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Citation de Melpomene125


Joséphine reprit son souffle avant d’exposer ses idées avec la même ferveur. Elle avait peur, avait sans cesse peur que ses interlocuteurs outrecuidants la rabaissent et se moquent d’elle, de son érudition inutile puisqu’elle n’était qu’une pute ou officiellement une assistée, une chômeuse de longue durée bonne à rien, à part à vider les caisses de l’État car elle était bénéficiaire des minima sociaux. Nadia le devina, elle n’en fut que plus indulgente. Elle éprouvait une empathie soudaine et surprenante pour cette femme qu’elle avait longtemps détestée parce qu’elle avait besoin de haïr quelqu’un. Pourquoi pas la sale négresse du cagibi voisin ?

« Je sais que le monde a changé, l’organisation sociale, balbutia Joséphine. Tout a changé et pourtant rien n’a changé, ou alors en pire. Le progrès est mort. La révolution industrielle est morte. Nous ne sommes plus une classe solidaire, unie, qui fait la force. Nous sommes seuls, isolés. La désindustrialisation est passée par là, ainsi que son bébé : le chômage de masse. Avant, on tirait de nous de très grosses fortunes ; maintenant, la condition indispensable à l’enrichissement est de nous licencier. Plus personne ne veut nous embaucher, nous payer, nous permettre de travailler. L’obsession majeure est de réduire les coûts salariaux, de se débarrasser de ceux qui n’ont pas encore été virés sans se retrouver au tribunal. Peut-être recherchent-ils d’authentiques misérables à exploiter, des hommes, des femmes, voire des enfants qui vivraient comme à l’époque du bouquin. Je l’ignore. Ça me désespère… »
Nadia la serra dans ses bras. Elle s’occuperait d’elle, elle ne manquerait de rien. Elle ne la laisserait pas sombrer dans cette lente déchéance.
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