Kurt Kusenberg

Il n'y a pas de possibilité quelconque de se soustraire à la famille. Certes, il es vrai que mon ami Théobald Tiger chante :
"Ne mêle pas la famille à tes affaires,
Car ça ira de travers,
Car ça ira de travers !"
Mais ces vers sont nés d'une méconnaissance ahurissante de la vie. On ne mêle pas la famille à ses affaires -- elle s'en charge bien toute seule.

La famille (familia domestica communis, la famille commune) se rencontre en Europe centrale à l'état sauvage et se maintient généralement en cet état. Elle se compose d'un rassemblement de personnes de sexe différent qui considèrent que leur tâche primordiale est de fourrer leur nez dans nos affaires. (...) En règle générale, la famille éprouve un dégoût violent d'elle-même.

La famille sait tout, mais elle désapprouve par principe. (extraits de "La famille" de Kurt Tucholski)

Il n'y a pas un seul membre d'une famille qui prenne jamais au sérieux un autre de ses membres.

La famille est très exclusive. Elle sait parfaitement bien ce que fabrique le plus jeune des neveux durant ses heures de liberté, mais malheur au jeune homme s'il lui venait à l'idée d'épouser une étrangère ! Vingt lorgnons se braquent alors sur la pauvre victime, vingt paires d'yeux clignent en passant l'inspection, vingt nez hument l'air avec méfiance : "Qui est-ce donc ? Est-elle digne d'une tel honneur ?" De l’autre côté, c’est exactement la même chose. Dans ces cas-là, les deux parties sont habituellement très au-dessous de leur niveau.

L'appartenance familiale véhicule un germe de maladie largement répandue : tous les membres du clan passent leur temps à faire la tête.

Certes, il est vrai que mon ami Théobald Tiger chante : ‘‘Ne mêle pas la famille à tes affaires, Car ça ira de travers, Car ça ira de travers !’’ Mais ces vers sont nés d’une méconnaissance ahurissante de la vie. On ne mêle pas la famille à ses affaires – elle s’en charge bien toute seule.