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3.42/5 (sur 30 notes)

Nationalité : Brésil
Né(e) à : Recife , le 16/04/1969
Biographie :

Klester Cavalcanti est un journaliste et écrivain brésilien. Il est considéré comme l'un des meilleurs journalistes d'investigation de son pays.
Il est l'auteur des livres Direto da Selva (2002), Viúvas da Terra (2004), O Nome da Morte (2006), Dias de Inferno na Síria (2012) e A Dama da Liberdade (2015).
Il a passé six jours en prison dans la Syrie en guerre au cours d'un reportage.
Il a reçus plusieurs prix, comme journaliste et comme écrivain.

Source : pt.wikipedia.org
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Bibliographie de Klester Cavalcanti   (1)Voir plus

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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Malgré lui, il était fier d’avoir participé à cette opération complexe. Après avoir passé toute la journée à filer Anibal, son oncle et lui avaient réussi à faire le boulot. Et, surtout, sans attirer l’attention de personne. Il pensait toujours à ça quand Cícero voulut savoir ce qu’il avait dit à l’homme pour le faire arrêter.
– Je lui ai demandé s’il savait où je pouvais m’acheter un Coca.
– Excellent, Julão. Tu es encore plus main que je ne le pensais.
– Tu trouves ? Vraiment ?
– Et comment. Le coup du Coca, c’était parfait. Tu es né pour ce genre de travail, gamin. Tu as du talent pour ça.
Júlio n’apprécia pas d’entendre son oncle dire qu’il était né pour devenir un assassin. Mais en même temps il trouvait très agréable l’idée d’avoir un talent particulier. Ce soir-là, il resta à la maison avec son oncle. Après avoir dîné de riz et d’œufs au plat, ils discutèrent jusqu’à une heure du matin. Júlio alla se coucher convaincu qu’il devait devenir tueur à gages. Les arguments de Cícero semblaient solides. En travaillant comme pistolero, il pourrait faire des voyages, découvrir plein d’endroits, vivre des histoires excitantes et gagner raisonnablement sa vie. Pour tuer Anibal, par exemple, Cícero lui raconta qu’il avait touché 500 cruzeiros. En un seul jour, son oncle avait encaissé plus de la moitié de ce que lui avait amassé en trois mois de travail dans l’Araguaia. Ce métier de tuer des gens était peut-être difficile, mais l’argent en valait la peine. Quant à sa peur de finir en prison, Cícero affirma qu’elle était infondée. Dans le coin, disait-il, la police ne se mêlait pas des affaires des pistoleros.
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Note de l’auteur

Il aura fallu sept ans de discussions pour que Júlio Santana m’autorise à citer son vrai nom dans ce livre. La première fois que nous nous sommes parlé, en mars 1999, il a accepté de me raconter son histoire mais pas de révéler son identité ni de se laisser photographier par moi – ou par qui que ce soit d’autre. Rien de plus compréhensible. L’homme avec qui j’ai engagé la conversation ce jour-là – à raison d’une interview par mois en moyenne – est un assassin professionnel qui, en trente-cinq ans de carrière, a tué près de cinq cents personnes. Quatre cent quatre-vingt-douze pour être précis, dont quatre cent quatre-vingt-sept ont été dûment répertoriées dans un cahier avec la date et le lieu du crime, la somme perçue pour son travail et, plus important encore, les noms du commanditaire et de la victime.

Mon premier contact avec cet étrange citoyen brésilien a eu lieu lors d’un reportage sur le travail esclave. À l’époque, en mars1999 donc, j’étais correspondant du magazine Veja en Amazonie, un poste que j’ai occupé pendant un peu plus de deux ans. Pour les besoins dudit reportage, le photographe Janduari Simões et moi nous étions rendus dans plusieurs villes du Pará, à la recherche de gens qui avaient été asservis et de fazendeiros qui employaient des esclaves sur leurs terres. Au cours d’une opération conjointe de la police fédérale et du ministère de la Justice sur la commune de Tomé-Açu, un policier nous a expliqué qu’il était fréquent dans la région que les fazendeiros recrutent des pistoleros pour tuer des proches – en général des fils ou des frères –, des travailleurs asservis qui fuyaient les fazendas. C’était un moyen de forcer l’esclave à reprendre le travail.

