense.
Commenter  J’apprécie          70


Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Kate Niemczyk (6)Voir plus

Quiz Voir plus

1984 - Orwell

Comment s'appelle le personnage principal du roman ?

Wilson
Winston
William
Whitney

10 questions
2294 lecteurs ont répondu
Thème : 1984 de George OrwellCréer un quiz sur cet auteur

{* *}