Quand je lui ai fait part de mon souhait de rencontrer un de ces tueurs, un agent de la police fédérale participant à l’opération de Tomé-Açu m’a dit qu’il en connaissait un et qu’il allait lui demander s’il pouvait me donner son numéro de téléphone. Pour qui connaît les coulisses de la police brésilienne, ce type de liens amicaux entre policiers et criminels n’a malheureusement rien de nouveau. Mais je n’ai vraiment cru que l’agent de la PF allait me transmettre les coordonnées du tueur que deux jours plus tard, quand il m’a rappelé en disant qu’il lui avait parlé et que je pourrais lui téléphoner le lendemain à 14 heures pile. Le numéro qu’il m’a fourni était celui d’une cabine qui se trouvait devant une boulangerie de Porto Franco, dans le Maranhão. Ce jeudi-là, le 18 mars 1999, pendant un échange qui a duré presque une demi-heure, j’ai appris que l’homme dont je voulais raconter l’histoire s’appelait Júlio Santana et qu’il avait commis son premier homicide en 1971, à dix-sept ans.

Ni les paroles ni le ton de Júlio ne m’ont donné l’impression que j’avais affaire à un individu violent ou agressif. Il s’exprimait de façon mesurée et sereine, avec un fort accent nordestin. Dès ce premier contact, il m’est clairement apparu qu’il avait envie de raconter son histoire. “Si vous voulez, je vous dis tout. Je n’ai jamais parlé de ça à personne”, a-t-il dit. Avant de prendre congé, lui et moi sommes convenus de nous rappeler cinq jours plus tard, à la même heure. À peine avais-je raccroché que j’ai appelé Laurentino Gomes, le rédacteur en chef de Veja, à São Paulo, qui était chargé d’approuver mes idées de reportage. La perspective de faire le portrait d’un tueur à gages l’a enthousiasmé. En revanche, nous ne pouvions pas publier un récit aussi sensationnel sans dévoiler, au minimum, le vrai nom de son personnage central. Et si le tueur acceptait de poser pour une photo, ce serait encore mieux. Chaque fois que je discutais avec Júlio, ma fascination pour son histoire augmentait. Mais mes espoirs de le voir accepter que soient divulgués son nom et sa photo, eux, diminuaient. En tout cas à court terme.

Pendant les sept années suivantes, j’ai poursuivi mon dialogue avec cet homme qui a tué près de cinq cents personnes et n’a jamais exercé d’autre activité professionnelle. Chaque coup de fil a resserré nos liens. Je sentais qu’il avait de plus en plus confiance en moi et se racontait avec de plus en plus de sincérité et d’émotion. Je revenais de temps en temps sur mon envie de relater sa vie – avec déjà l’idée d’en faire un livre – en ajoutant qu’il fallait absolument que je puisse publier son vrai nom et une image de lui. Júlio restait inflexible. Mais j’étais certain qu’il changerait d’avis un jour. Ce jour est arrivé en janvier 2006, quand, pendant une conversation, Júlio m’a annoncé qu’il avait décidé d’abandonner sa vie de tueur et de partir s’installer loin du Maranhão avec sa femme et ses deux enfants.

Grâce à cette information, j’ai réussi à le convaincre que sa plus grande peur – celle d’être mis en prison si son identité apparaissait dans un livre – n’avait plus aucune raison d’être. À partir du moment où il mènerait dans un autre État une existence totalement différente de celle qui avait été la sienne jusque-là, il ne courrait plus aucun risque d’être repéré par la police. “Mais si vous mettez ma photo dans le livre, ils m’auront”, a dit Júlio. Je lui ai expliqué que cette photo m’était indispensable, mais que nous utiliserions un effet technique quelconque pour rendre son visage méconnaissable. À ce moment-là, preuve de confiance extrême, il a enfin accepté que je publie son nom et une image de lui dans le livre. Ce livre. Il me manquait encore quelque chose de très important : une rencontre personnelle avec le tueur. Jusque-là, tous mes échanges avec Júlio Santana avaient eu lieu au téléphone. Je ne connaissais ni son aspect physique, ni sa démarche, ni sa façon de s’asseoir, ni son sourire. Je ne connaissais ni sa maison, ni sa femme, ni ses enfants. Pour voir tout cela et connaître l’univers que s’était construit ce fascinant acteur de la réalité brésilienne, je suis allé en avril 2006 à Porto Franco, où vivaient Júlio et sa famille. Là, j’ai passé trois jours aux côtés d’un homme calme, enjoué, casanier, affectueux avec les siens et très religieux. Un homme apparemment ordinaire. Au profil bien différent de celui des assassins qui peuplent la littérature et le cinéma.

Avec trois blocs-notes exclusivement remplis par la retranscription de mes entretiens avec Júlio, je suis passé à la phase suivante de mon travail : la recherche d’autres sources, des documents et des gens, à même de confirmer – ou non – les dires du sujet de ce livre. Au cours de cette étape, j’ai interviewé près de quarante personnes – des policiers, d’anciens garimpeiros1 de Serra Pelada, des proches de victimes de Júlio – et j’ai eu accès à des rapports d’enquête policiers et à des dossiers judiciaires. Il a été réconfortant de constater que ces sources, documentaires comme humaines, non seulement corroboraient tout ce que m’avait raconté Júlio, mais apportaient des précisions détaillées sur les faits décrits dans ce livre. L’un des témoignages les plus surprenants a été celui de l’ex-député et ex-président du Parti des travailleurs José Genoino Neto2.

Júlio Santana m’avait décrit sa participation à la capture de José Genoino en avril 1972, pendant la Guérilla de l’Araguaia. Pour attester la véracité de cette histoire, j’ai pris rendez-vous avec Genoino chez lui, à São Paulo. Pendant l’interview, je lui ai dit qu’une de mes sources – je n’ai pas révélé laquelle – affirmait avoir participé à son arrestation. Je lui ai répété tout ce que m’avait raconté Júlio, avec des détails minimes comme la couleur du chien qui était dans la cabane où avait été emprisonné le guérillero. Quand je me suis tu, José Genoino a tout confirmé. Et a dit : “C’est certain, ce type y était. Vous venez de mentionner des détails dont je n’ai jamais parlé à personne.” Genoino se souvenait aussi de la présence, au sein du groupe qui l’avait arrêté, d’un garçon bien plus jeune que les autres. C’était Júlio Santana, qui, à l’époque, avait dix-sept ans.

L’histoire que vous allez lire retrace la vie d’un homme, né dans un trou perdu de la jungle brésilienne, qui avait tout pour devenir un pêcheur paisible, oublié dans les profondeurs de la forêt, comme il en existe tant en Amazonie. Des gens abandonnés par les autorités et par le gouvernement dans des hameaux où il n’y a aujourd’hui encore ni électricité, ni eau courante, ni égout, ni école, ni dispensaire. Où la sécurité est inexistante et où la police ne met pas les pieds. Un univers d’une grande beauté naturelle, peuplé d’animaux extraordinaires et couvert d’arbres centenaires et de cours d’eau apparemment sans fin. C’est de ce monde fabuleux et inhospitalier qu’est sorti Júlio Santana, un Brésilien qui a passé sa vie à tuer des Brésiliens. Et n’allez pas croire que tous ses crimes ont été commis au fin fond de l’Amazonie. En trente-cinq ans de métier, Júlio a tué des gens dans bon nombre d’États, dont ceux de São Paulo, de Bahia, du Paraná et de Goiás. Mais il s’est toujours enorgueilli de n’avoir jamais assassiné personne par haine ou de son propre chef. “Je ne tue que quand on me paye pour tuer”, m’a-t-il dit je ne sais combien de fois. Et malgré les près de cinq cents morts qu’il porte sur ses épaules, Júlio Santana n’a été arrêté qu’une seule fois, en mai 1987. Il espère ne pas revivre cela.
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Cícero mit trois jours à persuader son neveu de l’accompagner pour un boulot. Il devait tuer un homme à la suite d’une dispute sur un terrain de foot. Le type qui l’avait engagé s’était pris une gifle dans la figure en plein match, devant tout le monde. Sur le terrain même, Leandro, qui avait reçu la claque, avait menacé son agresseur : « Je vais te tuer ! » Mais comme il n’en avait pas le courage, ce fils d’un fazendeiro des environs avait payé Cícero pour le faire à sa place.
– Tu vas tuer ce type seulement parce qu’il a mis une baffe à quelqu’un ? demanda Júlio, nerveux.
– Non, Julao. Je vais le tuer parce que ce quelqu’un m’a payé pour ça. Il faut que tu apprennes un truc. Dans ce métier, on se fiche de savoir si le type est tout gentil ou si c’est un emmerdeur fini. Qu’il ait mis une baffe à l’autre ou violé sa fille, ça n’est pas mon problème. Ce qui compte, c’est qu’on me paye et que le boulot soit fait.
La froideur de cette réponse effraya Julio, mais il se souvient aussi d’avoir admiré la force et le courage que semblait montrer son oncle. Tout le monde n’était pas capable de tuer quelqu’un sans peur, sans remords, sans tristesse.
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Cela faisait environ trois heures que Júlio épiait le pêcheur Antônio Martins en pleine jungle amazonienne, à la frontière du Maranhão et de la partie nord de Goiás – actuel État du Tocantins, fondé en octobre 1988. La chaleur était intense. Mais il avait étrangement froid, et son estomac était noué. Tapi entre les arbres séculaires, dont certains mesuraient plus de quarante mètres, il maintenait sa carabine pointée sur le pêcheur. Depuis les fourrés, il voyait Antônio assis dans sa pirogue sur un bras du rio Tocantins. Il savait parfaitement quoi faire. Mets-lui une balle dans le coeur et on n’en parlera plus, se disait-il. Pour un garçon qui venait d’avoir dix-sept ans et n’avait jamais tiré sur personne, la tâche n’était pas aussi simple.
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